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D'abord on rencontre Charlie, jeune écrivain mais déjà vétéran de la guerre de Corée, et sa jeune compagne Jaime, qui elle aussi se laisse aller à l'écriture. Ensuite, on fait la connaissance d'un ancien détenu qui fascine en même temps qu'il effraye le milieu littéraire.
Carpenter, dans ce roman magistral, dépeint ainsi progressivement une galerie de personnages terriblement attachants bien que souvent dépravés, alcooliques et auteurs. Des hommes et des femmes en manque de repères, qui se cherchent, qui construisent et déconstruisent leurs vies dans une Amérique qui semble proposer une seule voie pour sortir gagnant.
Nous sommes dans les années 70, sur la côte Est des États-Unis, et on navigue dans un cercle d'écrivains influencé par la beat génération, proche du poète Brautigan, proche du milieu hollywoodien friand de scénaristes capables de rendre banquable un film. Dans ce livre probablement en partie autobiographique, l'auteur nous permet d'approcher les joies et les tourments des écrivains et le pouvoir ou l'emprise que les mots lus et/ou écrits peuvent avoir sur eux. C'est un livre empli de nostalgie, d'amour, d'humanité.
Catherine
Mars 2016 - Traduit de l'anglais (États-Unis) par Céline Leroy.
Joseph est acteur, surtout dans des pubs pour du dentifrice. Del (Delphine) est biologiste, spécialiste des reptiles et travaille au zoo en attendant d'obtenir sa Green Card. William est le meilleur ami de Joseph, acteur lui aussi, mais moins talentueux et donc jaloux de celui-ci. Madi est la meilleure amie de Del et aussi la soeur d'un de ses ex. Tout ce petit monde évolue tant bien que mal dans le milieu assoiffé, arty et défoncé de New-York, et la rencontre entre Madi et William va entraîner le lecteur dans une toile poisseuse dont il ressortira chancelant et k.o. Brillant!
Catherine D.
Janvier 2016 - Traduit de l'anglais (États-Unis) par Nathalie Peronny - existe aussi en format numérique.
Elyria, jeune New-Yorkaise, scénariste de soap-opéras, est une personne extraordinaire : lucide, drôle, courageuse, un peu décalée aussi et surtout au bord du burn-out émotionnel : le suicide de sa soeur, un mari brillant mais castrateur, une mère alcoolique, c'est vraiment beaucoup... Elle avance et même, elle fuit jusqu'en Nouvelle-Zélande, comme ça, sans prévenir quiconque. Elle ne veut divorcer de personne, seulement de sa propre histoire, mais est-ce possible? ça n'arrête pas de tourner dans la tête d'Elyria et c'est un vrai coup de coeur, coup de poing de partager ses pensées et ses rencontres.
Un magnifique roman, sur le fil entre folie et normalité, juste un gros manque d'amour...
Véronique G.
Février 2016 - Traduit de l'anglais (États-Unis) par Myriam Anderson - Existe aussi en format numérique.
Quand les livres résonnent fort avec l'actualité, notre envie de vous en parler redouble : c'est le cas de ce roman qui brille par ailleurs par sa grande qualité d'écriture et de construction.
L'auteur relate la rencontre entre Albert Drilling et Irin Past. Le premier a pour mission de renvoyer chez eux les étrangers en séjour illégal en toute diplomatie, en particulier quand il s'agit d'une personne qui pourrait mettre en danger la carrière de son ministre. Rigoureux et législatif, il a l'habitude de maîtriser chaque détail dans son travail et dans sa vie. Mais ici, parfois, tout dérape...
Irin Past, elle, s'appelle peut-être Irin Past...mais peut-être pas. Néerlandaise jusqu'au bout des ongles, elle ignore tout de son passé et du pays qu'elle a quitté à l'âge de cinq ans. Elle vit et travaille sur une île où elle est devenue la protégée de trois hommes qui l'aiment chacun à leur manière. Une île farouchement attachée à son indépendance vis-à-vis de la métropole, aussi !
Plein d'humour malgré la gravité de son sujet, avec une tonalité tantôt absurde, tantôt émouvante, ce roman traite son sujet avec une grande intelligence et raconte aussi une belle histoire. L'auteur, comme il l'indique en commentaire, a joliment documenté son sujet sans que jamais cela n'alourdisse le propos.
A découvrir avec délectation.
Natacha
Janvier 2016 - Traduit du néerlandais par Danielle Losman.
Nous avions aimé En mer, du même Toine Heijmans.
Quel diable, ce Veronesi ! Après le choc de Chaos calme, était-il possible d'imaginer une suite au destin si particulier de Pietro Paladini ? Mais oui, et c'est une vraie réussite, un bonheur total : une journée catastrophique, une fille unique qui fugue chez sa tante, d'énormes ennuis au boulot et pourtant... la vie éclate, et l'Italie aussi !
Véronique G.
Janvier 2016 - Traduit de l'italien par Dominique Vittoz - Existe aussi en format numérique.
Ruth Kowalsky, 12 ans, a bien l'intention de fausser compagnie à sa famille en pic-nic pour aller à la rivière toute proche. Elle sait que la frontière entre la Caroline du Sud et la Géorgie se situe au milieu de la Tamassee, elle pourrait mettre un pied de chaque côté... Elle n'a pas pensé à la profondeur, au froid, au courant qui, finalement, l'emporte.
Les jours passent et la rivière ne rend pas le corps de Ruth. Ses parents mobilisent leurs puissants moyens pour tenter d'imposer un dynamitage pourtant interdit par le statut du site. S'installe alors un débat public entre leur conception et celle des écologistes mais aussi des amoureux de cette splendeur sauvage. Pour eux, Ruth repose dans un endroit sacré et il ne faut ni la déranger ni déranger son sanctuaire...
Avec ce roman, Ron Rash nous offre une magnifique réflexion sur notre condition humaine, notre rapport à la nature et surtout sur nos responsabilités, des plus intimes aux plus citoyennes.
Puissant et passionnant.
Véronique G.
Si proche et si lointain... La vie d'un homme à travers trois moments importants de sa vie : la fin de l'adolescence et le décès de sa mère ; l'âge mûr, le divorce et le travail de prof, si prenant ; enfin la soixantaine, la retraite, la douce liberté retrouvée. Il vibre de passions, politiques et amoureuses, il est discret et attachant mais aussi singulier et profond. Si proche et si lointain... Un ami, somme toute...
Véronique G.
Janvier 2016 - Traduit du danois par Alain Gnaedig.
Nous sommes à Londres en 1920. Deux années ont passé depuis la fin de la terrible guerre où tant de choses ont changé pour tous : les hommes revenus vivants qui, profondément marqués, peinent à retrouver du travail, un amour simple et une place dans ce monde. Et les femmes, qui tentent de les comprendre, tout en pansant leurs propres blessures - celles de la perte, souvent.
Dans cette époque où tous les équilibres semblent rompus, nous suivons trois magnifiques personnages.
Hettie a 19 ans et, tous les soirs, elle travaille pour gagner de l'argent pour elle, pour sa terrible mère et pour son frère rendu amorphe par la guerre. Son travail est particulier: pour six pence, elle accompagne dans un salon de danse les hommes qui n'ont pas de partenaire. Avec son amie Di, elle sort aussi danser pour le plaisir et fait l'étrange rencontre d'Ed dans une soirée où la musique l'enivre.
Evelyn, elle, a perdu son fiancé pendant les combats. Elle voit chaque jour défiler devant son bureau les anciens soldats qui revendiquent une meilleure pension, et pour qui elle remplit des formulaires en trois exemplaires.
Ada a perdu son tout jeune et unique fils. Elle voudrait comprendre, n'a reçu que des informations lacunaires sur les circonstances de sa mort au front. Entre elle et son mari, Jack, ce deuil impossible creuse un fossé qui s'agrandit...
Ces trois femmes attachantes, nous les suivons ainsi que leurs frères, maris, collègues, amies, pendant les cinq journées qui précèdent le 11 novembre 1920, jour où une immense cérémonie est organisée en mémoire du soldat inconnu britannique.
Tout est si juste, émouvant, équilibré dans ce roman : la construction, la pudeur, le poids de l'Histoire sur les liens d'amour, d'amitié, de famille. C'est un roman des nœuds qui se délient, des paroles qui libèrent. C'est bien plus encore et nous vous invitons chaleureusement à le découvrir !
Un grand coup de cœur, vraiment.
Natacha
Janvier 2016
Certains livres vous prennent les tripes et vous transforment : sans bien que vous sachiez comment, ils vous ont repétri comme de la glaise. Celui-ci en fait partie.
Le roman de Bob Shacochis est une immense fresque qui contient plusieurs romans dans un seul, sans pour autant perdre son fil conducteur, au point qu’on peut dire que sa construction relève du génie.
L’auteur nous fait voyager de l’île d’Haïti dans les années 90 à la Croatie de la fin de la seconde guerre, puis à la Turquie en 1986 et à nouveau aux années 90 sur le continent américain, et il truffe son histoire de détails et d’évocations sur le contexte géopolitique entre ces différents époques et lieux. Il nous laisse entendre que les trajectoires humaines prises dans les brutalités des guerres peuvent avoir des répercussions sans fin sur d’autres pays, d’autres guerres, d’autres générations.
Avec une écriture magnifique et qui laisse le lecteur sans repos, il nous présente aussi des personnages bouleversants, anges et démons à la fois, rendus fous par la guerre et la brutalité des hommes, tout en rendant bien, parfois, cette brutalité.
Dottie Chambers, adolescente puis jeune femme qui constitue un des fils conducteurs de cette aventure littéraire hors du commun, étincelle littéralement par sa force étonnante : autonome et intrépide dans les rues d’Istanbul, gardant son sang-froid dans un naufrage, inconsciente de la cruauté que la vie lui impose, elle ne sort néanmoins pas indemne de l’histoire d’amour et d’abus qui la lie à son père, lui-même à la fois brisé par la guerre et rendu fou par la soif de vengeance.
C’est un portrait bien noir des dessous de la géopolitique que nous fait aussi Shacochis : des hommes assoiffés tantôt d’argent tantôt de vengeance tirent des ficelles invisibles, face auxquelles les tentatives de lutte pour les droits humains paraissent bien dérisoires et impuissantes.
On pourrait encore dire bien des choses de ce roman : découvrez-le par vous-mêmes, plongez-vous dans cette aventure au long cours qui exige une lecture vigilante et concentrée mais qui tient mille fois ses promesses. Waw.
Natacha
Janvier 2016
A travers le destin de Dorrigo Evans, jeune officier médecin australien et non moins héros de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale, Richard Flanagan nous fait découvrir un pan étonnamment méconnu de ce conflit : celui de la "Voix ferrée de la mort", cette ligne de chemin de fer construite de force par les prisonniers de guerre des Japonais dans la jungle asiatique.
L'ancien héros de guerre se souvient de cet épisode particulièrement sombre et violent de son existence, où à chaque instant, il a dû se battre avec les hommes de son bataillon pour garder un semblant de condition humaine, pour survivre surtout. Il comprend à quel point l'entraide, la solidarité, mais aussi les liens avec les personnes chères laissées au pays ont permis à certains d'entre eux de garder l'énergie de vivre dans cet enfer. Car Dorrigo a été porté par un amour vibrant pour Amy, l'épouse de son oncle avec laquelle il a vécu une passion intense juste avant de partir au front, et cet amour impossible traversera non seulement ces années dans les camps de travail japonais, mais le hantera toute son existence, jusqu'à sa mort, cinquante ans plus tard.
De son écriture âpre et très belle, Richard Flanagan nous plonge dans l'esprit de Dorrigo Evans, dans ses pensées tourmentées, dans ses souvenirs parfois confus, où amour et mort se mêlent obscurément et qui l'auront marqué tout au long de sa vie. Car c'est bien la question de l'oubli et de la mémoire qui est au coeur de ce livre.
Richard Flanagan s'intéresse aussi aux bourreaux de ces camps : simples officiers ou haut dignitaires japonais, gardes coréens, et tente de comprendre comment ils ont suivi les ordres de l'empereur, portés par un sens du devoir et du sacrifice aveugles, et ont balayé tout sentiment humain. Il nous les décrit pendant la guerre, mais aussi après le conflit, dans un Japon dévasté, puis en progressive reconstruction, dont nous connaissons peu l'histoire depuis notre Occident.
Un roman puissant et bouleversant, parfois dérangeant par sa violence, qui ne laisse pas indifférent.
Cet ouvrage a été récompensé par le Man Booker Prize en 2014.
Delphine
Janvier 2016
"La petite histoire des personnages de ce livre passe par la grande histoire des faits qui ont ébranlé les fondations de la société catalane et même au-delà".
Ils sont quatre enfants, ballottés par la vie, deux garçons, Germinal et David et deux filles, Mireia et Joana. C'est Germinal, alors âgé de 80 ans passé, qui nous conte ce récit. Dans la Barceloneta des années 20, la "bande des quatre", amis inséparables, jouit d'un bonheur sans nuages. Issus de milieux modestes, ils grandissent dans un monde coloré, solidaire. Leurs jeux et leurs secrets se partagent à l'ombre de la "Sarita", une felouque, le plus beau des gréements de la plage. Les hommes, pour la plupart, travaillent au port. Les femmes arrondissent les fins de mois de la famille avec divers travaux, couture, vente de poissons, et même pour les plus téméraires, livraison de marchandises en contrebande. C'est à cette époque que les garçons fréquentent "L'Ecole de la mer", une école progressiste dont la devise est "apprendre à penser, à ressentir, à aimer", un lieu qui façonnera leur esprit à tout jamais. A l'adolescence, à l'époque où l'enfant se mue en homme, ils reçoivent une autre éducation au café "La Dorita" avec les "doritas". C'est aussi le temps où Germinal découvre son homosexualité et son amour pour David, "l'Ami Aimé". Pour parfaire leur instruction, ou lorsqu'une question difficile se présente, les quatre se rendent au "Crépuscule du capitalisme", une librairie résistante, tenue par un vieux sage, Ramon Romanguer.
Mais dès les années 30, l'histoire, la grande, celle qui va détruire ce monde chatoyant, cette harmonie, gronde en Espagne et en Europe. En 1933, la droite espagnole renverse la République. En 1936, les républicains gagnent les élections, mais c'est sans compter sur la montée des idées fascistes. La même année, le Coup d'Etat mène au pouvoir les généraux, dont Franco, avec l'appui de l'église catholique. Ainsi débute la guerre civile. Josep, le père de Germinal, homme progressiste, féministe, poète à ses heures, est un syndicaliste actif du mouvement ouvrier anarchiste. Comme ses frères de combat, sa lutte pour la liberté et la révolution est l'engagement de toute une vie. La misère à laquelle sont réduites les familles, la lutte révolutionnaire de leurs parents ouvriers et les répressions brutales signent, pour la petite bande, la fin de l'innocence. Les événements de la deuxième guerre mondiale s'enchaînent inexorablement, Hitler envahit la Pologne..." c'est "l'échec de cette Europe "démocratique" qui, à peine quelques mois plus tôt, nous avait laissé crever à petit feu sous la botte qui se levait pour l'écraser à son tour..."
Lluis Llach est un chanteur catalan qui a mené sa lutte politique à travers la chanson. Exilé à Paris, sous Franco, il revient à Barcelone à la mort de ce dernier. Il est l'auteur de 'L'Estaca", l'hymne de toutes les revendications catalanes durant la dictature.
Il signe avec Les yeux fardés un magnifique roman qui allie poésie, tendresse envers ses personnages et hommage à l'esprit de résistance, écrit dans une très belle écriture.
Véronique B.
Octobre 2015
L'imposteur, c'est un formidable roman sans fiction, une enquête à la fois personnelle, politique et littéraire menée de main de maître par Javier Cercas.
En 2005, Enric Marco devient pour bon nombre d'Espagnols un personnage infréquentable. Celui-ci s'est en effet fait passer pendant des dizaines d'années pour un ancien déporté des camps nazis. Il a donné des centaines de conférences sur le sujet, notamment dans les écoles. Il a présidé une amicale d'anciens déportés. Il s'est battu pour la mémoire mais en 2005, un historien dévoile le pot aux roses et révèle que Marco n'a jamais été déporté. Ce dernier avouera d'ailleurs sa faute. Depuis ce moment, Javier Cercas est obnubilé par la figure de Marco qui a également prétendu s'être engagé dans diverses luttes politiques de gauche. Quel est le vrai du faux dans le vie de cet homme ? Pourquoi a-t-il menti tel Don Quichotte qui s'inventait des aventures incroyables ? Et l'écrivain, jusqu'à quel point est-il lui aussi un imposteur quand il raconte des histoires ? Et si finalement nous n'avions pas tous besoin pour survivre de nous inventer un destin, d'écrire le récit de sa vie ?
Avec L'imposteur, Cercas nous entraîne dans une passionnante réflexion sur la littérature et l'homme mais il nous amène aussi à (re)découvrir l'histoire politique de l'Espagne. Voici un livre plein d'interrogations terriblement stimulant.
Catherine
Paru en août 2015, traduit de l'espagnol par Elisabeth Beyer et Aleksandar Grujicic - existe aussi en format numérique.
Un roman attachant, très humain, dans l'Italie des années 50-60, à travers le regard d'Elena, petite fille puis adolescente, qui, poussée par sa famille, parviendra à faire des études. Elle raconte ce quartier populaire de Naples, où elle est née, et son amitié profonde avec Lila, l'enfant rebelle et surdouée. Un quartier toujours en ébullition, où la violence est courante, où les rancunes sont tenaces.
Elena Ferrante étudie finement l'évolution des deux gamines, Elena et Lila, en proie aux doutes, comme toutes les adolescentes, face à elles-mêmes et à tout ce qui les entoure. Ambiance, charme, tendresse.
Véronique B.
Rentrée littéraire - octobre 2014 - traduit de l'italien par Elsa Damien - disponible aussi en format numérique
Michaël, un après-midi de canicule, voit la porte de ses chers voisins anormalement ouverte, ils ne sont normalement pas là. Il entre et vérifie les lieux, avec une angoisse croissante. Que va-t-il découvrir sur lui, sur ses amis dans cette maison silencieuse, apparemment figée sous le soleil implacable du dehors ?
Et qui se sentira responsable du drame qui va se jouer ?
Tant de questions surgissent après la lecture de ce magnifique roman, et tellement intéressantes... Quand sommes nous bons ou mauvais? Comment réagir quand dans le quotidien survient un élément qui nous bouleverse?
Et pour ne rien gâcher, l'ambiance de Londres est terriblement bien rendue, on s'y croirait.
Véronique G.
Octobre 2015 - également disponible en anglais en format numérique.
Un roman étourdissant qui suit au plus près les pensées de Fiona Maye, juge respectée aux affaires familiales. L'intérêt de l'enfant est une notion qu'elle maîtrise parfaitement, délicatement, sereinement,
Face au cas d'Adam, dont la leucémie nécessite une transfusion interdite par la religion de ses parents, témoins de Jéhovah, elle va, bien sûr, faire son métier au mieux mais est-ce que ce sera suffisant, dans l'intérêt de l'enfant ?
Véronique G.
Octobre 2015 - également disponible en format numérique.
Le retour d'une famille, père, mère, fils, de l'exil américain, sur la terre natale d'Irlande. Leurs espoirs, vivre de leur ferme, s'intégrer à la communauté de ce coin du Donegal, vont se heurter aux coups du sort et les angoisses de chacun vont se réveiller. Des personnages très attachants. Une très belle écriture.
Véronique G.
Août 2015
Plusieurs voix se succèdent dans ce roman. La première est féminine, c'est la voix de Nizam, jeune fille pachtoune, lourdement blessée, qui vient enterrer son frère mort au combat. Mais le corps du jeune homme semble intéresser les Américains et le gouvernement de Kaboul qui espère l'utiliser pour prouver qu'un haut dignitaire taliban a été éliminé. Nizam tente d'expliquer qu'il n'était en rien taliban mais ses propos semblent se perdre dans le vent de la plaine afghane. Viennent ensuite les voix des soldats américains présents dans la base et qui ont subi de lourdes pertes suite à l'attaque menée par le frère de Nizam et ses compagnons. Dans cette base enfin, la voix de l’interprète afghan, rempli d'admiration et d'espoir face à ces Américains qui viennent "sauver" son pays.
A travers ces différents personnages, on palpe la tension des combats, la fatigue extrême des uns et des autres, on tente de comprendre mais on est surtout confronté à l'horreur et à l'absurdité de la guerre. A travers des références historiques connues (l'histoire d'Antigone et la mythologie grecque), l'auteur interroge le présent, les sensibilités humaines, les valeurs et les conflits intérieurs des soldats plongés dans des situations vides de sens. Un roman qui fait froid dans le dos car il nous plonge dans une situation ô combien actuelle.
Catherine
Septembre 2015 - existe aussi en format numérique.
Lire Joyce Carol Oates n'est jamais de tout repos, tant les faits racontés émeuvent, dérangent, perturbent. Mais sa plume limpide, le rythme soutenu du récit qui tient du polar, forcent le lecteur à foncer tête baissée, même s'il en sort toujours un peu abasourdi.
L'histoire commence par la découverte du lit vide de Cressida, au petit matin d'un jour de juillet 2005, par sa mère Arlette. Cressida est la fille cadette de la famille Mayfield, famille respectée de la bourgeoisie de Carthage, dans l'Etat de New York.
Zeno Mayfield, le père de la jeune disparue, est l'ancien maire de la ville. Zeno et Arlette ont deux filles adolescentes, l'aînée, Juliet, est "la jolie, "la douce" et "la bénie". Elle vient de rompre de manière inattendue ses fiançailles avec le caporal Brett Kincaid, un rescapé de la guerre d'Irak, revenu défiguré, brisé. Quant à Cressida, la cadette, elle est "l'intelligente" mais "la laide", "la damnée". Un petit corps mal fichu, un visage sans charme où seules deux pupilles brunes pétillent. Petite fille blessée, hypersensible, n'ayant que du dégoût pour elle-même.
Brett Kincaid est le dernier à avoir vu Cressida vivante.Mais que s'est-il réellement passé lors de cette terrible soirée, au Roebuck, un café mal fréquenté, où on ne l'avait jamais vue ? Dans le cerveau dérangé et la mémoire fracassée de Brett, tout se confond : souvenirs de la guerre où des atrocités ont été faites sur des civils irakiens, sa conscience ne le laissant pas en paix, et tentatives de formuler les événements de sa dernière rencontre avec Cressida. Cressida dont le corps ne sera jamais retrouvé, seul son petit pull rayé noir et blanc, le sera, mais plus tard, sur la berge du fleuve. Après des aveux de meurtre, tourmentés et incertains, Brett est incarcéré dans une prison de haute sécurité.
La disparition de leur fille et l'incarcération de Brett fera "exploser" l'harmonie familiale des Mayfield. Zeno "avait entendu dire que la mort d'un membre de la famille provoque une réaction sismique parmi les survivants", "l'absent reste absent et douloureusement présent".
Mais le lecteur n'est pas au bout de ses surprises. D'intéressants et d'étranges personnages traversent le roman comme "l'Enquêteur", un chercheur qui tient à "exposer le ventre malade de l'âme américaine" et qui enquête sur les couloirs de la mort dans les Etats qui pratiquent encore la peine capitale.
Tout se tient, tout nous donne à réfléchir, par une des auteurs qui est "toujours aux prises avec les pires aspects du comportement humain".
Véronique B., une admiratrice incurable de Joyce Carol Oates
Octobre 2015 - également disponible en format numérique.
" Le temps est un cheval de course qui avale les kilomètres en galopant vers la ligne d'arrivée " : telle est la vie d'Amory Clay. Femme amoureuse, aventurière, passionnée, qui capte le 20ème siècle à travers son viseur.
"J'aime photographier les gens en pleine action...cette capacité de l'appareil à saisir à l'improviste de l'animé en suspens...seule la photographie peut réussir ce tour de magie". Tout au long de sa carrière, elle reste la plus fidèle possible à "un art de la photographie sans tabou".
Son parcours professionnel est atypique et l'amène à faire de nombreux aller-retour entre Londres et New York, en passant par Berlin, Paris, et enfin le Vietnam. Initiée très jeune par son oncle Greville, elle débute comme photographe, en 1927, pour "Beau monde", un magazine mondain pour lequel elle tire les portraits de la bourgeoisie londonienne. Très vite lassée de cet univers étriqué et capricieux, elle part à Berlin et revient à la capitale avec suffisamment de photos pour mettre sur pied sa première exposition "Berlin bei Nacht", qui scandalise Londres mais lui donne un nom. Sur les conseils de son ami et protecteur, Cleve Finzi, elle travaille de nombreuses années d'abord à New York, puis à Londres pour le magazine américain "Global-Photo-Watch" ou "le monde dans notre viseur".
Elle devient correspondante de guerre, photojournaliste, pendant la deuxième guerre mondiale et plus tard, au Vietnam, en 1967. Elle ressent le besoin d'être confrontée à la guerre, qui l'a déjà meurtrie à sa façon, à travers son frère Xan, son père et son mari Sholto. Le premier décédé, les deux autres, revenus du front, marqués à tout jamais.
Les vies multiples d'Amory Clay sont aussi le récit de sa vie intime : un mariage, deux filles, des amants car "les désirs du cœur sont aussi tordus qu'un tire-bouchon".
Grâce aux clichés photographiques qui enrichissent le récit, William Boyd rend ce beau portrait de femme encore plus tangible.
Et nous de rêver devant les "pouvoirs" d'un "Ensignette, d'un Zeiss Contax, Rolleiflex, Leica, ou d'un Voigtlander".
Véronique B
Octobre 2015 - existe aussi en format numérique.
Andreas Egger, né à l'aube du 20ème siècle, en Autriche, a survécu à son enfance, à une avalanche et à la guerre. Doté d'un pouvoir de résilience peu commun car "un homme, selon lui, doit élever son regard pour voir plus loin que son petit bout de terre, le plus loin possible", il est le témoin dubitatif d'une époque en pleine mutation.
Après le décès de sa mère, il est envoyé dans un village où il est le bâtard qu'un fermier rudoie, ce qui lui vaut une jambe boiteuse. Il travaille dur, s'offre un petit lopin de terre et épouse Marie, "cheveux courts, d'un blond de lin", serveuse à l'auberge. Il intègre l'équipe du chantier de la construction du téléphérique, "avec lequel les montagnes semblent avoir perdu un peu de leur toute-puissance éternelle". Et le village assoupi est dès lors illuminé grâce à l'électricité. Le téléphérique développe un tourisme pour lequel, plus tard, il se fait le guide, "Les gens viennent chercher dans les montagnes quelque chose qu'ils croient avoir perdu...quelque insatiable nostalgie".
En 1942, Egger est envoyé en renfort sur le front russe, endure le froid de l'hiver caucasien, est fait prisonnier dans un camp, "où la mort fait partie de la vie comme les moisissures font partie du pain". De retour au village, "à la place des croix gammées, les géraniums ornent de nouveau les fenêtres des maisons". L'avènement de la télévision, "un appareil grand comme un buffet", d'où sortent, "des voix un peu nasillardes", remplace l'habituelle rumeur de la taverne.
C'est toute une vie qui défile sous nos yeux, celle d'un homme humble et intègre, avec ses joies et ses épreuves, un homme amoureux d'une nature qui est le deuxième personnage du récit.
Dans son onzième roman, Toni Morrison nous fait entendre les voix d'hommes et de femmes aux relations dictées par leurs traumatismes, mensonges ou vérités cachées, mais aussi par une forme de racisme qui dénature les rapports familiaux.
Lu Ann, dite Bride, naît tellement noire que sa mère répugne à la toucher. Pour s'attirer l'amour de sa mère, la petite va jusqu'à faire un faux témoignage qui mettra une institutrice en prison. Une fois adulte, sa volonté de se racheter ne la quittera plus. L'ancien compagnon de Lu Ann, Booker, ancien étudiant solitaire et trompettiste à ses heures, conserve en lui le spectre d'Adam, le frère aîné, tué par un pédophile pervers.
Ce n'est que libérés des mensonges, du poids du souvenir et de l'humiliation, qu'ils pourront envisager un nouvel avenir commun.
Toni Morrison, grande dame de la littérature américaine, décrit le monde d'aujourd'hui sans aucune concession, dans un style limpide, avec une touche d'humour.
Véronique B.
Août 2015
Ari est le personnage principal du roman, dont la vie nous est racontée par son meilleur ami d'enfance. Ari revient à Keflavik, une terre âpre, en Islande, de 10 000 âmes, d'où il est parti depuis deux ans, fuyant une rupture amoureuse et bien des souvenirs, et toujours la douleur de la perte de sa mère, décédée alors qu'il était tout jeune. "On peine à respirer dans les petites sociétés, le manque d'air est suffocant, je m'en vais avant d'étouffer" écrit-il à son ami et confident de toujours.
Dans cette chronique familiale, Jon Kalman Stefansson construit son récit en trois temps : l'histoire d'Oddur, le grand-père, pêcheur renommé qu'Ari n'a pas vraiment connu mais dont il a si souvent entendu parler et de sa grand-mère Margret, Ari, jeune garçon et son père Jakob, avec lequel les mots sont si difficiles à partager, et Ari, de retour aujourd'hui, à la recherche de ses souvenirs sur la terre aride de Keflavik. Jon Kalman Stefansson alterne les époques avec virtuosité.
Poète, avec une tendresse pour ses personnages et son pays natal qu'est l'Islande, Stefansson émeut, nous parle de la vie, de la mort, de nos erreurs... avec intelligence,
Assurément un beau et grand livre.
Véronique B.
Août 2015
Par petites touches impressionnistes, Christopher Nicholson fait revivre l'écrivain et poète britannique Thomas Hardy, décédé en 1928, auteur de célèbres romans de la fin du 19ème siècle tels "Tess d'Uberville" ou "Jude l'obscur".
Thomas Hardy a 84 ans "d'assez petite taille, le visage couvert de rides, les yeux bleu clair et larmoyants, en amande... un nez proéminent et une fine moustache blanche...", il vit relativement reclus dans sa maison du Dorset. Entouré de sa secrétaire et épouse en seconde noce, Florence, 45 ans, "visage arrondi, une chevelure châtain foncé relevée en chignon, et des yeux aux lourdes paupières qui donnent une forte impression de mélancolie", et de son vieux chien, Wessex.
Le roman donne successivement la voix à Thomas, écrivain en fin de vie, méditant sur le temps qui passe, à Florence, épouse dévouée, de santé fragile et à Gertrude, jeune comédienne dont l'écrivain tombe secrètement amoureux, "entre eux s'étend l'espace de soixante longues années : est-il né trop tôt ou elle trop tard ?"
Le couple Hardy s'étiole lentement par la différence d'âge, par l'absence d'un enfant et par le manque d'affinités qui s'affirme avec le temps. Pourtant il subsiste entre eux un ultime sursaut d'amour ou le souvenir d'un amour partagé, "depuis le début de leur mariage, elle lui fait la lecture le soir...cette habitude fait partie de la routine de leur vie conjugale...". Ils rivalisent d'attention envers leur vieux terrier, Wessex, substitut de l'enfant non avenu.
Quand la jolie comédienne, Gertrude, dont s'entiche Thomas, monte sur les planches pour interpréter "Tess", Florence, hypocondriaque et acariâtre, est terriblement blessée, "la longueur des silences, le passage inexorable des années, le sentiment d'être sèche comme une vieille calebasse, aussi sombre qu'une ombre...la sensation de n'être pas vivante du tout...".Gertrude, belle et jeune maman, devient, pour elle, l'objet d'une obsession angoissée.
Un roman au charme anglais, un rien désuet avec de magnifiques descriptions d'une nature qui est intrinsèque à l'oeuvre de Thomas Hardy.
C'est l'hiver en Angleterre et c'est aussi l'hiver dans les cœurs.
Véronique B
Octobre 2015 - existe également en format numérique.
Un récit incroyablement complexe de l'histoire d'un couple tout nouvellement amoureux, tissée avec celle du 11 septembre.
Lui est à New York, ce jour-là, elle, est à la Jamaïque avec une amie. Elle l'imagine parti déjeuner dans l'une des tours, impossible d'avoir des nouvelles. Totalement paniquée , elle va enchaîner les étapes d'une descente aux enfers dont elle ne voudra pas parler. Ils se retrouvent, elle a changé, devant son silence, il est jaloux, il se tait aussi, tout le monde est bouleversé mais eux, comment vont-ils faire pour continuer ensemble ?
Une réflexion subtile sur les liens entre l'universel et la vie personnelle.
Véronique G
Mai 2015 - existe aussi en format numérique.
Un roman distrayant qui se lit comme un jus de fruits frais: dans un quartier où les murs sont si fins que toutes les conversations les traversent, une galerie de personnages hauts en couleurs défile et nous fait sourire: l'assistant pharmacien qui étudie les notices des médicaments par cœur avec un goût particulier pour les effets secondaires en tous genres; l'ancien officier japonais qui a passé trente ans de sa vie à poursuivre le combat tout seul en se retranchant dans la forêt bien après que le guerre soit finie; Otto le grincheux, qui boit des tisanes de laitue pour mieux dormir; etc. Une lecture légère et agréable.
Natacha
Rentrée littéraire - août 2015