Ce très joli manga tout public (on peut le lire dès 8 ans) nous propose de suivre une amitié improbable mais extrêmement touchante. Un ours solitaire, peureux et cherchant à savoir si d’autres ours existent encore, va faire la rencontre d'une corneille perdue et altruiste qui va l'aider dans sa quête. Véritable voyage initiatique, ce récit invite à la réflexion sur le dépassement de soi et de ses peurs. Plein de douceur, il nous parle d’amitié entre deux êtres solitaires.  Il y a aussi beaucoup d'humour, notamment au travers des dialogues. Quelques pointes de mélancolie et un message écologique ponctueront également ce beau voyage qui se termine en un tome.

Olivier C.

Dans le Londres victorien de la bonne société, Eden est une personnalité à part. Elle travaille pour un organisme luttant contre la maltraitance animale. Très investie, elle a transformé sa maison en véritable arche de Noé. Ses interventions vont la conduire à enquêter sur un réseau de malfaiteurs, escortée par son mari, policier, et deux gamins des rues qui ont tout de personnages de Dickens. L’ambiance victorienne est très présente mais le ton reste léger car le récit est destiné à un jeune public. De petits moments de tension maintiennent le lecteur en haleine. Un premier tome auto-conclusif mais qui laisse la porte ouverte à d’autres histoires de notre héroïne de choc.

Le classique du mois

Calvin et Hobbes est une bande dessinée américaine écrite et illustrée par Bill Watterson et qui met en scène les aventures humoristiques de Calvin, un enfant solitaire très imaginatif de six ans, et de Hobbes, son tigre en peluche sarcastique. Créée en 1985, la série s'est terminée en 1995 sur décision de son auteur. Les albums constitués de strips  (une bande de 3 ou 4 cases) décrivent le quotidien de Calvin dans une banlieue américaine. Le comique nait de la différence de vision des protagonistes : aux yeux de Calvin, sa peluche, Hobbes est une sorte de tigre anthropomorphe doué de parole et d’une personnalité propre alors que tous les autres personnages le voient comme un simple jouet. La série joue sur cette ambiguïté de double nature qui n’est volontairement jamais levée.

Calvin et Hobbes est avant tout une série humoristique qui peut être lue par un large public. C’est aussi une critique sociale et politique, à l’instar d’illustres prédécesseurs comme les Peanuts de Schulz ou Mafalda de Quino. Watterson en profite pour dénoncer la société américaine et occidentale, en particulier la société de consommation, l’assujettissement aux médias de masse et soulève des questions sociales comme l’écologisme. Calvin illustre par son comportement tous ces travers tandis que Hobbes exprime son avis, plus cynique, sur les attitudes de son jeune compagnon, se contentant aussi parfois d’écouter et de lever les yeux au ciel en signe de désapprobation.

Editée pour la première fois en France en 1991, la série recevra dès 1992 l’Alph’Art du meilleur album étranger à Angoulême pour le second tome En avant tête de thon.

Calvin et Hobbes sont devenus une nouvelle référence de la culture populaire que nous vous invitons à (re)découvrir en coffret (le 1^er de sept) à 19.90€ ou dans la série classique (24 tomes) à 12€ le volume.

Olivier C.

Voici un roman graphique d’une grande originalité qui nous propose d’appréhender un siècle d’histoire par le prisme d’un tableau.

Otto Mueller peint en 1919 « Deux filles nues », tableau qui sera acheté par un collectionneur en 1925, puis confisqué par la Gestapo en 1935 afin de rejoindre la collection que le régime nazi qualifia « d’art dégénéré » et qui fit l’objet d’une exposition. Après pas mal de tribulations, le tableau sera restitué à la famille du collectionneur avant d’être racheté par un musée.

Ce qui rend ce livre génial, c’est que l’histoire nous est racontée par la perspective même du tableau : ce que le lecteur voit passe par le regard singulier de la toile, permettant ainsi des cadrages tout à fait inhabituels. Résultat d’une enquête historique fouillée, ce roman graphique est avant tout un appel à résister à toute forme de censure... Luz, rescapé des attentats de Charlie Hebdo, avait évidemment à cœur de défendre ce point de vue.

Un ouvrage nécessaire et passionnant !

Delphine

Jérémie Moreau est un artiste à part : son dessin est virtuose, ses couleurs subjuguent, son propos engagé résonne. Il propose un conte initiatique et écologique d’une grande puissance évocatrice.

Alyte, jeune crapaud orphelin, se rend compte qu’il devra se battre pour survivre. Les amis qui feront un bout de route avec lui (Iode le saumon, Plonk le chevreau, Axon le chêne, …) finiront tous par mourir mais pour nourrir les autres vivants, faisant partie intégrante du cycle de la vie. Par contre, leur ennemi à tous est la léthalyte, cette bande de goudron assassine qui tue tous les jours, dans un cycle de destruction vain. Alors, le jeune Alyte va rejoindre la résistance, celle des Vivants, pour contrer le massacre...

L’auteur explore le monde sauvage et met en perspective avec cynisme le rapport entre l’humain et la nature. Néanmoins, par ses illustrations somptueuses, par la poésie de son texte, et par la candeur de ses personnages, il parvient à donner un souffle et invite le lecteur à entrer en résistance. Un roman graphique unique !

Delphine

Voici un roman graphique à fleur de peau où Alix Garin se livre sur sa vie de couple et sa sexualité : un texte intime porté par un dessin élégant et de belles audaces graphiques. Alternant les découpages ­- pleines pages ou récits plus serrés -, les palettes de couleur, le récit se déploie avec beaucoup de liberté au long des 300 pages de ce livre.

Après le très touchant Ne m’oublie pas, la jeune autrice et illustratrice belge revient avec ce témoignage vibrant et sans concession. Une lecture où l’émotion affleure à chaque page. Bouleversant !

Delphine

Le classique du mois !

Début des années 1980, débutait un comics mettant en scène le combat mortel entre un régime fasciste et un justicier masqué. V for Vendetta, du scénariste Alan Moore et du dessinateur David Lloyd allait connaître un succès phénoménal et une adaptation cinématographique qui fera date.

L’intrigue de V pour Vendetta se situe dans un futur proche de la sortie du livre : 1997. Une guerre nucléaire a ravagé l’Europe mais a épargné la perfide Albion. Cependant, le pays sombre dans un régime qui n’a rien à envier aux chemises noires ou brunes de l’Histoire : épuration ethnique, camps de concentration pour les minorités de tous types, création d’un nouvel ordre basé sur la peur, la surveillance omniprésente, le rejet de l’autre et la glorification de la normalité.

Ce charmant programme, où chacun semble se résigner à son sort, se voit menacer par un type habillé à la mode shakespearienne et porteur d’un masque qui inspirera les activistes du groupe Anonymous. Ce justicier se fait appeler V et compte bien ébranler et détruire les plans fascistes du pouvoir. La proximité avec le roman dystopique 1984 de George Orwell est évidente même si V n’est plus victime mais bourreau d’un sale système.

Tour à tour avertissement, cri d’amour à la vie et à ses différences, doigt d’honneur à toute forme de mise en esclavage, V pour Vendetta est un brûlot qu’on peut qualifier d’anarchiste. Mais aussi une leçon qui peut donner du courage. Cette œuvre politico-baston n’a pas pris une ride et les montées politiques des extrêmes que nous connaissons actuellement nous incitent à penser qu’il serait bon de recommander cette lecture au plus grand nombre.

Existe aussi en version petit format à 9.90€

Olivier C

Au cœur de l’Espagne franquiste, sur plus de trois décennies, nous découvrons le destin de Carlitos, de l’assassinat de sa mère à son exil en France avant son retour à Barcelone où il devient l’un des caïds les plus redoutés sous le nom de Don Carlos. Le lecteur assiste à son ascension, ses trahisons, ses choix, sa rage d’échapper à sa condition sociale. En parallèle, il est question d’un tueur en série qui sévit à Barcelone et d’un flic véreux qui a juré la perte de Don Carlos. Cette fresque espagnole à six mains où les styles des trois auteurs se mélangent et se complètent, se montre historique, sociale, humaine, prenante et complexe.  Le trait est limpide, les couleurs magnifiques.

Olivier C.

Dans le Chicago de la prohibition, nous suivons Jules, jeune immigré italien de 17 ans, et Adam, polonais, plus âgé, déjà ponte d’un groupe mafieux local. Deux salopards mais deux personnages charismatiques. La relation entre les deux hommes devient rapidement intime. Une histoire d’amour sensible, inattendue, cachée aux yeux de ce milieu mafieux et qui nous emmène sur 30 ans, de Chicago à Marseille en passant par New York. Il y sera aussi question de code d’honneur, de loyauté, de jalousie et de trahison. Cette intrigue cruelle et sentimentale est un superbe premier album que l’on doit à Anaïs Flogny qui maîtrise parfaitement son scénario et sa mise en page.

Olivier C.

1952, France. Ulysse, jeune garçon sur le point de passer son bac et de suivre la voie souhaitée par son père (faire de grandes études pour pouvoir reprendre les cimenteries familiales, numéro 1 en Europe) fait la connaissance de Cyrano, ancien chef-coq étoilé, qui vit reclus. De cette rencontre improbable nait une initiation à l'art culinaire. Cet apprentissage des sentiments, du bonheur, de la cuisine va conduire Ulysse à s'affranchir du destin tout tracé que lui réserve son père. Une sortie de trajectoire qui place la gastronomie au centre des plaisirs de la vie.

Servain insuffle la vie à ce récit en nous proposant au menu des plats alléchants, des personnages vivants, un apprentissage de la vie, une véritable ode au bonheur et à la liberté d'agir. In voluptate veritas !

Olivier C.

L'habit ne fait pas le moine ! Cette comédie grinçante met en scène un tueur qui a commis une petite bévue et doit se mettre à l'ombre rapidement. Il endosse la première tenue qui lui passe sous la main et rejoint un petit village du Jura pour y prendre les nouvelles fonctions liées à cette tenue : curé de la paroisse. Inutile de préciser que de la religion, il n'en connait aucun verset. On retrouve un petit côté tarantinesque dans ce polar qui sent plus la poudre que l'encens. La mise en scène est millimétrée, les personnages forts, l'humour est dosé, les situations rocambolesques se succèdent et les dialogues claquent. Une intrigue réjouissante et drôle, prévue en diptyque avec la conclusion attendue à l'automne 2024.

Olivier C.

Le classique du mois  !

C’est en 1961 que débute la prépublication de QRN sur Bretzelburg. Elle durera plusieurs mois, interrompue par une longue absence de Franquin pour cause de dépression et de période de crise créative.

Sous ce titre énigmatique se révèle un des meilleurs albums de la série Spirou et Fantasio. QRN est une référence au code international de radiophonie signifiant qu’il y a des interférences. Nous assistons à la confrontation de deux petits états voisins qui se préparent à la guerre malgré eux. Un margoulin s’enrichit en vendant des armes aux deux camps. Les deux souverains, eux, sont complètement sous la coupe de leur conseiller respectif. L’histoire débute par une méprise avec, en faux coupable, Fantasio qui est enlevé. Spirou partira vers le Bretzelburg pour le libérer.

C’est une histoire riche, imprévisible et foisonnante en personnages secondaires. Les auteurs reconnaissent que le scénario s’est un peu construit au fur et à mesure de l’avancement du récit. Et pourtant, c’est un thriller hitchcockien où les scènes d’anthologie s’enchainent sans nuire à la linéarité du récit d’aventure. Citons entre autres, une scène de torture à l’aide d’un tableau noir et d’une craie dont vous ne sortirez pas indemne. Celle-ci illustre toute l’expressivité inégalée du dessin de Franquin où il exacerbe le moindre détail, ce qui fait que les cases se révèlent à ce point drôle.

C’est aussi l’album sans doute le plus politique. Franquin et Greg, son scénariste, baignent en pleine guerre froide. Ils évoquent la torture, les privations d’une population soumise à un régime totalitaire, la manipulation d’un monarque abruti par des calmants.

C’est enfin l’album des dernières fois pour Franquin : dernière longue aventure pour Spirou dessinée par lui, dernière collaboration avec Greg, dernier encrage à la plume (plus nerveux), dernière fois où Spirou agit en véritable héros (il sera plus observateur par la suite).

Un album avec différents niveaux de lecture donc, accessible par tous les publics.

Olivier C.

Marzena Sowa au scénario et Sylvain Savoia au dessin adaptent avec finesse et fidélité le roman de Gaël Faye, texte culte de la littérature contemporaine récompensé par le prix Goncourt des lycéens en 2016.

Le roman graphique restitue parfaitement les ambiances colorées du Bujumbura des souvenirs de Gaël Faye, celles du quartier de son enfance où il fut si heureux avant que la région ne s’embrase et ne devienne le théâtre d’un déchaînement de violence glaçant, à la suite du Rwanda voisin. Au fil des pages, l’intensité narrative va crescendo, jusqu’à atteindre son paroxysme dans des scènes de génocide insoutenables. Les auteurs mettent en lumière toute l’absurdité de ce génocide à travers le regard innocent d’un enfant qui n’y comprend rien et voudrait que tout redevienne comme avant.  

Le dessin de Sylvain Savoia aux lignes élégantes et épurées sert avec sobriété le récit.

Une adaptation réussie, un roman graphique bouleversant.

Delphine

Le classique du mois !

Manu Larcenet est un auteur protéiforme et prolifique. Il nous offre des créations aux contenus et formats variés, aux graphismes très différents. En 2003, il attaque avec Le combat ordinaire ce qui est sans doute son œuvre la plus intime.

Marco, son alter ego de papier (l’auteur ne cache plus aujourd’hui sa bipolarité), photographe célibataire en thérapie, part se réfugier à la campagne. À cette occasion, il rencontre Émilie, vétérinaire de son état, et un chouette petit vieux qui ramasse des mûres. Cela lui fait un amour et un ami. Mais voilà que tout se déglingue : Emilie se met à vouloir des choses angoissantes (partager avec lui une maison et un bébé), et le passé pas net du gentil petit vieux émerge brutalement. Marco craque. Avant de renaitre.

« C'est l'histoire d'un photographe fatigué, d'une fille patiente, d'horreurs banales et d'un chat pénible », écrit Larcenet. C'est aussi un scénario parfaitement maîtrisé, une histoire tendre, parfois même triste mais à l’humour omniprésent qui contrebalance un récit qui donne à réfléchir

Le combat ordinaire interpelle de par sa simplicité et sa pertinence. Marco est à la croisée des chemins. Comme tout un chacun, il aura à faire des choix.

Une réflexion sur la quête de sens, sur les remords, le poids du passé, la peur de l’engagement.

Larcenet, un talent extra-ordinaire ...

Prix Alph'Art du meilleur album à Angoulême en 2004. Série en 4 tomes. Existe aussi en intégrale.

Olivier C.

« Je mapel silence é je sui genti ». C’est par cette première phrase que les lecteurs du magazine (A Suivre) découvrent, ébahis, le récit de Comès en février 1979.

Silence, c’est une chronique rurale ayant pour cadre les Ardennes belges. Elle met en scène le personnage de Silence, un simplet muet, l’idiot du village, travaillant pour son maître, Abel Maury, ou plutôt exploité par lui et l’ensemble du village qui lui refilent toutes les tâches pénibles.

Cette œuvre nous parle de campagnes, de prés, de fermes mais aussi de rivalités, d’envie, de jalousie, de l’âpreté du gain. De sorcellerie aussi.

C’est avant tout la marginalité qui est mise en avant, la différence, au travers des personnages du muet, des nains, des gitans. Comès disait de Silence qu’il était le reflet des problèmes dont on ne parle jamais, de tous les problèmes que peuvent rencontrer les gens qui n’entrent pas dans le moule où l’on voudrait que tout le monde rentre.

Silence est l’ode de la poésie sourde et dérangeante, oscillant entre cruauté insoutenable et innocence candide, entre l’étude sociale et la fable rurale.

Silence est l’œuvre magistrale de Comès. La magie qui s’en dégage, l’élégance, la lenteur font aussi, sans conteste, de Silence l’un des récits majeurs de la bande dessinée et l’un des éléments fondateurs de ce que nous nommons aujourd’hui le « roman graphique ». A ces titres, il se devait d’inaugurer notre sélection de classiques à découvrir, à lire, ou à relire.

 Prix du meilleur album à Angoulême en 1981. Existe aussi dans une version anniversaire à 12.00€.

Olivier C.