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Dans son sixième roman, Roopa Farooki reprend ses thèmes chers, la famille, les liens entre l'Orient et l'Occident, et nous ravit une fois de plus par sa finesse psychologique, la fraicheur de son ton, la vivacité de sa langue.
Elle nous entraîne dans un récit dense, éclaté, entre L'Inde traditionnelle, Londres et les USA, depuis 1940 jusqu'à nos jours, à la suite de ses quatre personnages principaux, deux frères et deux soeurs, plus ou moins marqués par une enfance douloureuse sous l'emprise d'une mère autoritaire et manipulatrice. A l'âge adulte, quasi tous les membres de la fratrie se sont éloignés de la figure maternelle mais resteront-ils hantés par leur passé ? Arriveront-ils à se construire en tant qu'adultes, amants, époux, pères ou mères ?
L'auteure ancre son récit dans un monde en pleine mutation, à mi-chemin entre l'Orient traditionnel et l'Occident moderne, aborde sans tabou et beaucoup de justesse les sujets de l'immigration, des mères célibataires ou de l'homosexualité.
Avec patience et amour, Roopa Farooki tisse les liens, souvent distendus, entre ces personnages, et nous donne à suivre ces quatre trajectoires qui ont traversé les cultures, les frontières et les décennies, avec plus ou moins de force ou de fragilité.
Voici sans conteste un roman attachant.
Delphine
Paru en février 2017. Existe également au format numérique.
Roman d'anticipation, mais pas que, Station Eleven est une exploration de la vie - avant et après le virus qui a décimé la majorité des humains - et de ce qui survit quand l'humanité a presque disparu : Shakespeare, la musique, la solidarité mais aussi la méfiance envers les autres.
L'auteur décrit le destin de plusieurs personnages: un acteur de théâtre et les femmes de sa vie; une jeune fille qui n'a presque pas connu le monde "d'avant", et les musiciens et comédiens de la troupe itinérante dont elle fait partie. Au fil de sauts dans le temps, elle nous permet de reconstituer leur biographie et les liens qui les unissent les uns aux autres, à la fois dans l'ancien monde (le nôtre) et le nouveau, en cours de reconstruction.
Le tout, magnifiquement écrit. On ne lâche pas ce livre, c'est un vrai coup de cœur !
Hélène
Paru en août 2016, traduit de l'anglais (canada) par Gerard De Cherge - existe aussi en format numérique.
En 1893, Johanne Lien, jeune cueilleuse de fruits de la bourgade norvégienne Åsgardstrånd, amie d'Eduard Munch qui lui permet de peindre en cachette et avec lequel les conversations se font poèmes et restent bien souvent suspendues hors du temps, se retrouve le temps d'un été au service d'une grande famille bourgeoise en villégiature dans la ville voisine. Elle deviendra peu à peu la confidente, amie et complice d'une des filles de l'Amiral, Tullik. Et celle-ci va l'entraîner à sa suite dans un tourbillon de sentiments dévorants, causés entre autres par la passion que cette dernière va vivre avec le peintre honni par toute la communauté locale, Eduard Munch. Outre ces trois personnages principaux, il s'agit ici d'une véritable ode à la peinture qui devient un personnage à part entière de cette histoire où tous les sens sont en éveil. L'auteure parvient en effet à nous faire ressentir la chaleur de cet été caniculaire, la transpiration causée par ces heures de danse au bal du Grand Hôtel, entendre le souffle puissant du vent et de la tempête qui fait rage en cette nuit de perdition, sans parler des émotions causées par les traits picturaux subtilement mis en mots pour décrire les célèbres toiles du maître. Chaque chapitre est une couleur et est introduit par une citation du Traité des couleurs de Goethe, que la jeune servante a reçu en cadeau par Munch.
Voici un premier roman sensible et très bien écrit, en forme d'hommage à la force créatrice en général, à la peinture de Munch en particulier. Intense et délicat!
Catherine D.
Paru en mars 2017, traduit de l'anglais (Royaume-Uni) par Séverine Beau. Existe aussi en format numérique.
Sur l'île de Java, dans les Indes néerlandaises, à la fin du 19ème siècle, vit Minke, notre héros, un jeune indigène, élève brillant d'une école européenne. Nous sommes à Surabaya, dans une société hyper hiérarchisée. Minke, journaliste à ses heures, croise la route de Nyai Ontosoroh, une femme hors du commun, concubine d'un riche fermier et industriel hollandais, Herman Mellema. Elle gère seule la "Boerderij Buitenzorg", une ferme prospère, depuis que Herman est devenu fou. Minke tombe follement amoureux de la belle et fragile Annelies, fille de Nyai. L'attention que lui portent les deux femmes, attire sur lui bien des jalousies.
Mais au-delà de l'histoire aventureuse et romanesque, le thème principal du récit est la question du colonialisme. Nyai et Minke sont tous deux javanais, intelligents et idéalistes. Ils rêvent d'une liberté conquise contre un régime de discrimination. Minke, dont l'esprit critique est aiguisé par l'excellente professeure Magda Peters, veut être un homme libre "qui n'obéit ni ne donne d'ordre à personne". Car Minke, dans son coeur et dans sa chair, est javanais. Fils d'un bupati, il honnit la servilité, les rituels et la dépendance de son peuple face aux européens, comme il déteste l'autorité et la supériorité de ces derniers.
Pramoedya Ananta Toer (1925-2006) est une figure marquante de la littérature indonésienne. Il prit part à la lutte pour l'indépendance de son pays et fût incarcéré de nombreuses fois, dont 15 ans passé au bagne sur l’île de Buru, le goulag des mers du Sud, de 1965 à 1979.
"Le monde des hommes" est le premier tome d'une tétralogie intitulée "Buru quartet". On se réjouit déjà de retrouver ces personnages forts et attachants dans le second volet qui paraîtra en mars, toujours aux éditions Zulma.
Véronique
Paru en janvier 2017.
Tommi Kinnunen nous plonge dans l’histoire d’une famille au cœur de la taïga, au nord de la Finlande, et nous laisse entrevoir ses secrets bien gardés, que le lecteur découvrira peu à peu, à travers la voix de quatre protagonistes : Maria, la matriarche indépendante, Lahja, sa fille, Onni, son gendre, et Kaarina, sa belle-petite fille.
Si la recette du roman polyphonique n’est pas neuve, l’auteur parvient à donner de la consistance à tous ses personnages et à insuffler une âme à ce livre. Il nous livre un récit intimiste, crée une véritable ambiance feutrée et tisse surtout une intrigue dense qu’on ne lâche pas et qui se lit comme une saga.
Ce roman nous invite à un voyage dans la Finlande du XXe siècle, entre 1895 et 1996 : un pays dont nous connaissons finalement peu l’histoire et que nous découvrons avec curiosité, loin des clichés.
Un texte très beau, fluide, premier roman élu à sa sortie en Finlande meilleur livre par le Finnish Grand Journalism Prize.
Certainement une belle découverte.
Delphine
Paru en janvier 2017, traduit du finnois par Claire Saint-Germain, existe aussi au format numérique.
Quel roman! Apprenant qu'il avait été plébiscité par Barack Obama comme une des lectures les plus marquantes de son mandat, je me suis penchée sur ce livre avec curiosité et j'ai été happée.
Construite en deux parties, l'histoire débute dans la famille de Lotto en Floride. Lancelot, dit Lotto, est le riche héritier d'un couple qui a fait fortune dans l'industrie de l'eau en bouteille. A 17 ans, il est envoyé dans le New Hampshire pour faire ses études et surtout, être éloigné de mauvaises fréquentations où la drogue et l'alcool coulent à flot. A 22 ans, il rencontre Mathilde qu'il épouse contre l'avis de sa mère. Débute alors une histoire d'amour aussi passionnelle et fusionnelle que mensongère. Durant les 200 premières pages du roman, on découvre l'enfance de cet homme, on le suit dans son histoire de couple et dans sa carrière professionnelle.
A la moitié du roman, on plonge dans l'histoire de Mathilde. Née en France, dotée alors du prénom Aurélie, elle débarque aux USA à 12 ans. L'auteur revient sur les évènements déjà racontés dans la première partie du roman mais en proposant un autre regard, celui de cette femme mystérieuse, l'épouse parfaite de Lotto. On va de rebondissements en rebondissements. Qui est vraiment Mathilde? Pourquoi a-t-elle épousé Lotto? Quels sont les mystères qui entourent sa vie avant Lotto?
Lauren Groff dresse un portrait de l’Amérique avec ses clichés et ses excès. Elle nous montre combien les relations sont complexes et pleines de faux-semblants. Dans "Les Furies" les fêtes sont orgiaques, l'amour est passion, les succès sont énormes et les échecs d'autant plus durs. Tout semble excessif et quelques mots suffisent pour briser l'image parfaite construite par chacun des personnages et provoquer la chute de ceux-ci. Une lecture surprenante, un roman qu'on dévore.
Catherine
Paru en janvier 2017, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Carine Chichereau. Existe aussi en format numérique.
Vera Sigall, romancière à l'aura puissante, 83 ans, fait une chute qui la laisse inconsciente. Son ami et voisin Daniel, qui a plusieurs décennies de moins et avait construit avec elle une complicité solide et particulière, veille à son chevet à l'hôpital. Ce qui va mettre sur son chemin la toute jeune Emilia, étudiante fascinée par l'oeuvre de Sigall et atteinte d'un mal étrange : elle ne supporte aucun contact physique. Ensemble, ils vont découvrir l'histoire de Vera mais aussi celle du poète Horacio Infante, son illustre contemporain, et ce qui les lie tous les deux.
Ce livre est empreint d'une grande poésie dans sa façon d'observer le désir, l'envie, l'écriture, les créateurs, la filiation aussi. Qu'il s'agisse de la passion empreinte de rivalité qui lie Horacio à Vera, de l'étrange relation platonique d'Emilia avec son fiancé resté en France, de la curieuse rencontre de Daniel avec Emilia, de la déliquescence du couple que Daniel forme avec Gracia, la romancière suit le fil du désir avec une curiosité d'entomologiste et une belle plume. Elle accompagne aussi ses personnages en proie aux affres et bonheurs de la création, qu'il s'agisse de trouver le mot juste, de trouver de la reconnaissance ou encore de faire aboutir le plan d'un bâtiment rêvé (pour Daniel l'architecte).
La fin nous offre une révélation vers laquelle tout converge. Un très beau roman.
Natacha
Paru en janvier 2017, traduit de l'espagnol (Chili) par Claude Bleton. Existe aussi en format numérique.
New York, 1980. Une année qui s'annonce pleine de promesses pour James Benett, critique d'art à la synesthésie flamboyante, Raul Engales, peintre argentin en voie de reconnaissance, et Lucy Obersson, fraîchement débarquée d'Idaho. Ces trois personnages vont se croiser, se rapprocher et s'éloigner au fur et à mesure du temps qui s'écoule, marqué par les succès et les tragédies. Une belle plongée dans le monde de l'art du début de cette décennie, alors que la ville se transforme et ne pardonne rien.
Hélène
Paru en août 2016, traduit de l'anglais par Nathalie Bru - Existe aussi en format numérique.
David Treuer a grandi dans une réserve indienne dans le nord du Minnesota et n’a de cesse de conter les conditions de vie des Amérindiens dans ses écrits. Roman choral, Et la vie nous emportera ne déroge pas à la règle et livre une magnifique histoire où s’entremêlent des thèmes aussi forts que le tabou de l’homosexualité, l’inégalité raciale, les amours impossibles, la guerre, ...
Eté 1942. Frankie vient passer ses dernières vacances dans la résidence estivale de ses parents, située en bordure d’une réserve indienne, avant d’intégrer l’armée. Il y retrouvera, outre ses parents (mère étouffante, père distant), Félix, le vieil indien homme à tout faire du domaine, et Billy, jeune homme métis auquel le lie une amitié très forte et particulière. A peine arrivé, un incident tragique va bouleverser leurs retrouvailles et avoir des conséquences dramatiques pour chacun des protagonistes.
Très fort, très juste dans ses descriptions des sentiments ambigüs qui animent tous ses personnages, David Treuer parvient à nous emporter dans un récit empreint de mystère et de secrets. Un roman sombre, mais non dénué de purs moments de légèreté.
Catherine D.
Paru en août 2016, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Michel Lederer - Existe aussi en format numérique
Quelle épopée! L'histoire se déroule en 1917, dans le centre des Etats-Unis. Le pays est aux portes de la modernité, les voitures côtoient les cavaliers sur les routes, les revolvers sont encore dans toutes les poches et on n'hésite pas à dégainer. La misère est le lot quotidien d'une partie de la population, les inégalités de richesse, d'éducation sont criantes. Dans cet univers explosif socialement, trois frères (sur)vivent avec leur père en gagnant un salaire de misère en travaillant au champ pour un riche propriétaire. Fervent catholique, le père leur promet le banquet céleste après leur mort. Mais quand celui-ci s'écroule un beau matin, les fils n'ont pas vraiment envie d'attendre la rédemption finale et décident de suivre une autre voie.
Ils deviennent de vrais desperados, bien malgré eux. En voulant améliorer leurs conditions de vies, ils se retrouvent dans les embrouilles jusqu'au cou. Et, alors qu'ils sont devenus de vrais gangsters, on ne peut s'empêcher de s'attacher à eux. Ce livre est à la fois violent et drôle. Il a un côté western mais est aussi empli d'humanité, d'amour fraternel. Et c'est un magnifique portrait d'une époque. Un tout bon roman américain qui confirme que Donald Ray Pollock est un des grands romanciers américains du XXIième siècle.
Catherine M
Paru en octobre 2016, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Bruno Boudard - existe aussi en format numérique.
Dans ce très beau roman, on suit le personnage de Wendy (13 ans), subitement confrontée à la disparition de sa mère dans les attentats du 11 septembre à Manhattan. Ayant des difficultés à continuer à vivre "comme avant", ne sachant pas comment gérer son propre deuil et celui de ses proches, elle saisit l'occasion que lui offre son père de le rejoindre en Californie. À l'autre bout du pays, elle apprendra à connaître ce père (jusque là plutôt absent, mais idéalisé par l'adolescente).
Maynard nous offre encore une fois des personnages très bien campés et une histoire remplie d'émotion, que l'on dévore avec un plaisir plein de larmes.
Hélène
Rentrée littéraire août 2016, traduit de l'américain par Isabelle D. Philippe - Existe aussi au format numérique
L’écriture si belle de David Vann nous plonge dans le cœur palpitant de Caitlin, petite grande fille aux prises avec une mère aimante rendue brutale par ses souvenirs d’enfance qui, tout à coup, remontent à la surface. Enfant aux premières marches de l’adolescence, Caitlin cultive un monde intérieur et des secrets pleins de chaleur et de vie, qui la protègent face aux sursauts de folie de sa maman. Et Caitlin a aussi un allié, marqué mais déterminé.
Vann manie les atmosphères et les images avec art. Il nous immerge dans un centre aquatique où le monde étrange de la vie sous-marine renvoie aux humains son miroir doux-amer. Ce faisant, Vann nous ensorcelle dans ce roman qui nous secoue dans tous les sens mais nous amène vers une issue pleine d’espoir.
David Vann est également l’auteur du très remarqué Sukkwan Island, de Impurs et de Goat mountain.
Natacha
Paru en octobre 2016, traduit de l'anglais (Etat-Unis) par Laura Derajinski.
Comme l'ombre qui s'en va, c'est l'histoire de l'errance de deux hommes dans la ville de Lisbonne. L'errance de James Earl Ray d'abord, l'assassin de Martin Luther King, qui, en mai 1968, parvient à fuir les Etats-Unis sous une fausse identité et rejoint la capitale portugaise un peu par hasard, espérant rallier l'Afrique par bateau depuis son port et y disparaître. L'errance de l'auteur lui-même ensuite, qui nous raconte ses quelques jours d'évasion en 1987 dans la ville de Pessoa, afin de s'y imprégner de l'ambiance de cette petite ville pour écrire son second roman Un hiver à Lisbonne.
Le récit entremêle les trajectoires de ces deux hommes à deux époques différentes, dans des contextes bien différents, mais qui se retrouvent tous les deux à un moment charnière de leur existence, avec la volonté de se perdre pour mieux se trouver ensuite. La ville de Lisbonne y fait figure de personnage en tant que tel, avec ses ambiances, ses odeurs, ses images presque hypnotiques. Le récit est envoûtant, l'écriture ondoyante, en spirale, finit par perdre le lecteur lui-même qui se met à errer avec les personnages dans le dédale des rues de Lisbonne.
Antonio Munos Molina, fasciné par James Earl Ray, retrace avec beaucoup de précision son parcours depuis sa naissance en Louisiane, jusqu'à sa fuite en Europe après avoir assassiné Martin Luther King et essaie surtout d'entrer dans la tête de cet assassin, de comprendre ses obsessions et de combler par la fiction les zones d'ombre que l'histoire a laissées floues. Il nous livre aussi avec beaucoup de sincérité ses propres réflexions sur l'acte d'écriture, sur la création littéraire et sur le sens de la vie. Ce texte, très fort et exigent, nous porte par sa beauté hypnotique et laisse des traces.
Delphine
Paru en août 2016, traduit de l'espagnol par Philippe Bataillon - Existe aussi en format numérique.
Amos Oz est un grand écrivain israélien, partisan de la paix et de la création d'un état palestinien.
A travers ce roman, on découvre l'histoire d'Israël, on apprend pas mal de choses sur les débats qui ont précédé la création de l'état juif. Et entre les lignes, c'est aussi la question de la pertinence de la création d'un état juif qui est posée. Tout au long du livre, on va suivre Schmuel, un jeune homme, un peu en manque de repères, dans la Jérusalem des années 1950, soit quelques années après la création de l'état. Celui-ci abandonne ses études et est engagé dans une étrange maison pour faire quotidiennement la conversation à un vieil homme. On découvre rapidement que cet homme a été proche de Ben Gourion et d'autres intellectuels qui ont mené des débats lors de la création de l'état. Parallèlement, l'auteur nous parle de Judas Iscariote et propose une lecture de l'histoire différente de celle habituelle présentée. Et si Judas n'était pas le traître mais bien le plus croyant et fidèle des disciples?
C'est un roman brillant d'intelligence et d'érudition. Il remet en question des choix politiques passés, il pose des questions sur l'histoire des religions et des relations entre religions. C'est un livre aux multiples facettes qui est aussi plein d'émotion et d'amour.
Catherine M
Paru en août 2016, traduit de l'hébreu par Sylvie Cohen - existe aussi en format numérique.
Palerme dans les années 80, un endroit qui "a toujours été une poudrière, enculée de misère". C'est dans ce cadre que Davide Enia campe ses personnages hauts-en-couleur.
En 1932, Beckomberga, près de Stockholm, ouvre ses portes.
Cet hôpital psychiatrique se veut avant tout un havre de paix, "un nouveau monde où personne ne serait laissé pour compte".
Beckomberga a marqué l'adolescence de Jackie, l'héroïne du roman, qui s'évertue à maintenir les liens avec son père, Jim, alcoolique, dévastateur et suicidaire, en lui rendant régulièrement visite. Jim est soigné par Edvard, un médecin non conventionnel, qui cherche à humaniser et à responsabiliser ses malades.
La psychiatrie a beaucoup évolué, elle a aidé ses malades à rejoindre le monde du dehors. C'est cette histoire que nous revisitons en nous plongeant dans ce roman, orchestré par chapitres courts, donnant la voix aux différents protagonistes.
Un superbe roman sur le monde marginal de la folie douce.
Véronique
Paru en août 2016, traduit du suédois par Jean-Baptiste Coursaud - existe aussi en format numérique.
Tom est un soldat britannique ambitieux, ultra motivé. Il part en zone de conflit et en reviendra salement amoché.
Probablement largement autobiographique, c'est l'histoire de Tom qu'Harry Parker va nous livrer dans ce roman, au moyen d'un procédé narratif relativement original. En effet, les multiples narrateurs de ce roman sont des objets: un casque, un garrot, un sac-à-dos, un cathéter, une chaise roulante, une bombe, une bière, etc., etc. Cette manière de raconter l'histoire tient le lecteur en haleine, car chaque début de chapitre est une petite surprise. On se demande qui va nous adresser la parole et les premières lignes ne sont pas toujours explicites à ce sujet, on tente donc de découvrir au fil du récit de qui, ou plutôt de quoi, il s'agit. Cela rend la lecture assez amusante bien que le propos du livre soit plutôt tragique.
Catherine M
Paru en août 2016, traduit de l’anglais par Christine Laferrière - existe aussi en format numérique.
Avec Les fondamentaux de l'aide à la personne revus et corrigés, on embarque dans le quotidien tragique de Benjamin et Trevor, qui tous deux ont été malmenés par la vie, l'un physiquement, l'autre moralement. Lequel des deux est le plus cassé? Finalement l'histoire ne le dit pas, mais cheminer avec eux est un pur bonheur de lecture. On découvre petit à petit leurs histoires, ce qu'ils trimballent avec eux comme casseroles, mais on entrevoit aussi ce que pourrait être leur avenir (ou pas). Dans ce roman, il y a de l'aventure, de l'amour, de l'amitié, de l'humour (parfois ras des pâquerettes) mais aussi une philosophie de vie qui nous amène à penser à ce que la vie nous a donné (ou repris) à nous, lecteur. Il y a aussi de la folie, du "c'est juste pas possible" et ça, c'est aussi ce que la littérature a de magique et d'incroyable, c'est qu'elle peut tout ou presque. Voici une terriblement bonne lecture qui, en plus, vous fait voyager à travers la moitié des USA (sans devoir demander de visa, ça ne se refuse pas).
Catherine
Avril 2016 - Traduit de l’anglais (États-Unis) par Marie-Odile Fortier-Masek - Existe aussi en format numérique.
Nos années sauvages raconte l'histoire d'une famille traumatisée, puis séparée, par un événement survenu alors que la narratrice, Rosemary, n'était qu'une enfant : la disparition de sa "jumelle", Fern. Difficile, à partir d'ici, de parler du roman sans trop en dire sur l'intrigue. Fowler entraîne ses lecteurs dans un récit original abordant des thèmes variés, des dysfonctionnements familiaux à la psychologie, en passant par la primatologie. Voici un livre qui ne manquera pas de vous happer, et ne vous laissera sans doute pas de marbre.
Hélène
Avril 2016 - aussi disponible en format numérique.
Nous sommes en Angleterre, dans les années 1990. Kevin prend le train vers Glasgow pour enquêter sur un ancien ami artiste, écrivain. Il revient ainsi dans sa ville natale alors qu'il réside à Londres depuis une dizaine d'années avec son fils, David. Il s'intéresse à cet ancien ami, Mike, dont il fut le confident littéraire, et qu'il n'a pas revu avant son décès du SIDA. Entraînant le lecteur avec lui, Kevin se remémore sa vie à Glasgow et nous plonge dans ses souvenirs, dans le milieu de la drogue, dans les entrailles de la ville ravagée par le déclin économique. Le récit de sa rencontre avec Mike est tout aussi hilarant que glauque et donne le ton du livre dès le départ. On ne va pas s'ennuyer. Kevin se souvient de ce qu'était la vie de Mike avant son départ de Glasgow, une vie faite d'écriture et de piqûres d'héroïne. Il cherche aussi à savoir ce qu'il est devenu par la suite en contactant leurs anciens amis communs.
A travers cette quête, ce sont de multiples questions, réflexions qui surgissent. Qu'est ce que l'amour et l'amitié ? Pourquoi écrit-on ? Pourquoi se drogue-t-on? Où nous emmène la vie quand on démarre l'âge adulte à coup d'injections? Ce texte retourne notre estomac par son réalisme et nous livre une galerie de personnages finalement très attachants.
Un roman noirissime mais qu'il ne faut pas mettre sur le côté pour autant. Le style est lumineux, sans accroc et le livre nous appelle dès qu'on le referme.
Catherine
Mars 2016 - Traduit de l’anglais (Ecosse) par Clélia Laventure.
Justin, 11 ans, disparaît un soir d'été, sans laisser de traces. Pendant quatre ans, ses parents et son frère ne vont jamais cesser d'espérer, vont poursuivre leurs recherches, inlassablement. Ont-ils encore raison d'y croire après ces longues années ? Quand on le retrouve, comme par miracle, après quatre ans, sa famille va tenter de se reconstruire, de surmonter ses angoisses, de panser ses blessures. Pas si évident de retrouver une vie normale quand on a vécu si longtemps dans l'attente et l'angoisse...
Ce roman traite de l'absence mais surtout de la culpabilité d'une famille au retour du fils perdu. Ont-ils vraiment fait tout leur possible pour essayer de retrouver Justin ? Comment vont-ils faire face à cette explosion d'émotions mêlées ? Comment vont-il se reconstruire et redevenir une famille comme les autre après avoir traversé cette épreuve ? Comment Justin va-t-il se réintégrer à ce monde qu'il pensait avoir perdu ?
Bret Anthony Johnston nous pose toutes ces questions dans ce roman habilement construit et décrit les membres de cette famille avec une grande finesse psychologique et beaucoup de pudeur. Nous sommes happés par le récit, rythmé, suspendus au destin de cette famille au bord du gouffre.
Un premier roman réussi et très juste.
Delphine
Mars 2016 - Traduit de l'anglais (USA) par France Camus-Pichon - existe aussi en format numérique.
Virtuose de la langue, Alessandro Baricco nous entraîne une fois de plus dans un monde étrange et envoûtant, plein de poésie et de sensualité.
Nous suivons les pas de la Jeune Epouse, jeune fille de 18 ans fraîchement débarquée d'Argentine pour rejoindre le jeune homme à qui elle est promise. Nous sommes à la fin du XIXe siècle, dans une maison du Nord de l'Italie habitée par d'excentriques aristocrates aux moeurs bien fantasques mais raffinées. La jeune fille y fera la connaissance de la Fille, la Mère, le Père, l'Oncle, mais pas de futur mari en vue. C'est que le Fils est parti depuis quelques temps en Angleterre et personne ne sait exactement la date de son retour. Qu'à cela ne tienne, la Jeune Epouse décide donc de l'attendre dans cette si singulière maisonnée et de s'y laisser initier à ses étonnants rituels. Mais peu à peu sa présence modifiera le cours tranquille de la vie de la maison...
Dans cette fable presque hors du temps, Alessandro Baricco joue avec ses personnages, nous livre une vision malicieuse de notre société et nous offre une formidable réflexion sur le métier d'écrivain. Car il n'hésite pas à s'y mettre en scène dans de savoureuses digressions sur la narration et l'écriture. Ce livre est une preuve, s'il en faut encore, que Baricco est décidément maître de l'écriture subtile.
Delphine
Avril 2016 - Traduit de l'italien par Vincent Raynaud - existe aussi en format numérique.
Le sport, ça conserve. Aganetha Smart, ancienne coureuse olympique, a atteint l'âge de 104 ans. Médaillée d'or aux Jeux olympiques d'Amsterdam en 1928, avec l'équipe canadienne, elle a surtout passé toute sa vie à courir, inlassablement, comme portée par un élan irrépressible, une force incontrôlable, ne perdant jamais le souffle. Et du souffle, ce premier roman de Carrie Snyder n'en manque pas.
Au fil des pages, la mémoire confuse de cette centenaire va livrer au lecteur ses souvenirs depuis son enfance dans la ferme familiale au Canada, ses secrets enfouis aussi, et nous révéler une vie de femme forte qui traverse de nombreux drames, très seule dans son combat pour avoir le droit de vivre au grand jour sa passion, la course.
Si Aganetha Smart est un personnage de fiction, il est fortement inspiré des pionnières de la course féminine du début du siècle dernier. Elle symbolise le combat des femmes à une époque où le sport était réservé aux hommes. C'est aux Jeux olympiques de 1928 que certaines disciplines olympiques athlétiques ont été ouvertes aux femmes... pour leur être ensuite interdites, par crainte de leur épuisement...
Le roman est intelligemment construit, l'écriture limpide et le destin d'Aganetha Smart, passionnant !
Une très bonne lecture qui donne un éclairage inédit sur la condition des femmes au long du XXe siècle.
Delphine
Mars 2016 - Traduit de l'anglais (Canada) par Karine Lalechère - existe aussi en format numérique.
Dans ce roman, Mickey, 12 ans, nous fait vivre les quelques semaines de vacances estivales qui séparent son dernier jour à l'école primaire de son entrée au collège. Nous décrit son monde, dur, avec son regard d'enfant, doux, mais pas si insouciant que cela. Car nous sommes en 1980, dans un quartier populaire de Belfast, en plein conflit entre catholiques et protestants en Irlande du Nord. Et Mickey va découvrir au long de cet été tumultueux que la vie n'est pas si facile, et qu'il est parfois nécessaire de se battre et de franchir certains limites pour aller de l'avant. Entre un père alcoolique et violent, une mère devenue rêche à force d'épuisement, un frère aîné qui semble de plus en plus proche de l'IRA, une grande soeur qui s'éloigne peu à peu du foyer et une petite soeur avec qui il va être obligé de prendre un peu de distance, Mickey se débat entre son envie de grandir d'une part, sa peur d'être différent de l'autre. Car différent, il l'est, et les redoutables bandes de jeunes du quartier auxquels il ne parvient pas à se mêler le lui font bien sentir : sensible, doux, gentil, on le traite de "petit pédé", de fille.
Avec une écriture juste et sensible, Paul Mc Veigh nous décrit son pays et nous plonge dans l'ambiance de ce quartier populaire de Belfast, avec ses émeutes, ses habitants endurcis, où la peur de mourir et l'envie furieuse de vivre se côtoient. Car sous la noirceur du quotidien, on sent l'espoir d'un monde meilleur. Il a surtout créé un personnage très attachant, qui nous touche et nous parle. Un roman décidément plein de vie.
Delphine
Mars 2016 - Traduit de l'anglais (Irlande) par Florence Lévy- Paoloni - existe aussi en format numérique.