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Quelle claque littéraire! Voici un roman qui ne laisse pas indifférent.
Cette auteure flamande a signé ce premier roman à 27 ans à peine et a vendu plus de 170.000 exemplaires de son livre en langue néerlandaise. Grâce aux éditions Actes Sud, et à la traduction d'Emmanuelle Tardif, nous pouvons enfin la lire en français. Lize Spit nous plonge dans le quotidien d'un petit village flamand où les habitants coulent des jours heureux. Nous suivons plus particulièrement trois jeunes nés la même année (et qui sont les uniques enfants de cette année), ils se retrouvent donc dans la même année scolaire à l'école où une classe unique réunit les enfants du village. En grandissant, les jeux des jeunes évoluent et perdent doucement de leur innocence.
Un malaise assez vertigineux s'installe dès les premières pages du livre, une noirceur entoure le récit mais l'on perçoit pourtant également des instants de légèreté, d'insouciance, de bonheur simple. Le tout offre donc un savant mélange assez intimiste qui met mal à l'aise, tout en installant une grande proximité avec les personnages grâce à une écriture très réaliste.
On s'attache à Eva, la narratrice qu'on sent au bord de la rupture, on explore la construction identitaire de ces jeunes adolescents pas mal laissés à eux-mêmes. C'est une lecture parfois dérangeante, accrocheuse, mais qui prend toutefois le temps de planter le décor. Le roman débute doucement mais au fur et à mesure qu'on avance dans la lecture, on a de plus en plus de mal à lâcher le bouquin.
A lire absolument.
Catherine M
Paru en février 2018, traduit du néerlandais par Emmanuelle Tardif, également disponible en format numérique.
Kate Tempest, poétesse, chanteuse, slameuse, nous entraîne avec ce premier roman tantôt dans l'underground londonien, tantôt dans les clubs huppés et select de cette ville. Deux milieux qui ne sont, somme toute, pas très éloignés l'un de l'autre et où l'alcool et la drogue régissent une grande partie des relations sociales. Nos héros sont des jeunes adultes qui se cherchent, qui veulent leur indépendance mais sans toujours savoir par quel chemin la prendre. Ils sont attachants, audacieux, intrépides.
Cette auteure a une très belle écriture, moins "trash" que la plume de Virginie Despentes à qui on la compare volontiers. Elle explore la période de construction identitaire que traversent les adolescents et nous dépeint un Londres méconnu. C'est un véritable univers que Tempest arrive à construire, en nous emportant au côté de ces personnages qui ne veulent pas laisser tomber leurs rêves. Elle pose à travers ce roman un série de questions interpellantes sur la jeunesse contemporaine et surtout comment survivre, se construire lorsque l'avenir semble gris et morose. Qu'on soit riche ou qu'on soit pauvre, ces mêmes questions se posent...
Voici donc un premier roman très réussi, très contemporain, sociétal et intimiste aussi.
Catherine M
Paru en janvier 2018, ce livre est aussi disponible en format numérique.
Ce court roman nous fait découvrir le Brooklyn des années 70 à travers les yeux d'une toute jeune fille, August, fraîchement arrivée du Tennessee avec son père et son frère. Au lendemain de la guerre du Vietnam, le quartier est loin du nid branché qu'il est aujourd'hui... Héroïnomanes, prostituées, soldats mutilés et traumatisés en arpentent les rues, et le danger guette ses habitants. August y découvre l'amitié passionnelle, les débuts amoureux, la perte et le deuil, mais aussi une furieuse envie de découvrir le monde.
Auteure prolifique pour les adultes et les ados, Jacqueline Woodson s'inspire ici de sa propre expérience pour raconter la fin de l'enfance dans l'atmosphère si particulière de New York dans les seventies. Un très bon moment de lecture et des images qui résonnent encore longtemps dans la mémoire.
Hélène
Publié en janvier 2018, traduit de l'anglais (américain) par Sylvie Schneiter. Disponible aussi au format numérique.
David Huddle explore dans ce roman choral la part de secret qui se cache dans toute relation. Il fait parler des voisins, amants, amis - le lecteur apprend ce que les autres personnages ne sauront jamais, et on se régale d'être mis dans la confidence. L'atmosphère rappelle un peu celle des Furies de Lauren Groff (qu'on avait adoré à sa sortie en janvier 2017): américaine, suburbaine, middle class... On plonge avec délice dans les petits secrets de ces gens "comme tout le monde"...
Hélène
Paru en octobre 2017 (réédition de la version française parue en 2003), traduit par Dorothée Zumstein, aussi disponible en numérique.
Gros coup de cœur pour ce roman qui se déroule en Angleterre à l'époque victorienne. Il met en scène Cora Seaborne, une jeune femme tout juste veuve, qui décide de profiter de sa liberté retrouvée après la mort de son mari pour échapper au Londres bourgeois et guindé qui était son milieu. Avec son fils, Francis, et son amie Martha (activiste politique passionnée par le combat social), elle déménage au bord de la mer, dans l'Essex, où elle espère bien découvrir quelques fossiles. Portée par les récentes découvertes scientifiques, elle est intriguée par une légende locale: celle d'un immense serpent hantant les fonds marins et menaçant la population d'Aldwinter. Par des amis londoniens, Cora fait la connaissance du pasteur Ransome et de sa (nombreuse) famille, avec qui elle se lie rapidement d'une amitié profonde et sincère.
Le Serpent de l'Essex brasse des thèmes variés tels que le progrès scientifique et médical, le droit au logement, la religion,le féminisme et, bien sûr, les universels amour et amitié. Ses personnages sont superbement écrits, loin des stéréotypes de l'époque, tout en nuances et en humanité.
On ne peut qu'espérer que ce livre captivant recevra le même succès chez nous qu'en Angleterre - en tout cas, nous le recommandons chaleureusement!
Hélène
Traduit par Christine Laferrière. Paru en janvier 2018. Aussi disponible en livre numérique.
On retrouve avec grand plaisir toute la délicatesse de cette autrice islandaise dans ce cinquième roman traduit en français. Olafsdottir n’a pas son pareil pour illuminer la noirceur de son propos, puisqu’il s’agit ici du dernier voyage d’un homme de 49 ans qui a décidé d’en finir avec la vie, n'ayant plus aucune femme dans sa vie (son ex-femme l'a quitté 8 ans auparavant, sa fille vole de ses propres ailes et sa mère est à l'hospice; toutes trois prénommées Gudrun). On suivra donc, d’abord avec inquiétude, puis très vite avec empathie, le voyage entrepris par Jonas Ebeneser dans un pays ravagé et traumatisé, emportant avec lui quelques outils dont sa fidèle perceuse et devenant le locataire inhabituel de l’Hôtel Silence, dirigé par un couple frère/soeur, rescapé d’une guerre jamais nommée.
De même que dans Rosa Candida, Audur Ava Olafsdottir parvient à aborder ici des sujets difficiles - le suicide, la solitude, les cicatrices accumulées au fil du temps - avec légèreté et poésie et c’est bien là que réside toute la force et l’humanité de son écriture. Une histoire lumineuse, simple et tendre, qui (re)donne foi en l’humanité !!
Catherine D.
Paru en octobre 2017. Existe aussi en format numérique.
Bernadette Murphy, historienne irlandaise expatriée dans le sud de la France, a mis 7 ans pour élucider le mystère de l’oreille coupée de Van Gogh et de l’identité de la jeune femme à laquelle il a offert sa propre chair... Elle nous emporte dans une enquête minutieuse et passionnante qui va nous plonger dans le quotidien des habitants de la ville d’Arles à la fin du 19ème siècle, ainsi que dans les archives détenues et parfois oubliées des bibliothèques américaines et européennes. Que s’est-t-il passé cette fameuse nuit du 23 décembre 1888 ? Gauguin est-il responsable de cet acte ou est-ce la seule folie du peintre néerlandais qui est en cause ? La mutilation que l’artiste s’est infligée concerne-t-elle l’oreille entière ou seulement une partie ? Qui est cette jeune femme qui s’est évanouie à la vue de ce présent pour le moins étonnant ?
Toutes ces questions ont trouvé réponse grâce à l’acharnement sans faille de Bernadette Murphy, qui nous comble de précieux détails et de nombreux documents d'archive permettant de comprendre petit à petit, comme si nous y étions, la chronologie de cette funeste nuit... Remarquable et captivant !
Catherine D.
Paru en octobre 2017.
Quel bonheur de retrouver le style et l’écriture de cet auteur que nous admirons, au service de l’Art ! Consacrées à des artistes plasticiens, dont une majorité français, les chroniques de Barnes nous emmènent dans un voyage ludique et érudit à la découverte des histoires entourant une toile spécifique d’un peintre (“Le radeau de la méduse” de Géricault ou “L’Exécution de Maximilien” de Manet) ou l’ensemble de son oeuvre. Il nous propose surtout de revisiter nos connaissances de ces artistes célèbres, à force d’anecdotes plus ou moins connues, et de recontextualiser le travail et les relations existantes entre ces différents artistes (Delacroix ayant par exemple posé pour Géricault ou encore le “Daed Dad” de Ron Mueck comparé à la “Vénus ataxique” du médecin Paul Richer).
On traverse l’histoire de l’art l’air de rien, comme une longue promenade qui éveille les sens, suivie d’un repos bien mérité au coin du feu avec une délicieuse tasse de thé... Raffiné!
Catherine D.
Paru en octobre 2017. Existe aussi en format numérique.
Jérusalem, c’est non seulement l’histoire, sur plusieurs générations d’hommes et de femmes, de la famille Vernall-Warren, dont on découvre Michaël et sa soeur Alma à notre époque, c’est également l’histoire du quartier populaire des Boroughs, Southampton, petite ville située à une centaine de kilomètres au nord de Londres, du Moyen Age jusqu’aux années 2000.
Rédigé en dix ans par Alan Moore, le scénariste de BD “The Watchmen” ou encore “V pour Vendetta” pour n'en citer que quelques-unes, Jérusalem est bien plus qu’une histoire impossible à résumer. C’est un chef d’oeuvre littéraire qui brasse tous les genres et toutes les époques en un récit foisonnant, profond, métaphysique où le fantastique saupoudre le tout, tandis que la dimension temporelle devient elle-même extensible et physique. On y rencontre des toxicomanes, des artistes et des Maîtres Bâtisseurs; on y côtoie Cromwell, Lucia Joyce ou encore Becket; on y perçoit la folie comme une malédiction héréditaire; on y déambule aussi bien dans la “réalité” entendue communément avec son lot de faits sordides, que dans l’En-Haut, le royaume des morts et des enfantômes; et on y lit une langue virtuose, magnifiquement traduite par Claro, qui donne une tonalité différente à chacun des chapitres, l’un sera entièrement écrit en vers, un autre sans ponctuation ou presque, ou encore un chapitre entier écrit dans une langue totalement inventée et malgré tout compréhensible... Alan Moore offre une magnifique déclaration d'amour à sa ville de Northampton dont il se sent le gardien et qu'il considère comme étant le centre du monde.
Il serait vain de vouloir résumer ce pavé de près de 1300 pages à des généralités, mais voici un roman gigantesque, où l’on ne s’ennuie pas une seule seconde et qui remet en perspective notre propre appréhension du monde. Brillant !!
Catherine D.
Paru en août 2017. Traduit de l'anglais par Claro. Existe aussi en format numérique.
A la suite d'une rupture affective qui le plonge lentement dans la dépression, l'auteur se voit conseiller une psychanalyse. Rapidement, le psychanalyste l'interroge sur ses parents et révèle des failles, des manques dans la structure familiale. Investi d'une nouvelle mission qui l'éloigne du souvenir douloureux de sa fiancée, Renato Cisneros va alors fouiller dans son passé familial et surtout celui de son père, Luis Cisneros Vizquerra, général militaire surnommé El Gaucho, mort d'un cancer une vingtaine d'années auparavant.
"Tout comme un père n'est jamais préparé à enterrer un fils, un fils n'est jamais préparé à déterrer son père", c'est avec ces mots que l'auteur clôt son roman, consacré à cette figure paternelle aimante, mais stricte et secrète. Le récit de son histoire familiale se transforme peu à peu, au fil des découvertes et des rencontres avec des personnes ayant connu El Gaucho, en une histoire nationale où la personnalité du père se révèle bien plus contrastée et fortement liée aux événements historiques qui ont jalonné l'histoire du Pérou et des pays voisins... Ce père dictateur fut en même temps amoureux des femmes, militaire exemplaire, opposant au régime, ministre de l'intérieur, ministre de guerre, poète à ses heures, ami et fervent admirateur de Pinochet et Videla, féru de littérature, mais insensible aux tortures infligées à son peuple...
Il aura fallu beaucoup de courage et de ténacité à Renato Cisneros pour écrire ce roman particulier, qui navigue entre sphère privée et sphère publique et qui livre le portrait troublant d'un homme que l'on voudrait détester, mais auquel on s'attache paradoxalement. "La distance qui nous sépare" est un roman passionnant et émouvant, tant on en apprend sur l'histoire récente du Pérou tout autant que sur la relation difficile entre un père et son fils.
Catherine D.
Paru en août 2017, disponible aussi en format numérique.
Gros coup de cœur pour ce roman, dur mais magnifique.
Nous sommes quelques mois avant la fin de la seconde guerre mondiale. Pearl et Stasha sont des jumelles âgées de onze ans, qui au début du livre arrivent à Auschwitz avec leur mère et leur grand-père. Leur gémellité attire l'attention de Josef Mengele, officier SS et médecin du camp. Il a rassemblé les jumeaux et les triplés déportés dans son zoo et leur fait subir de terribles expérimentations médicales.
Pearl et Stasha racontent, en alternance, le quotidien au zoo, les personnes qu'elles y rencontrent et les séances avec celui qui se fait appeler Oncle et ses assistants. À la libération, les prisonniers survivants, en grande majorité des enfants, se mettront en route pour essayer de retrouver leurs familles ou un semblant d'espoir de recommencer une vie normale.
Mischling ("bâtard", en allemand) est un livre violent par moments, poignant, écrit dans une très belle langue, avec un beau travail de documentation en arrière-plan. Il ne laissera personne indifférent.
Hélène
Paru en septembre 2017, existe aussi en version numérique.
Cora, née esclave dans une plantation de coton, réservée mais déterminée, porte en elle un instinct de vie et d'insoumission qui font vibrer ce roman de la première à la dernière page.
Marquée par l'évasion de sa mère, sans elle, quand elle était enfant, Cora s'enfuit avec Caesar de la plantation des Randall en Géorgie quelques années plus tard, toute jeune adulte. Aidée par le chemin de fer clandestin, elle connaîtra la Caroline du Sud condescendante, la Caroline du Nord exterminatrice, elle traversera le Tennessee dévasté, entreverra dans l'Indiana la liberté et la solidarité.
Ce roman terrible rejoint la liste des magistrales dénonciations de l'esclavage, porté dans certains états au rang de meurtre de masse, sans compter les tortures inhumaines pratiquées ailleurs.
Le lumineux personnage de Cora nous permet de garder les yeux ouverts tout au long de ce périple qu'on lit avidement et qui nous rappelle jusqu'où l'être humain peut aller quand il a décidé de dominer ses semblables en les classant dans la catégorie "les autres".
Ce roman, le sixième de Colson Whitehead, a tout simplement reçu le prix Pulitzer en 2016...et le National Book Award, et un immense succès aux États-Unis.
Natacha
Paru en août 2017. Traduit de l'américain par Serge Chauvin. Existe aussi en format numérique.
Dès les premières pages, on sait qu'il y aura un drame, un terrible drame, on sait lequel et on relit les quelques lignes qui l'annoncent l'air de rien, comme un inoffensif constat, on les relit pour être sûr de bien comprendre. Mais les détails, les causes, les étapes, la sourde obstination qui conduira vers cette issue, ne sous sont révélés que lentement, par petites touches, avec toute l'opacité qu'ils gardent aux yeux de la jeune narratrice.
Ladite narratrice habite en bordure d'un lac et devient la baby-sitter du petit garçon qui vit sur l'autre rive. Elle devient proche de la jeune maman, passe de plus en plus de temps dans la maison d'en face.
Une histoire des loups nous plonge dans la forêt, on y navigue en canoë, on y ramasse des cailloux, on y touche des épines de pins, la nature est présente et palpable, on en respire même l'odeur. C'est une des marques de fabrique de l'éditeur Gallmeister. On y plonge aussi dans une petite ville américaine et dans quelques facettes de ces États-Unis si souvent dépeints sans ménagement par leurs propres écrivains : la tolérance de la Justice d'état à l'égard des sectes, le pudibonderie de cette même Justice dans d'autres domaines. Une des questions qui traversent ce roman plein de mystères et de suggestivité est celle de la culpabilité.
Arrivée à la dernière page, j'avais envie de recommencer le livre pour comprendre à nouveau, ou essayer...
C'est un roman hypnotique, en miroir à l'engourdissement de la narratrice face à ses voisins si ordinaires et si secrets.
Natacha
Paru en août 2017. Traduit de l'américain par Juliane Nivelt. Existe aussi en format numérique.
Avec Éléphant, Martin Suter nous plonge dans une histoire de développement scientifique aussi palpitante qu’inquiétante, le tout sur fond de chronique sociale du Zürich d'aujourd'hui. En effet, une bonne partie des personnages de l'histoire sont issus de la rue et n'en sont pas moins des héros. L'auteur nous raconte leur quotidien, la débrouille pour trouver une planque sans être vu des autres, l'ennui de la journée qu'on comble à coup de canettes, de rencontres et de verres partagés.
Schosch, SDF depuis neuf ans, fait un soir une rencontre bien mystérieuse qui va bouleverser sa vie. Alors qu'il rentre "chez lui", une grotte bien cachée par des buissons en contrebas d'une route peu fréquentée, il lui semble apercevoir un petit éléphant rose... Il attribue cette première rencontre aux effets de l'alcool. Mais le lendemain, quand il découvrira les bouses d'éléphant et apercevra à nouveau l'animal, le doute n'est plus permis. Picole ou pas, l'éléphant est bien là... Valérie, vétérinaire des animaux de la rue, va l'aider à comprendre d'où vient cet étrange animal et surtout comment le soigner. Parallèlement, les scientifiques à l'origine de la naissance de cette créature n'ont qu'une idée en tête, remettre la main sur cet éléphant qui pourrait les rendre richissimes et célèbres. Schosch, Valérie et Kaung, un cormac birman qui a accompagné la naissance de l'éléphanteau, ne voient pas ça d'un bon œil et vont tout faire pour protéger le petit animal.
Construit avec beaucoup d'humour et de rythme, ce roman se dévore, on s'attache aux personnages, on en apprend beaucoup sur les éléphants et la condition animale. Et on passe un super moment de lecture.
Catherine M
Paru en août 2017. Traduit de l'allemand par Olivier Mannoni. Existe aussi en format numérique.
Anna Hope nous avait conquis avec son premier roman, Le chagrin des vivants, tissage inventif de trois vies de femmes après la guerre de 1914. Elle s'intéresse ici à nouveau au début du XXème siècle dans ce deuxième roman charmant, dramatique et documenté, et nous emmène en 1911, dans l'asile de Sharston.
Charles est un jeune médecin musicien en quête de reconnaissance. John, un interné irlandais fort comme un boeuf et taciturne. Ella, jeune oiseau féroce et avide de liberté, a été internée dans l'aile des femmes parce que, au travail depuis son enfance dans une filature dure et bruyante, elle a un jour cassé une vitre, pour faire entrer l'air et la lumière.
Dans l'asile de Sharston, ces trois-là vont se rencontrer avec en toile de fond l'histoire de la psychiatrie qui se cherche, qui dérape, considère les internés comme des "dégénérés" qui "menacent la société de décrépitude" et tâtonne sur la meilleure solution : ségrégation entre hommes et femmes ou stérilisation ? Or il se trouve qu'à Sharston, hommes et femmes quittent leurs ailes respectives une fois par semaine pour se retrouver à la salle de bal et danser sous le regard des soignants.
Plongez dans cette très belle histoire, fluide et agréable à lire.
Parution le 17 août 2017, traduit de l'anglais par Élodie Leplat. Existe aussi en format numérique.
Robin Mac Arthur, auteure et chanteuse américaine, signe un magnifique recueil de nouvelles qui nous plonge dans l’Amérique rurale.
Les personnages dépeints vivent au plus proche de la nature, par choix parfois, souvent par nécessité, car la vie ne leur a pas donné autre chose. On les découvre dans leur quotidien, au bord d'une forêt, dans les champs et les rivières du Vermont. L'auteur ne nous dévoile qu'un petit coin de leurs vies, un fragment qui nous donne à chaque fois l'envie de poursuivre la route avec les femmes, les hommes, les familles présentés dans ces nouvelles.
On sent la roche, la lumière du soir, l'eau glacée des lacs, l'odeur des champs coupés dans les mots de Robin Mac Arthur. On perçoit la mélancolie, la solitude, l’âpreté de la vie sauvage, mais aussi la liberté que cette existence marginale et loin des villes permet. Chaque nouvelle est un mystère qui nous laisse rêveur sur le devenir des êtres rencontrés. Seront-ils couper les liens qui les tiennent attacher au Vermont ? Seront-ils plus heureux ailleurs? L'exil vaut-il mieux que les racines?
Catherine M
Paru en mai 2017. Traduit de l'américain par France Camus-Pichon. Existe aussi en format numérique.
Dylan est un géant tatoué qui a grandi dans un petit cinéma d'art et d'essai. Après la mort de sa mère et de sa grand-mère, et alors que le climat se refroidit de jour en jour, il quitte Londres pour rejoindre la caravane que la première lui a laissé, tout au Nord de l'Écosse. Là, il fait la connaissance de ses voisines: Constance, une femme solitaire et débrouillarde, parée pour cette nouvelle ère glaciaire qui s'annonce, et sa fille adolescente, Stella. En leur compagnie, Dylan fréquente les différents personnages qui peuplent ce drôle de petit village situé entre mer et montagne, d'où l'on peut voir un iceberg venu de Scandinavie se rapprocher des côtes, lentement mais inexorablement. Et cette ombre d'incertitude qui plane sur leur avenir amène les protagonistes à se concentrer sur leurs histoires familiales - le deuil, la filiation, le rejet, tout en resserrant leurs liens pour s'entraider et se protéger.
Jenni Fagan nous offre ici un roman lumineux aux personnages attachants, dont la lecture donne envie de se pelotonner au chaud tandis qu'une épaisse couche de neige tombe silencieusement.
Hélène
Paru en août 2017, existe aussi au format numérique.
Jessie Burton est habile pour tisser les liens entre les époques et les personnages et nous plonger dans des atmosphères envoûtantes. Elle entraîne le lecteur dans un récit dense construit entre deux époques et deux endroits différents : Londres en 1967 et Malaga en 1936.
Le roman débute à Londres en 1967. Odelle, débarquée depuis quelques années de ses Caraïbes natales, décroche un poste de secrétaire dans une galerie d'art. Elle y rencontre l'énigmatique Marjorie Quick, sa patronne et fait la connaissance de Lawrie, un jeune Londonien dont elle tombe amoureuse. Ce dernier a hérité de sa mère un tableau remarquable au titre énigmatique "Les filles au lion". Une oeuvre incontestablement unique, en avance sur les codes graphiques de son temps, dégageant une aura puissante. Un tableau surtout auréolé de mystère puisque lorsqu'il réapparaît en 1967, après trente ans d'oubli, on a des doutes sur les circonstances de sa création et sur l'identité du peintre qui en est l'auteur. Néanmoins, la galerie d'art pense qu'il s'agit d'une oeuvre peinte en 1936 en Andalousie par Isaac Roblès, un prometteur peintre mort trop jeune, pendant la guerre civile espagnole. Et Marjorie Quick, de son côté, semble fortement troublée par le tableau... Odelle décide de mener son enquête et va faire ressurgir du passé la vérité.
Jessie Burton entrecroise le récit de la quête d'Odelle avec celui des origines de cette peinture en 1936. On y découvre le destin d'Isaac Roblès, jeune révolutionnaire passionné, de sa soeur Teresa, et d'Olive Schlöss, jeune anglaise qui passe quelques mois en villégiature en Andalousie avec ses parents. Des liens se tissent entre ces personnages, des passions se nouent... Olive et Isaac aiment peindre et le climat est propice à la création. Mais la guerre civile est aux portes du petit village andalou...
Après "Miniaturiste" son précédent roman, Jessie Burton signe à nouveau un roman passionnant servi par une très belle plume, qui nous apprend beaucoup sur l'histoire de l'Espagne et l'histoire de l'art.
Delphine
Paru en mars 2017, traduit de l'anglais par Jean Esch, existe aussi au format numérique.
Objet littéraire non identifié, artistique et décalé, cette chronique de deux familles américaines sera fragmentée selon le principe de l’abécédaire et reconstruite au gré de vos envies, dans une chronologie éclatée qui, pourtant, n’empêche nullement la compréhension de l’histoire… La présentation est particulièrement soignée, avec la participation d’une quarantaine de photographes différents. Une lecture unique à savourer !
Catherine D.
Paru en avril 2017.
Anjali, jeune épouse d'un mari volage et inconséquent, va subir intimement et socialement les conséquences terribles de l'explosion d'une usine de gaz à Bhopal en Inde, alors qu'elle attendait son mari qui n'est jamais venu la rechercher à la gare... Elevée dans la tradition, elle réalisera son rêve de jeune fille en obtenant un mariage fastueux, avant de devoir s'émanciper et briser les tabous de la société indienne pour faire face à la tragédie qui la frappe et s'élever contre sa culture, sa famille et ses propres croyances. Elle divorcera, déménagera loin des siens, reprendra des études supérieures durant lesquelles elle rencontrera un homme qu'elle aime et qui l'aime. Ils se marieront, elle deviendra enseignante et élèvera leur fils, lourdement handicapé à cause des gaz qu'elle a inhalés des années auparavant, lors de cette funeste nuit...
Voici un très beau premier roman d'une auteure indienne exilée aux Etats-Unis et qui vit maintenant au Danemark, basé sur un fait réel ayant marqué l'histoire de l'Inde, un des plus graves accidents chimiques du 20ème siècle.
Catherine D.
Paru en janvier 2017, existe aussi en format numérique.
Deuxième volet d'une trilogie, faisant suite à "D'ailleurs les poissons n'ont pas de pieds", "A la mesure de l'univers" est un magnifique roman qui nous transporte en Islande. On voyage dans trois époques, les années 30 où la pêche semble organiser toute la vie de l'île, les années d'après-guerre avec la présence de l'armée américaine par la biais d'une importante base militaire qui pèse sur tout le pays, et l'époque actuelle où l'on retrouve notamment certains personnages qui se sont "échappés" de l'île pour vivre une vie loin de la pêche et du microcosme islandais. On sent que ce pays, où les étés sont clairs et les hivers une sorte de longue pénombre, est particulier de par sa position géographique, de par son histoire, de par sa proximité avec un océan tout à la fois paisible et déchaîné.
Rempli de poésie, d'émotions, d'amour, ce livre est un non seulement une magnifique histoire de famille et de transmission mais aussi une ode à la littérature tant la langue utilisée est belle, juste. On ne compte plus les phrases qu'on a envie d'épingler au cours de la lecture.
Cette lecture est une des plus belles que j'ai faites cette année et je suis rentrée sans problème dans le roman bien que je n'ai pas lu le premier volet de cette histoire (qui est, cela dit, magnifique aussi parait-il, et disponible en poche chez Folio).
Voici un auteur à découvrir sans hésiter.
Catherine M
Paru en avril 2017, traduit de l'islandais par Eric Boury. Existe aussi en format numérique.
Le titre de ce roman lui va comme un gant et rend bien compte du talent de Gornick à dresser le portrait de sa mère et d'elle-même, prises dans une relation qui les enserre l'une et l'autre dans une toile d'araignée passionnée. Vivian Gornick est journaliste et essayiste, elle évoque sa propre histoire dans ce livre et cela se passe à New York, notamment dans le Bronx où les Juifs, les Irlandais, les Italiens se côtoient au sein des mêmes immeubles et quartiers.
Enfant et adolescente, Vivian est entourée de femmes au milieu desquelles sa mère tient les rênes, bien campée sur un mélange de convictions communistes et d'échappatoire romantique, puis bientôt veuve et entoilée dans son deuil. Mais il y a aussi Nettie, séductrice et sensuelle, Mrs. Kerner qui a perdu les pédales et bien d'autres qui jalonnent le parcours de la jeune fille et qu'elle observe avec une acuité merveilleuse.
Attachement féroce fait partie des romans qui aident à vivre en mettant des mots d'une grande justesse et d'une grande beauté sur nos labyrinthes parfois obscurs. Il est aussi jubilatoire dans son humour mordant !
Ce livre est paru en 1987 aux États-Unis et ceci est sa première traduction en français.
Natacha
Paru en janvier 2017. Traduit de l'anglais (États-Unis) par Laetitia Devaux. Existe aussi en format numérique.
Dans son sixième roman, Roopa Farooki reprend ses thèmes chers, la famille, les liens entre l'Orient et l'Occident, et nous ravit une fois de plus par sa finesse psychologique, la fraicheur de son ton, la vivacité de sa langue.
Elle nous entraîne dans un récit dense, éclaté, entre L'Inde traditionnelle, Londres et les USA, depuis 1940 jusqu'à nos jours, à la suite de ses quatre personnages principaux, deux frères et deux soeurs, plus ou moins marqués par une enfance douloureuse sous l'emprise d'une mère autoritaire et manipulatrice. A l'âge adulte, quasi tous les membres de la fratrie se sont éloignés de la figure maternelle mais resteront-ils hantés par leur passé ? Arriveront-ils à se construire en tant qu'adultes, amants, époux, pères ou mères ?
L'auteure ancre son récit dans un monde en pleine mutation, à mi-chemin entre l'Orient traditionnel et l'Occident moderne, aborde sans tabou et beaucoup de justesse les sujets de l'immigration, des mères célibataires ou de l'homosexualité.
Avec patience et amour, Roopa Farooki tisse les liens, souvent distendus, entre ces personnages, et nous donne à suivre ces quatre trajectoires qui ont traversé les cultures, les frontières et les décennies, avec plus ou moins de force ou de fragilité.
Voici sans conteste un roman attachant.
Delphine
Paru en février 2017. Existe également au format numérique.
Roman d'anticipation, mais pas que, Station Eleven est une exploration de la vie - avant et après le virus qui a décimé la majorité des humains - et de ce qui survit quand l'humanité a presque disparu : Shakespeare, la musique, la solidarité mais aussi la méfiance envers les autres.
L'auteur décrit le destin de plusieurs personnages: un acteur de théâtre et les femmes de sa vie; une jeune fille qui n'a presque pas connu le monde "d'avant", et les musiciens et comédiens de la troupe itinérante dont elle fait partie. Au fil de sauts dans le temps, elle nous permet de reconstituer leur biographie et les liens qui les unissent les uns aux autres, à la fois dans l'ancien monde (le nôtre) et le nouveau, en cours de reconstruction.
Le tout, magnifiquement écrit. On ne lâche pas ce livre, c'est un vrai coup de cœur !
Hélène
Paru en août 2016, traduit de l'anglais (canada) par Gerard De Cherge - existe aussi en format numérique.