Je réfléchis une seconde et levai mon verre.
- Je me suis permis d'oublier que tout ça était éphémère, dis-je.
- Nous commettons tous cette erreur.

Les Ephémères est une véritable ode à l'amitié, une histoire inspirée de la propre vie de l'auteur anglais.
Ecosse, été 1986, en pleine ère Thatcher, Tully et James (Noodle de son surnom), passionnés de musique et de cinéma, sont désoeuvrés et entourés d'une bande de potes tous aussi barrés et paumés les uns que les autres. Ils réussissent à dénicher des tickets pour aller à Manchester, ville mythique pour tout amateur de musique punk rock et new wave, le temps d'un week-end de folie et d'excès en tous genres, et surtout assister aux concerts de leurs idoles The Smiths, New Order, A Certain Ratio,... qui se produisent dans un grand festival. Trente ans plus tard, James reçoit un appel de Tully qui le bouleverse. Ce dernier est malade et lui demande un immense service. C'est le début d'une autre temporalité, un temps plus lent et profond, qui nous happe et nous surprend à questionner nos propres relations d'amitié.
C'est beau, rempli d'humanité et de tendresse, grave et léger à la fois, et saupoudré de cet humour anglais (écossais pour être plus juste) qui rafraîchit même les moments les plus sombres. Let's Rock !

Catherine D. 

Nous savons que la vie a une fin. Pourquoi faudrait-il croire que la mort dure éternellement ? 

Difficile de raconter ou d'écrire sur un roman qui rend l'indicible et l'ellipse palpables, une fresque d'une rare beauté alors qu'on y passe de guerre en guerre, de disparition en disparition, de désir en désir, d'une génération à une autre; n'est pas Anne Michaels qui veut. Etreintes laisse une trace indélébile sur son/sa lecteur/lectrice, chaque page contient une phrase qui nous immobilise par sa justesse et son évidence, et si la chronologie d'apparence désordonnée nous donne le tournis, c'est pour mieux nous faire ressentir le poids des vivants et des morts, l'amour par-delà le monde sensible, le désir permanent au coeur du tourbillon des guerres incessantes, le charme d'un instant suspendu. Tout simplement m.a.g.n.i.f.i.q.u.e !

Ce qu'on donne ne peut pas nous être enlevé. 

Un grand merci à Dominique Fortier qui a superbement traduit ce texte impalpable.

Catherine D. 

Depuis le triomphe de Normal People, chaque roman de Sally Rooney est un événement. L'irlandaise manie la langue comme personne et, tout en reprenant ses thèmes de prédilection (les relations interpersonnelles, l'amour et le sexe, les malaises de la société contemporaine, la santé mentale, la religion...), elle parvient à nous offrir à chaque sortie quelque chose de nouveau et d'éblouissant.

Intermezzo met en scène deux frères dans les mois qui suivent le décès de leur père. Peter, l'aîné, est un avocat trentenaire à qui tout réussit, du moins en apparence. Mais, dans le deuil, il semble perdre le fil de son existence, tout en oscillant entre deux femmes très différentes: son amour de jeunesse, Sylvia, et Naomi, une étudiante d'université. Son cadet, Ivan, a 22 ans. C'est un prodige des échecs qui a du mal à se lier aux autres. Lors d'un tournoi, il rencontre Margaret, une femme un peu plus âgée et récemment divorcée, avec laquelle il développera une connexion et un amour intenses.

Les dés sont lancés, le jeu a commencé: ces cinq personnages se déploient et évoluent tout au long d'un roman ambitieux, qu'il faut prendre le temps de savourer, qui demande de la concentration pour être apprécié à sa juste valeur et profondeur. Brillant.

Hélène

Dans le Tunis des années 1930, un drame secoue deux familles de notables et cette onde de choc aura des répercussions sur les décennies suivantes.

Dans ce roman choral à la construction originale, Amira Ghenim donne la parole à une dizaines des protagonistes qui sont liés de près ou de loin à cet événement et livrent chacun leur version de cet épisode. Le lecteur se trouvera amené à appréhender l'histoire selon autant de points de vue et à aiguiser sa compréhension des faits au fil des pages.

A travers le destin de ces familles, nous est aussi raconté un demi-siècle de l’histoire d’un pays en quête d’indépendance et du combat pour les droits des femmes à cette période de bouleversements... et c'est passionnant !

Un roman captivant, narré d’une langue orientale singulière et envoûtante.

Delphine

Cristina Comencini, romancière et réalisatrice, imagine le destin de quatre personnages féminins à quatre moments de l’histoire où il plane un vent de rébellion. Elle s’y projette aussi et se livre sur son expérience en tant que fille, femme et mère. Ces femmes parviendront-elles à s’émanciper et à se réaliser en toute indépendance ?

Un texte intelligent, à la fois intime et romanesque, qui nous emporte dans quatre récits aux ambiances contrastées, comme un kaléidoscope.

Delphine

Roman autofictionnel absolument brillant, Ma sexualité en toutes lettres relate l'entrée dans l'âge adulte de Sofie, étudiante en langue russe passionnée de foot et écrivaine en devenir, qui dresse le portrait de celles et ceux qui ont partagé son lit. A travers eux, Tobi Lakmaker observe vie et moeurs de son quartier amstellodamois tout en partageant ses observations sur la littérature et la culture, le sport, le monde du travail et la relation entre les sexes. De chaque phrase exsudent l'humour et l'intelligence d'un auteur néerlandais qui n'a pas sa langue dans sa poche, pour notre plus grand bonheur !

Hélène

Fils d'Iraniens immigrés aux Etats-Unis, Cyrus Shams est en pleine quête d'identié. A trente ans, il se débat avec une addiction à l'alcool et à la drogue. Pouvant s'appuyer sur ses deux fidèles amis, il ressasse son histoire familiale chaotique, entre un père distant et sa mère décédée dans un accident d'avion, avion abattu par erreur par l'armée américaine. Alors qu'il souhaite écrire un recueil de poèmes sur les martyrs, pour qui il voue une certaine fascination, il fait la rencontre d'une artiste qui performe dans le Brooklyn Museum à New-York. Et si cette quête littéraire le replongeait définitivement dans son passé familial ?

Superbe roman entre deux époques, entre deux pays mais qui met le doigt sur des questions universelles : le désir de se trouver, le pouvoir de l'art, l'amitié, la famille.

Olivier EK

Lorsqu'un vague client lui propose mille dollars de l'heure pour trainer dans un bar de striptease, discuter avec les hôtesses et dormir une fois par semaine dans l'hôtel d'en face, Nathan Sykes accepte sans trop poser de questions. Avocat pro-déo en galère de pognon, coincé entre ses petites frappes de clients et des juges à moitié compétents, il se retrouve rapidement embourbé dans une combine louche dont il va tenter de percer le mystère.

Dans sa veine unique, pleine de verve, directe, Levison nous emmène dans les affres du système judiciaire américain avec humour et intelligence. Et des dialoguqes savoureux et efficaces.

Olivier EK et Catherine D.

Tout déraille pour Anna, présidente de la plus grande compagnie pétrolière de Pologne, quand elle se fait surprendre hurlant d'un plaisir sensuel au contact d'un arbre mort, dans un accès de fièvre. Celles qu'Anna appelle les "soja-connards" lui tombent dessus, la vidéo devient virale et la voilà licenciée et humiliée. Elle se retrouve alors téléportée quatre siècles plus tôt et atterrit dans une communauté de femmes qui vivent dans les bois, s'opposent à l'Etat Catholique et vouent un culte à la Terre-Mère. Sous la houle de Mathilde de Spalt, elles ferment leurs "fentes" aux Hommes et se caressent avec des fleurs, notamment.

Laissez-vous emporter par leur révolte (pas si) barrée, dépeinte avec style, drôlerie et intelligence.

Olivier EK

Des accents de tragédie grecque ou shakespearienne, mais aussi un terrible portrait de la Géorgie à la fin de l'URSS. Des destinées sublimes, écorchées, des jeunes femmes prisonnières de l'histoire et assoiffées de liberté, une amitié qui traverse les orages et un chant d'amour à la puissance de la photographie. Des oasis de douceur au coeur de poussées de violence.

Ira, Keto, Dina et Nene se sont rencontrées à la fin de l'enfance et leur entourage incarne la diversité des modes de vie à Tbilissi, et des choix que posent les uns et les autres dans cette période de grande instabilité politique que sont les années 1990. Une galerie de portraits les entoure : deux formidables grand-mères, des frères embarqués dans des rapports de force brutaux, des parents courageux, odieux ou dépassés par les changements de société, des adultes qui tentent de transmettre leurs savoir-faire au milieu du chaos...

Ce livre mérite largement l'immersion patiente du lecteur, de la lectrice, et creuse par cercles concentriques vers le coeur du cyclone.

Natacha

Nathan Hill maîtrise à la perfection son instrument et y ajoute l'étincelle et l'ambition qui donnent envie de se lever et de crier bravo. Avec une empathie et une ironie savamment équilibrées, des personnages attachants ou risibles, il pratique une décortication obsessionnelle, didactique et drôlissime de faits sociaux : le marketing de la santé et du bien-être, la pression éducative, les fameux algorithmes des réseaux sociaux mais aussi les avatars du romantisme et de sa déconstruction, l'illusion de la performance qui dévore tous les domaines de la vie privée. 

Bien-être, c’est bien plus que l’histoire d’un couple à travers les années, c’est un observatoire de la famille, de ses soubresauts toxiques et poignants. C’est un livre qui fait rire aux éclats et nous émeut aux larmes puis nous fait lever la tête pour nous demander avec son auteur : mais oui au fond, qu'est-ce qu'aimer ?

Natacha

En 2025, le réchauffement climatique a transformé la Californie en désert ravagé par la criminalité. Sans catastrophe technologique ou naturelle, la fin du monde advient sournoisement dès lors que la sécheresse s’installe et que rien n’est fait pour partager les ressources. Malheureusement prophétique, ce chefd’oeuvre de la littérature d’anticipation écrit en 1993 nous plonge au coeur du chaos et de la vie de Lauren, fille de pasteur qui tente, avec sa famille et une petite communauté, de survivre. Quelle lecture puissante, transcendante ! C’est tellement plus qu’un roman de l’imaginaire, c’est un plaidoyer pour la vie et la spiritualité. C’est aussi un manifeste à la liberté et à l’égalité dans une Amérique toujours trop gangrénée par le racisme.

Tom

L’histoire qui nous est racontée à travers le livre du scribe Boswell est celle de Brin-de-Fougère et de Rébecca, deux taupes du Bois Duncton, qui vont être confrontées à de nombreuses aventures, vont quelquefois se perdre pour mieux se retrouver, vont affronter de multiples dangers et réaliser de grandes choses. Et Boswell, cette petite taupe handicapée, si grande par la sagesse, si constante dans l’amitié, sera là pour écrire le livre de leur vie, écrire une grande histoire d’amour. Un livre d’une richesse incroyable tant par les aventures racontées, que par les sentiments décrits, par la célébration de l’érudition et la dénonciation de la tyrannie. Et ceci dans une écriture de toute beauté ! Vous ne regarderez plus les trous de taupes dans votre jardin de la même façon !

Tom

A la lueur de son récent décès, le dernier roman de Paul Auster en devient son livre-testament. On y retrouve Sy Baumgartner au seuil de la mort et la lecture de cet ultime roman n'en est pas moins lumineuse et profonde, et ravira toustes les fans de l'auteur américain.

Une oeuvre à (re)découvrir !

Catherine D.

Chrissie et Stuart, un couple de musiciens, vivent des montagnes russes émotionnelles dans l'attente que leur dossier d'adoption aboutisse. Quand ils rencontrent Sunshine, la petite fille dont ils vont devenir les parents, le coup de foudre est immédiat et bientôt mutuel. Mais des secrets vont venir semer de l'incertitude dans leur belle histoire. Un roman lumineux où les sentiments des personnages sont subtilement décrits.

Natacha

1953, San Francisco. Dans le quartier de Fillmore se côtoient une communauté étroitement liée et conviviale, des petits commerces, des prêches enflammés, des festins et des concerts dans des caves. On y suit le chemin de trois soeurs et de leur maman vers une vie plus libre et choisie, dans le même temps qu'un étau aliénant se resserre sur leur quartier en plein hold-up immobilier. De la musique comme si on l'entendait, un univers croqué avec tendresse et vitalité, un roman profondément charmant !

 Natacha 

1853, dans un petit village de Galice ravagé par la pauvreté, des jeunes entendent parler des champs de cannes à sucre à Cuba, du travail que ce pays inconnu a à offrir, par-delà la mer, au-delà de l’horizon. Oreste, Bigorne, José et d’autres embarquent pour une traversée en bateau nourrie par l’espoir d’une vie meilleure. Mais dès les premiers instants en mer, on sent la tragédie qui point.

Dans une langue splendide, immersive et pleine d’humanité, l’autrice nous emmène dans la rudesse et la violence de cette épopée tragique, inspirée d’un fait historique méconnu. Et c’est magnifique.

Olivier EK

Après un premier livre autobiographique, très remarqué dans sa langue d'origine, le premier roman de Dolly Alderton, journaliste et chroniqueuse anglaise, confirme le talent de son autrice pour analyser notre époque. Son héroïne, Nina, autrice culinaire au succès grandissant, rencontre un homme apparemment parfait qui lui annonce, dès le premier date, qu'il l'épousera - une distraction bienvenue à une période où elle doit composer avec ses parents vieillissants et des amitiés qui se délitent. Mais les relations amoureuses, à l'époque des réseaux sociaux et des applis de rencontre, ont une saveur particulière... parfois amère.

On va d'éclats de rire en observations mordantes et scènes poignantes dans cet instantané d'une génération. Un roman parfait pour l'été (et toutes les saisons qui suivent).

Hélène

New-York, les années 2000, la lourdeur de l'été. Dwyer, un avocat dégoûté par la grande firme qui l'emploie se met à son compte, en quête de sens et de liberté. Il se fait embaucher par une écrivaine pour lever le voile sur les circonstances de la mort de son mari, un collectionneur de livres anciens. Epaulé par Ulises, son ami poète, il va parcourir un New-York encore préservé de sa modernité mais déja dans les prémices de la gentrification. Où la liberté et la spontanéité qu'offre encore la ville entament leur déclin.

Magnifique roman noir teinté de spleen, à l'atmosphère mélancolique, désinvolte et engourdie par la chaleur. Une écriture efficace, des dialogues resserrés. Une véritable pépite !

Olivier EK

Deux personnes que tout oppose se croisent au sommet d’une montagne, à la frontière entre l'Italie et la Slovénie. Une jeune femme, un vieil homme, un dialogue s’installe entre eux. Et l’envie de protéger l’autre, de l’aider, naît dans le cœur de chacun d'entre eux.

Un texte lumineux, mystérieux, surprenant qui nous rappelle que s’ouvrir aux autres nous apporte souvent plus qu’on ne l'avait imaginé au départ.

Catherine M

Un uppercut de lecture !

L’autrice dresse le portrait de 12 femmes malmenées par la violence dans laquelle baigne le Mexique aujourd’hui. Des liens se tissent entre ces femmes et d’un chapitre à l’autre, on en découvre un peu plus sur chacune d’elle et on comprend un peu mieux ce qui leur arrive à chacune. Un premier roman coup de poing, teinté d’humour noir. Une lecture qui ne laisse pas indifférent et dont on ne sort pas tout à fait indemne.

Catherine M

Quel magnifique roman ! Nous sommes dans les années 1980 en Angleterre et en Ecosse, nous suivons trois étudiants libyens venus faire leurs études. Parallèlement, le régime de Kadhafi s’installe en Libye de manière de plus en plus autoritaire et le retour au pays de ces trois jeunes devient incertain. Dans ce roman, Matar nous parle avec brio d’amitié, d’exil, de Londres, des printemps arabes. Il entremêle l’intime et le politique avec précision. Un texte bouleversant !

Condensé d’émotions pour ce texte très personnel où l’auteur se livre et nous parle de la vie, de l’amour, des relations qu’on tisse, du temps qui passe. Un récit plein de justesse et de poésie.

Catherine M

Musicienne et chanteuse du groupe Japanese Breakfast, Michelle Zauner nous livre des mémoires extrêmement touchantes, centrées sur la construction de son identité en tant que coréenne-américaine, et sur le décès prématuré de sa mère. À travers le prisme de la nourriture et de la cuisine, elle décrit l’amour farouche qui les liait malgré leurs relations parfois difficiles, les défis et les richesses d’une éducation entre deux cultures, et la perte déchirante qu’elle a subie beaucoup trop tôt.

Remarquable de sincérité, poétique, ce récit enfin traduit en français promet de ne pas laisser un seul œil sec. Énorme coup de coeur!

Hélène

Dans un futur pas très éloigné de notre époque, l’écosystème de l’Ecosse est complétement perturbé, la forêt disparait. Les arbres sont dévorés par les cervidés. Un programme de réinsertion de prédateurs est mis sur pied et quatorze loups sont réintroduits.

Inti Fynn, biologiste, spécialiste des loups, est chargée de suivre ce programme et s’installe sur place avec sa sœur jumelle. Ce roman nous parle de nature, d’écologie, mais aussi de reconstruction, de violence. C’est une lecture à la fois trépidante et à suspense, qui s’apparente parfois au roman policier, mais c’est aussi un texte rempli d’émotions, qui nous parle de la force des liens de sororité et d’amour. 

Catherine

Tara Selter avance seule dans une temporalité bloquée. A moins que ce soit les autres qui poursuivent leur avancée aveugle tandis qu'elle seule recommence infiniment, bloquée, la même journée ? Chaque matin, inexorablement, c'est le 18 novembre à nouveau, et elle seule se souvient du précédent.

A partir de cette idée simple en apparence, la distorsion du temps, Solvej Balle accomplit un petit exploit. La langue et la construction du récit sont tels qu'on se surprend à espérer un changement avec Tara, à attendre un dénouement, à se sentir avancer dans une intrigue alors même que c'est une interminable répétition que le principe même du roman met en scène. Dans ces deux premiers volumes qui seront suivis de cinq autres (!), Solvej Balle exploite aussi toutes les potentialités existentielles et fictionnelles de ce bug temporel, le tout grâce à une écriture discrètement efficace.

Un OVNI qui vaut assurément un passionnant détour !

Natacha