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Ivan Jablonka signe un magnifique récit, à la frontière de plusieurs genres, pour rendre toute sa dignité à une jeune fille de 18 ans assassinée près de Pornic en janvier 2011.
Sous la photo de Laëtitia placardée d'abord comme avis de recherche puis comme illustration de nombreux reportages après la découverte de son corps, les mots sont terribles : coups, viol, meurtre, démembrement. L'histoire racontée l'est tout autant : placée avec sa sœur jumelle d'institutions en foyers,elle a perdu des parents qui ne sont pas parvenus à les protéger, elle et sa sœur, ni d'eux-mêmes ni des autres.
Ivan Jablonka, écrivain mais aussi historien, va rendre la parole, redonner la place qui lui revient à Laëtitia, à travers ses textos, ses commentaires sur les réseaux sociaux mais aussi grâce aux témoignages de ses proches, sa sœur, son père , son parrain, ses amis.
Le portrait qui se dessine est celui d'une jeune fille, bien sûr fragile, mais aussi et surtout d'une amoureuse de la vie qui s'en sortait de mieux en mieux: travail stable, amis, amours. D'elle,la France a beaucoup entendu parler parce qu'elle incarnait ce terrible sort fait aux femmes, se faire frapper, se faire violer, se faire tuer mais aussi parce que le Pouvoir, avec une majuscule, mais toujours celui des hommes, a choisi de faire de ce sort un exemple de laxisme des magistrats : son assassin est un récidiviste que la Justice n'a pas gardé sous les verrous. Nicolas Sarkozy a dénoncé avec force le manque de sévérité , engrangeant ainsi les opinions favorables des tout sécuritaires.
Laëtitia était tellement plus complexe, plus subtile, plus vivante que tous ces clichés, merci à Ivan Jablonka de nous l'avoir rendue si proche...
Véronique Gillion (ancienne libraire, toujours lectrice)
Paru en septembre 2016 - existe aussi en format numérique.
Quel plaisir, pour les aficionados d'Elizabeth George, de retrouver, dans un excellent cru, le tandem de Scotland Yard, le vicomte Linley et l'inspectrice Havers !
Au mieux de sa forme, l'auteur nous entraîne dans l'histoire, certes glauque à souhait (c'est un polar, quand même !) de Caroline, quinquagénaire haute en couleurs, mère endeuillée, assistante d'une célèbre écrivaine féministe retrouvée assassinée. Cette Caroline est horripilante mais est-elle pour autant coupable de ce crime ?
A côté de l'intrigue, finement construite, le lecteur retrouve (ou découvre) avec délectation le duo Linley, aristocrate / Havers, prolétaire assumée, leur entente, leur côté si british, l'un absolument chic, l'autre indécrottablement fish and chips...
Un régal, vous dis-je !
Véronique Gillion (ancienne libraire mais toujours lectrice)
Paru en septembre 2016, traduit de l'anglais par Isabelle Chapman - existe aussi en format numérique.
Gallimard vient de sortir une compilation de quinze portraits BD décalés mais véridiques réalisés par Pénélope Bagieu pour le blog du journal Le Monde.
Le point commun de ces portraits : ils sont tous consacrés à des femmes qui ont pris en main leur destin pour ne faire que ce qu'elles voulaient. Des femmes qui réclament le droit d'être pleinement femmes, avec leurs différences et leur identité propre, et qui ont aidé à l'émancipation de la femme, à leur manière.
Avec son mordant caractéristique et son coup de crayon hyper expressif, la culottée Pénélope Bagieu nous raconte la vie authentique de ces femmes qui ont plus ou moins marqué l'Histoire à travers les âges (certaines sont très célèbres, d'autres ont été beaucoup plus oubliées). On traverse les époques, les continents, on découvre des histoires amusantes, d'autres plus graves, on apprend plein de choses et on rit beaucoup mais on ne perd pas de vue la cause féminine qui est le fil rouge et le fer de lance de ce roman graphique. Une belle réussite !
Delphine
Paru en septembre 2016
Quelle épopée! L'histoire se déroule en 1917, dans le centre des Etats-Unis. Le pays est aux portes de la modernité, les voitures côtoient les cavaliers sur les routes, les revolvers sont encore dans toutes les poches et on n'hésite pas à dégainer. La misère est le lot quotidien d'une partie de la population, les inégalités de richesse, d'éducation sont criantes. Dans cet univers explosif socialement, trois frères (sur)vivent avec leur père en gagnant un salaire de misère en travaillant au champ pour un riche propriétaire. Fervent catholique, le père leur promet le banquet céleste après leur mort. Mais quand celui-ci s'écroule un beau matin, les fils n'ont pas vraiment envie d'attendre la rédemption finale et décident de suivre une autre voie.
Ils deviennent de vrais desperados, bien malgré eux. En voulant améliorer leurs conditions de vies, ils se retrouvent dans les embrouilles jusqu'au cou. Et, alors qu'ils sont devenus de vrais gangsters, on ne peut s'empêcher de s'attacher à eux. Ce livre est à la fois violent et drôle. Il a un côté western mais est aussi empli d'humanité, d'amour fraternel. Et c'est un magnifique portrait d'une époque. Un tout bon roman américain qui confirme que Donald Ray Pollock est un des grands romanciers américains du XXIième siècle.
Catherine M
Paru en octobre 2016, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Bruno Boudard - existe aussi en format numérique.
Drogue, violence, misère. Tel est le quotidien du ghetto de "Gaza" à Mayotte, no-man's land peuplé de migrants, de clandestins, pour la plupart des enfants abandonnés à leur sort par leurs parents. Mayotte, île de l'Océan Indien, est pourtant une colonie française. Mais la pression migratoire y est telle que beaucoup de migrants sont livrés à eux-mêmes et tentent de survivre par leurs propres moyens, dans la rue, en subissant la loi des gangs.
Moïse est un nourrisson quand sa maman l'abandonne aux soins d'une infirmière française, en mal de maternité. Elle l'élèvera avec amour, jusqu'à ce que Moïse apprenne l'histoire de ses origines. Il basculera rapidement dans l'autre monde, celui qu'il n'aurait pas dû quitter, attiré par les bandes de voyous qui sont ses frères de sang. Et y découvrira l'enfer.
D'un rythme enlevé, à l'aide d'images fortes, l'auteure malgache Nathacha Appanah nous parle de cette île qu'elle connaît bien pour y avoir habité. Dans ce roman polyphonique, les voix s'entremêlent avec puissance, celles des vivants et des morts, et toutes semblent appeler à l'aide d'un même souffle.
Un roman puissant, sombre, souvent dur, servi par une écriture dense et colorée.
Delphine
Paru en août 2016 - existe aussi en format numérique.
Miles Hyman a mis beaucoup de son talent et de son coeur à l'adaptation en BD de la nouvelle de sa grand-mère, Shirley Jackson, nouvelle qui fit grand bruit lors de sa parution en 1948 dans le New York Times. Il faut dire que la chute de ce texte était assez terrible et que beaucoup d'Américains en furent choqués à l'époque...
C'est le début de l'été, le 27 juin précisément. Les quelques familles d'un petit hameau de Nouvelle-Anglettere se préparent au rituel annuel de la loterie, avec une excitation mêlée d'appréhension. L'enjeu de la loterie ? C'est tout l'objet de l'intrigue qui sera dévoilé dans la chute finale... Mais ce que Miles Hyman a réussi à dépeindre avec brio, c'est l'ambiance des heures qui précèdent cette chute. Avec ces pages qui prennent le temps de la langueur d'un jour d'été, ces silences qui alourdissent l'ambiance peu à peu, ces grandes images figées sur l'un ou l'autre moment du jour, Miles Hyman décrit l'attente avec une efficacité redoutable. Et pour ne rien gâcher, le résultat est d'une beauté rare : les planches semblent tout droit sorties des tableaux de Denis Hopper, avec de profondes couleurs, des portraits presque picturaux, des images très fortes. La tension monte réellement jusqu'à la chute. Saisissante.
Une bande dessinée à couper le souffle...
Delphine
Paru en septembre 2016.
Découvrez la Corée du Nord à travers les yeux de Jun Sang, ce petit garçon de huit ans qui a l'immense honneur de fêter son anniversaire le même jour que Kim Jong-Il, demi-dieu et maître de la Nation. Une aubaine dans un pays où l'on ne célèbre jamais les anniversaires, à part celui de leur leader : ainsi, le jeune garçon a chaque année le sentiment que c'est lui qu'on fête...
Dans un premier temps, le petit Jun Sang, endoctriné par la propagande, n'aura de cesse de défendre sa patrie, son leader qui veille sur leur destin, ses héros de guerre, tout en haïssant leurs ennemis jurés : les "fantoches de Corée de Sud" et les "chiens d'Américains". On découvre alors avec un oeil intrigué le quotidien des enfants sous ce régime, leurs loisirs, bien maigres, leurs tâches, parfois bien lourdes et absurdes, mais aussi un grand enthousiasme propre à l'innocence de l'enfance : Jun Sang aime sincèrement et naïvement son pays.
Mais petit à petit, le regard de Jun Sang va changer, passant de l'admiration à la déception, à l'angoisse : la famine impose sa loi en Corée du Nord, la famille de Jun Sang tente de fuir, sans succès... Ils sont rattrapés et internés dans un camp de prisonniers. Sous le vernis, Jun Sang découvre le vrai visage de son pays, celui de la dictature.
Aurélien Decoudray, scénariste et journaliste de formation, parvient à créer l'ambiance, à camper ses personnages, à restituer le régime de Corée du Nord avec précision et efficacité. Le dessin sobre de Mélanie Allag, avec ses décors simples, ses visages ronds presque caricaturaux, son expressivité, nous aide à voir avec les yeux d'un enfant. Le résultat est surprenant : captivant et terrifiant à la fois. Un vrai documentaire pour tous ceux qui veulent en savoir plus sur les régimes dictatoriaux et sur la Corée du Nord.
Delphine
Août 2016
"Etunwan" ou "Celui-qui-regarde". C'est ainsi que les Indiens Sioux Oglalas baptisèrent Joseph Wallace, photographe de profession, lorsqu'ils firent sa connaissance en 1867 dans les Montagnes Rocheuses. Joseph Wallace y accompagnait une expédition scientifique chargée de faire le relevé cartographique de la région. Il y a été subjugué par l'immensité des paysages de cet Ouest américain et marqué par la rencontre avec ces tribus indiennes qui lui laissait entrevoir un autre monde que le sien, fait de traditions ancestrales et régi par les lois de la Nature.
Car il s'agit bien de la rencontre de deux mondes dont il est question dans ce roman graphique : la civilisation américaine en plein développement industriel et démographique, et la civilisation indienne, malheureusement déjà en voie de disparition. Joseph Wallace est frappé par les différences entres les deux univers et touché par le mode de vie des Indiens. Il décide de les immortaliser par la photographie, son métier. Entre 1867 et 1869, il monte plusieurs expéditions dans les Rocheuses, afin de rester en contact avec les Sioux et de mener à bien son projet. Il en ramène quantités de photographies qu'il essayera de faire exposer et publier.
L'histoire de Joseph Wallace a été imaginée par Thierry Murat. Pourtant, ce personnage de fiction paraît authentique et nous touche par son projet, son parcours et les réflexions sincères qu'il nous livre à travers ce livre narré à la première personne. On apprend aussi beaucoup sur l'histoire et la disparition des civilisations indiennes d'Amérique et sur l'histoire de la photographie.
Avec son dessin sublime dans les teintes sépia, relevé par des noirs profonds à l'encre de Chine, Thierry Murat a réussi à restituer l'ambiance en clairs-obscurs des clichés photographiques de l'époque où la photographie en était à ses premières heures. Un réel charme se dégage de ces pages aux images superbes, aux longs silences et à l'émotion palpable. Un vrai coup de coeur !
Delphine
Paru en août 2016.
Dans ce très beau roman, on suit le personnage de Wendy (13 ans), subitement confrontée à la disparition de sa mère dans les attentats du 11 septembre à Manhattan. Ayant des difficultés à continuer à vivre "comme avant", ne sachant pas comment gérer son propre deuil et celui de ses proches, elle saisit l'occasion que lui offre son père de le rejoindre en Californie. À l'autre bout du pays, elle apprendra à connaître ce père (jusque là plutôt absent, mais idéalisé par l'adolescente).
Maynard nous offre encore une fois des personnages très bien campés et une histoire remplie d'émotion, que l'on dévore avec un plaisir plein de larmes.
Hélène
Rentrée littéraire août 2016, traduit de l'américain par Isabelle D. Philippe - Existe aussi au format numérique
Le petit pays de Gaël Faye, c'est le Burundi. C'est aussi celui de Gabriel, ce garçon né dans les années 1980 de l'union d'un Français et d'une Burundaise, à Bujumbura.
A travers les yeux de cet enfant, on découvre avec plaisir le Burundi d'avant, celui du bonheur, de l'insouciance, des amitiés fortes, dans l'ambiance parfumée de son quartier qui a des allures de petit coin de paradis.
Mais on plonge aussi avec effroi dans le Burundi d'après-le-bonheur : zones d'ombres, trahisons, tensions grandissantes entre ethnies Hutus et Tutsis, jusqu'à l'horreur du génocide. Comment un enfant voit son monde basculer, passer de la douceur à la douleur.
Un texte vibrant, fort, parfois dur, inspiré du vécu de Gaël Faye, cet auteur-compositeur-interprète qui nous signe de sa plume sincère un premier roman touchant. Voilà qui ne laissera personne indifférent.
Delphine
Rentrée littéraire août 2016 - Existe aussi au format numérique
David Treuer a grandi dans une réserve indienne dans le nord du Minnesota et n’a de cesse de conter les conditions de vie des Amérindiens dans ses écrits. Roman choral, Et la vie nous emportera ne déroge pas à la règle et livre une magnifique histoire où s’entremêlent des thèmes aussi forts que le tabou de l’homosexualité, l’inégalité raciale, les amours impossibles, la guerre, ...
Eté 1942. Frankie vient passer ses dernières vacances dans la résidence estivale de ses parents, située en bordure d’une réserve indienne, avant d’intégrer l’armée. Il y retrouvera, outre ses parents (mère étouffante, père distant), Félix, le vieil indien homme à tout faire du domaine, et Billy, jeune homme métis auquel le lie une amitié très forte et particulière. A peine arrivé, un incident tragique va bouleverser leurs retrouvailles et avoir des conséquences dramatiques pour chacun des protagonistes.
Très fort, très juste dans ses descriptions des sentiments ambigüs qui animent tous ses personnages, David Treuer parvient à nous emporter dans un récit empreint de mystère et de secrets. Un roman sombre, mais non dénué de purs moments de légèreté.
Catherine D.
Paru en août 2016, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Michel Lederer - Existe aussi en format numérique
Kimiâ attend dans la salle d’attente d’un hôpital parisien et se souvient.
C’est le début d’un récit foisonnant, qui alterne les bonds dans le passé, parfois lointain, de cette famille iranienne forcée à l’exil dans les années 80, et le présent qui convoque la procréation médicalement assistée et l’homosexualité de son héroïne. A l’image de ces récits orientaux chatoyants, l’histoire que nous conte Négar Djavadi nous replonge dans la Perse luxuriante des harems, peuplés de femmes volubiles et soumises à l’autorité de leur maître, mais aussi dans l’Iran des années 70 qui verra le déclin du Shah, la révolution de 1979 et l’avènement de Khomeiny. C’est avec humour que l’auteure parsème son récit de notes de bas de page éclairant le lecteur sur l’histoire de son pays et lui éviter un recours à Wikipedia. Et c’est avec curiosité que nous découvrons, à travers le destin de la famille Sadr, l’histoire d’un pays, des ses traditions, de ses moeurs et leur évolution. Kimiâ, dont les parents sont de grands activistes opposés au régime, découvrira la France à dix ans, ce pays tant convoité et sa réalité plus sombre qu’espérée, elle s’y sentira étrangère, sera en rupture avec sa famille et cherchera refuge auprès des laissés pour compte de la société. De Paris à Berlin en passant par Bruxelles, elle se noiera dans l’alcool et le rock’n’roll, deviendra ingénieur du son pour des groupes undergound et finira par tomber amoureuse...
Voici un livre sur l’identité, l’exil, la famille, mais aussi sur la politique d’un pays qui n’en finit pas de se révolter.
Catherine D.
Août 2016 - Existe aussi en format numérique
On plonge avec délectation dans l’histoire mouvementée et romanesque de ce couple effrontément amoureux, qui va nous entraîner dans des aventures brillamment contées par Benacquista.
Lui, un braconnier, elle, une glaneuse, vont se rencontrer en plein Moyen Age et ne vont plus jamais se quitter, animés d’une pure et naïve passion amoureuse qui ne plaira ni à leurs voisins et membres de la communauté villageoise, ni même au Roi qui, faute de reproches à leur adresser, ordonnera leur mort sur le bûcher... Seuls au monde, ils n’auront de cesse de chercher à se retrouver et ainsi, de par les rencontres faites chacun de leur côté, de tisser leur propre légende. On retrouve un peu de toutes ces légendes et mythes qui façonnent nos imaginaires, de l’apprentissage de la lecture comme acte révolutionnaire à la représentation théâtrale comme catharsis d’un peuple contemporain en mal d’identification. Récit d’aventures, on traverse allègrement le temps et les époques tout comme les continents; du Moyen Age à l’époque contemporaine, de la France aux confins de l’Asie en passant par l’Amérique, ou encore d’un asile psychiatrique géorgien au palais florentin d’un prince déchu.
On ne s’ennuie pas un seul instant, tout au plus les amants contemporains reflètent-ils un amour plus détaché, peut-être bien à l’image de leur époque...
Catherine D.
Août 2016 - existe aussi en format numérique
Palerme dans les années 80, un endroit qui "a toujours été une poudrière, enculée de misère". C'est dans ce cadre que Davide Enia campe ses personnages hauts-en-couleur.
Comme l'ombre qui s'en va, c'est l'histoire de l'errance de deux hommes dans la ville de Lisbonne. L'errance de James Earl Ray d'abord, l'assassin de Martin Luther King, qui, en mai 1968, parvient à fuir les Etats-Unis sous une fausse identité et rejoint la capitale portugaise un peu par hasard, espérant rallier l'Afrique par bateau depuis son port et y disparaître. L'errance de l'auteur lui-même ensuite, qui nous raconte ses quelques jours d'évasion en 1987 dans la ville de Pessoa, afin de s'y imprégner de l'ambiance de cette petite ville pour écrire son second roman Un hiver à Lisbonne.
Le récit entremêle les trajectoires de ces deux hommes à deux époques différentes, dans des contextes bien différents, mais qui se retrouvent tous les deux à un moment charnière de leur existence, avec la volonté de se perdre pour mieux se trouver ensuite. La ville de Lisbonne y fait figure de personnage en tant que tel, avec ses ambiances, ses odeurs, ses images presque hypnotiques. Le récit est envoûtant, l'écriture ondoyante, en spirale, finit par perdre le lecteur lui-même qui se met à errer avec les personnages dans le dédale des rues de Lisbonne.
Antonio Munos Molina, fasciné par James Earl Ray, retrace avec beaucoup de précision son parcours depuis sa naissance en Louisiane, jusqu'à sa fuite en Europe après avoir assassiné Martin Luther King et essaie surtout d'entrer dans la tête de cet assassin, de comprendre ses obsessions et de combler par la fiction les zones d'ombre que l'histoire a laissées floues. Il nous livre aussi avec beaucoup de sincérité ses propres réflexions sur l'acte d'écriture, sur la création littéraire et sur le sens de la vie. Ce texte, très fort et exigent, nous porte par sa beauté hypnotique et laisse des traces.
Delphine
Paru en août 2016, traduit de l'espagnol par Philippe Bataillon - Existe aussi en format numérique.
Amos Oz est un grand écrivain israélien, partisan de la paix et de la création d'un état palestinien.
A travers ce roman, on découvre l'histoire d'Israël, on apprend pas mal de choses sur les débats qui ont précédé la création de l'état juif. Et entre les lignes, c'est aussi la question de la pertinence de la création d'un état juif qui est posée. Tout au long du livre, on va suivre Schmuel, un jeune homme, un peu en manque de repères, dans la Jérusalem des années 1950, soit quelques années après la création de l'état. Celui-ci abandonne ses études et est engagé dans une étrange maison pour faire quotidiennement la conversation à un vieil homme. On découvre rapidement que cet homme a été proche de Ben Gourion et d'autres intellectuels qui ont mené des débats lors de la création de l'état. Parallèlement, l'auteur nous parle de Judas Iscariote et propose une lecture de l'histoire différente de celle habituelle présentée. Et si Judas n'était pas le traître mais bien le plus croyant et fidèle des disciples?
C'est un roman brillant d'intelligence et d'érudition. Il remet en question des choix politiques passés, il pose des questions sur l'histoire des religions et des relations entre religions. C'est un livre aux multiples facettes qui est aussi plein d'émotion et d'amour.
Catherine M
Paru en août 2016, traduit de l'hébreu par Sylvie Cohen - existe aussi en format numérique.
En 1932, Beckomberga, près de Stockholm, ouvre ses portes.
Cet hôpital psychiatrique se veut avant tout un havre de paix, "un nouveau monde où personne ne serait laissé pour compte".
Beckomberga a marqué l'adolescence de Jackie, l'héroïne du roman, qui s'évertue à maintenir les liens avec son père, Jim, alcoolique, dévastateur et suicidaire, en lui rendant régulièrement visite. Jim est soigné par Edvard, un médecin non conventionnel, qui cherche à humaniser et à responsabiliser ses malades.
La psychiatrie a beaucoup évolué, elle a aidé ses malades à rejoindre le monde du dehors. C'est cette histoire que nous revisitons en nous plongeant dans ce roman, orchestré par chapitres courts, donnant la voix aux différents protagonistes.
Un superbe roman sur le monde marginal de la folie douce.
Véronique
Paru en août 2016, traduit du suédois par Jean-Baptiste Coursaud - existe aussi en format numérique.
Notre héros s'appelle Paul, c'est un spécialiste de la pelote basque, il a fait sa vie en Floride et revient en France à la mort de son père.
Est-il possible d'échapper à son destin, à son héritage ?
Mélancolie, humour noir, le tout servi par une écriture réjouissante. Jubilatoire tout simplement.
Véronique
Paru en août 2016 - existe aussi en format numérique.
L'inoubliable auteur du "Chagrin" persiste à faire de sa vie une oeuvre littéraire.
Cette fois, le narrateur, Augustin, subit - littéralement - un nouveau déménagement : il doit vendre sa maison, suite à son divorce, et cette catastrophe lui en rappelle une autre, vécue dans son enfance, quand les huissiers avaient chassé toute sa famille de son appartement.
"L'absente" tient du roman, du journal intime et du road movie à travers le temps et l'espace. Des rencontres improbables, des découvertes inattendues, qui n'écartent cependant pas Augustin de sa quête : explorer les blessures de l'enfance et peut être comprendre, enfin, sa mère.
Lionel Duroy nous séduit une fois de plus !
Véronique
Paru en septembre 2016 - existe aussi en format numérique.
Andreï Makine, grand auteur d'origine russe, installé en France depuis de longues années, nous emmène en Sibérie, et quelle réussite !
Nous sommes sous la dictature de Staline. Une poignée d'hommes, soldats de l'armée soviétique, est envoyée en mission à la recherche d'un fugitif échappé d'une prison sibérienne. On ne sait rien sur ce criminel, si ce n'est qu'il est un excellent marcheur et chasseur. En effet, il avance dans la Taïga pendant plusieurs semaines sans se faire rattraper par la brigade épuisée. Pavel, un des soldats impliqués dans cette poursuite, est de plus en plus intrigué par ce mystérieux personnage et sera bouleversé quand il découvrira de qui il s'agit.
Ce roman puissant nous entraîne aux confins du monde, là où l'homme n'a presque plus sa place, là où la modernité, les technologies, les civilisations ne sont quasi pas présentes. C'est un roman à la fois haletant, car nous sommes dans une chasse à l'homme, mais aussi empli de philosophie et de réflexions sur la vie et les hommes. La nature tient une place centrale puisque la Taïga est presque un personnage en soi.
Catherine M
Paru en août 2016 - existe aussi en format numérique.
POLICE, c'est d'abord une immersion dans la profession policière. C'est aussi un huis-clos et un drame qui se lit d'une traite, passionnant et bien construit. C'est encore un angle d'approche particulier pour évoquer la situation des migrants dont la demande d'asile est rejetée et qui se retrouvent escortés par trois policiers jusqu'à l'avion.
Si le personnage du migrant débouté nous bouleverse par sa trajectoire à la fois terriblement banale et à chaque fois tragique, c'est néanmoins à la vie des trois policiers d'escorte que l'auteur va ici s'intéresser : leur métier mais aussi leurs vies privées, qui s'entrelacent dans un scénario très réussi. Chacun ici est avant tout un être humain.
Parmi les qualités d'Hugo Boris, j'ai envie de souligner son talent pour camper ses personnages, nous les rendre attachants, émouvants et si réels qu'on croirait les connaître pour de bon. POLICE se lit d'une traite !
Natacha
Paru en août 2016 - existe aussi en format numérique.
Tom est un soldat britannique ambitieux, ultra motivé. Il part en zone de conflit et en reviendra salement amoché.
Probablement largement autobiographique, c'est l'histoire de Tom qu'Harry Parker va nous livrer dans ce roman, au moyen d'un procédé narratif relativement original. En effet, les multiples narrateurs de ce roman sont des objets: un casque, un garrot, un sac-à-dos, un cathéter, une chaise roulante, une bombe, une bière, etc., etc. Cette manière de raconter l'histoire tient le lecteur en haleine, car chaque début de chapitre est une petite surprise. On se demande qui va nous adresser la parole et les premières lignes ne sont pas toujours explicites à ce sujet, on tente donc de découvrir au fil du récit de qui, ou plutôt de quoi, il s'agit. Cela rend la lecture assez amusante bien que le propos du livre soit plutôt tragique.
Catherine M
Paru en août 2016, traduit de l’anglais par Christine Laferrière - existe aussi en format numérique.
Mathilde est la deuxième fille de Paulot et Odile, tenanciers du café Le Balto, cœur d'un petit village de province. Lorsque ses parents sont durement touchés par la tuberculose, la vie de la famille bascule et Mathilde tente envers et contre tout de maintenir sa famille en lien. Nous sommes dans les années 1950, c'est le début des Trente Glorieuses qui ne sont pas glorieuses pour tout le monde. En effet, c'est le début de la sécurité sociale, mais les indépendants et commerçants n'y ont pas encore droit. Et lorsque la maladie les touche, c'est la dégringolade. Mathilde sera trimbalée par la vie, passera par des familles d’accueil puis sera émancipée et vivra seule dans l'ancienne maison familiale alors que des scellés sont posés.
L'auteur dépeint magnifiquement une époque et des lieux fortement marqués par l'histoire, ainsi par exemple le sanatorium dans lequel séjournent ses parents, qui est aujourd'hui à l'abandon. L'écriture est fluide et belle. Et malgré la dureté de l'histoire, nous sommes face à un roman lumineux. Le personnage de Mathilde rayonne de rêves, d'illusions, d'envie de liberté, de courage. Quel beau roman !
Catherine M
Paru en août 2016 - existe aussi en format numérique.
Roman d'anticipation, mais pas que, Station Eleven est une exploration de la vie - avant et après le virus qui a décimé la majorité des humains - et de ce qui survit quand l'humanité a presque disparu : Shakespeare, la musique, la solidarité mais aussi la méfiance envers les autres.
L'auteur décrit le destin de plusieurs personnages: un acteur de théâtre et les femmes de sa vie; une jeune fille qui n'a presque pas connu le monde "d'avant", et les musiciens et comédiens de la troupe itinérante dont elle fait partie. Au fil de sauts dans le temps, elle nous permet de reconstituer leur biographie et les liens qui les unissent les uns aux autres, à la fois dans l'ancien monde (le nôtre) et le nouveau, en cours de reconstruction.
Le tout, magnifiquement écrit. On ne lâche pas ce livre, c'est un vrai coup de cœur !
Hélène
Paru en août 2016, traduit de l'anglais (canada) par Gerard De Cherge - existe aussi en format numérique.
L'envers des pôles nous entraîne dans la tête d'une femme bipolaire. Elle nous raconte son quotidien en hôpital psychiatrique mais revient aussi sur des épisodes familiaux qui l'ont marquée. C'est un roman qui nous permet de comprendre cette maladie, de l'appréhender d'une manière très intime et personnelle. Je le recommande aux professionnels de la santé mentale mais aux autres aussi qui, comme moi, n'y connaissent pas grand chose. C'est une lecture touchante qui ne laisse pas indifférent.
Catherine M
Paru en octobre 2015 - existe aussi en format numérique.