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Un témoignage émouvant sur un pan méconnu de l'histoire, ici, en Occident : l'internement en camps entre 1941 et 1945 de tous les habitants de nationalité ou d'origine japonaise vivant sur le sol américain. À la suite de l’attaque de Pearl Harbor par l’armée japonaise en décembre 1941, des familles entières (environ 120 000 personnes, hommes, femmes et enfants) ont été arrachés à leur vie et enfermées dans des baraquements et camps de fortune, pour la seule raison qu'ils venaient d'un pays désormais ennemi à la nation américaine.
L'histoire est racontée du point de vue d'un enfant de cinq ans, avec toute sa candeur et sa naïveté, ce qui rend le témoignage d'autant plus vibrant. Inspiré de l'histoire personnelle de George Takei (acteur, entre autres, dans la série Star Trek, et fervent défenseur des droits LGBT), ce roman graphique, par son dessin sobre aux influences manga assumées, par sa narration fluide et captivante, nous embarque dans cet épisode de l'histoire aussi sombre que révélateur de l'absurdité des guerres et de la bêtise humaine... Un livre à lire, par devoir de mémoire et pour éviter que ne se reproduisent à l'avenir les erreurs du passé.
Delphine
Paru en mai 2020. Existe au format numérique.
Ana et Zeno se sont rencontrés il y a bien longtemps. Sont tombés amoureux. Se sont perdus de vue... et retrouvés. Maintes et maintes fois. Jordi Lafebre nous raconte l'histoire de ces amants en remontant le cours du temps : chapitre après chapitre, le lecteur remonte le fil de leur histoire d'amour, jusqu'au jour de leur rencontre. Un récit tendre et malicieux, servi par le dessin ô combien chaleureux et expressif de Jordi Lafebre (dessinateur, entre autres, de l'excellente série "Les belles années"). Et cette fois, il s'est essayé au scénario, avec beaucoup de fraîcheur. Une BD pétillante, au charme fou !
Delphine
Paru en septembre 2020. Existe aussi au format numérique.
Chicago, fin des annees 1950. Charlie Rizzo, jeune garçon, retourne vivre à Chicago chez son papa Matt, suite au décès de sa mère. Il ne connaît pas bien son père, et encore moins son histoire, notamment les raisons pour lesquelles il est devenu aveugle quand il était encore jeune. Son père lui a toujours parlé d'un accident de chasse, mais ce dernier va être contraint de lui avouer la vérité : il a perdu la vue suite à un braquage à main armé auquel il a participé dans sa jeunesse.
Au long des 500 pages de ce pavé graphique, Matt va revenir sur son passé, ses dérives de jeunesse avec la mafia de Chicago, est les années qu'il a passées en prison, en compagnie de compagnons de détention qui ont marqué sa vie, et des livres...
Ce roman graphique se lit comme un récit carcéral à l'ambiance incroyable, un roman noir au suspense soutenu, une ode aux pouvoirs de la littérature et un beau témoignage de rédemption. Inspiré de faits réels (si si !), la narration est maîtrisée et inspirée (certains passages philosophiques volent carrément très haut) et le desin virtuose à la plume à l'encre de Chine contribue à créer une atmosphère unique. Un livre puissant qui marquera sans doute le 9e art.
Delphine
Paru en août 2020. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Julie Sibony. Existe aussi au format numérique.
Luke Healy, jeune Irlandais fasciné par l'Amérique, décide de se lancer dans une aventure inédite : parcourir à pied les 4240 km du Pacific Crest Trail, un sentier de randonné de l'Ouest américain qui relie la frontière mexicaine à la frontière canadienne. Il n'est pas entraîné, pas bien équipé, juste animé par son fantasme du rêve américain et prêt à se confronter à lui-même. L'expérience sera intense, aussi bien physiquement que moralement. Il vivra des émotions fortes, fera des rencontres importantes, traversera des paysages très variés depuis le Sud aride jusqu'au Nord plus montagneux, découvrira mille facettes de la société américaine, juste avant l'élection de Donald Trump. Il sera aussi sur le point de jeter l'éponde à de nombreuses reprises.
Dans ce roman graphique, Luke Healy nous raconte ce voyage et cette aventure intérieure. Son trait fin et épuré est efficace, le traitement graphique en bichromie donne une coloration particulière, son récit, qui alterne passage narratifs et dialogues, est sincère et plein d'humilité et d'autodérision. Un témoignage touchant et inspirant dans un objet graphiquement assez surprenant. A découvrir, pour tous les amateurs d'aventure et de récits initiatiques !
Delphine
Paru en août 2020.
De nos jours, ce qui compte, c'est la célébrité. Mais à l'époque, l'important, c'était de réaliser quelque chose. Et au fil des ans, nous en avons réalisé quelques-unes.
Dans ses mémoires, Debbie Harry, la chanteuse iconique du groupe Blondie, retrace sa vie tumultueuse et pose la question de savoir quel élément cacher, quel fait raconter, tout en décidant de rester honnête et de garder son attitude punk quoiqu'il arrive. Née Angela Trimble, adoptée à l'âge de 3 mois en 1945, Debbie vit une enfance heureuse auprès de ses parents adoptifs à quelques encablures de New York où elle ne tarde pas à aller tenter sa chance, son diplôme en poche. C'est alors un plongée dans le New York des années 1960-1970 et on y croise la misère, l'hyper-créativité, des dealers à la petite semaine, des artistes en devenir, et l'avènement du punk dont Debbie Harry sera une de ses plus farouches représentantes. Tout y est sale et tout y est beau, tout est possible. Elle y vivra le grand amour avec Chris Stein qui sera à la fois son amant durant 13 ans, son ami, son protecteur, et avec qui elle créera Blondie. C'est l'époque (...) où des gens vendaient des trucs cools pour presque rien. Et ça tombait bien, parce que presque rien, c’était tout ce qu’on avait, à part la jeunesse, le désir, l’amour et la musique. C'est aussi l'époque des clubs underground new yorkais, comme le CBGB's où ils donneront leurs premiers concerts et qui verra passer sur sa scène des groupes comme les Ramones, Talking Head, Patti Smith ou encore Joan Jett. Debbie nous emmène pour une longue promenade dans ces années un peu folles, aux côtés de Jean-Michel Basquiat, Andy Warhol, David Bowie, Iggy Pop, etc. Et c'est passionnant, pour tout amateur de rock, de punk, de musique ou de New York !
Debbie Harry était déterminée à atteindre son objetcif : devenir une artiste, et malgré les doutes, les excès en tous genres (elle ne cache rien de sa consommation de drogue), les tournées interminables, la fatigue inhérente à leur style de vie, les galères financières malgré les millions de disques vendus, et les coups durs endurés (cambriolage, viol, incendie de leur appartement), elle y est parvenue ! Comme lui dira beaucoup plus tard un des clients de la boutique où elle va acheter ses deux paquets de clopes bimensuels : "Tout le monde a du talent, mais persévérer et parvenir à réussir est ce qui séparer le vrai talent du simple rêveur. Vous avez accompli ce que bien peu de personnes ont réussi à faire. Vous ne vous êtes pas contentée d'y penser ou d'en rêver, vous vous êtes accrochée et vous avez surmonté tous les obstacles du difficile chemin vers le succès." Après la séparation de Blondie, Debbie Harry fera plusieurs disques en solo, tournera quelques films (avec David Cronenberg ou encore John Wauters pour ne citer qu'eux), avant que le groupe se reforme en 1999... Depuis, d'autres albums sont venus s'ajouter et leurs concerts sont toujours complets.
Excellente autobiographie, agrémentée de photos, de reproductions de dessins et créations de fans, et d'illustrations qui en font un très bel objet littéraire!
Catherine D.
Paru en octobre 2020, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Santiago Artozqui.
Au hasard et dans le désordre, Charles le Téméraire, la Bourse de Bruges, Jan Van Eyck, la guerre de Cent ans, le Parlement de Malines, les Hospices de Beaune, cela vous dit quelque chose? Oui, sans doute, mais pouvez-vous les rattacher ensemble?
Passionnant de bout en bout, Bart Van Loo passe en revue 150 ans de mariage, de festins, de meurtres, de successions, de commerces, de révoltes, de chefs d’œuvre, ... ou le destin singulier du duché de Bourgogne et de leurs ducs successifs qui rêvèrent pour les territoires qu’ils unifièrent - de Dijon à Amsterdam à leur apogée, à la fin du XVème siècle - de puissance, de grandeur et de beauté. Leurs présences et leurs actions dans les comtés et duchés qui constituent, entre autres parts, la Belgique actuelle a laissé un bon nombre de traces, souvent artistiques (mais pas seulement), que cet ouvrage nous donne envie de (re-)découvrir urgemment. Un livre à mettre sans hésiter entre les mains de tous ceux et toutes celles qui veulent apprendre, ou seulement se rappeler, ce riche et mouvementé passé.
Un coup de cœur pour ces quelques 600 pages qui peuvent se lire à la fois comme une somme de culture générale, un thriller historique et un guide touristique.
Gregory R.
Paru en octobre 2020, traduit du néerlandais par Daniel Cunin et Isabelle Rosselin. Existe aussi au format numérique.
Alternant journal intime et flashs sur l'histoire du pays, par courts chapitres, Charif Majdalani décrit le quotidien des Libanais et dénonce la corruption de la classe politique dominante. La question qu'il pose : comment en sommes-nous arrivés là ? à cet effondrement de tout le système économique ? à cette incurie de l'Etat ?
Et, comme si cela ne suffisait pas, le mardi 4 août à 18.07, une explosion de 5 secondes signe l'apocalypse dans la capitale...."Tout ce qui restait encore debout a été envoyé à terre".
Récit poignant, à ne pas manquer. Puisse le peuple libanais se relever !
Véronique
Paru en septembre 2020, aussi disponible au format numérique.
Dans les années nonante, le narrateur débarque dans la chaleur de San Cristobal, ville située près d'une jungle dense et longée par un fleuve tropical. Mystérieusement, des jeunes enfants apparaissent dans les rues de la ville, des enfants sauvages, sans attaches, qui parlent une langue qui leur est propre. D'abord inoffensifs, ils vont se mettre à piller les rues et les habitants. Qui sont ces enfants ? D'où viennent-ils ? Quelle langue parlent-ils ? Pourquoi les adultes les craignent-ils tant ? Vingt ans plus tard, le narrateur se souvient des faits et les raconte. Jusqu'à cet épisode terrifiant du supermarché.
Un livre d'une puissance folle, une atmosphère glaçante, mystérieuse et tragique, quasi irréel, qui chahute nos regards sur nos enfants et s'incruste sous la peau. À lire !
Olivier
Paru en mai 2020, traduit de l'espagnol par François Gaudry.
Un gang de femmes s'impose dans une guerre de territoires dans la ville de Manchester, entre les hommes et les différents trafics. Jusqu'au jour où Carla, leur cheffe, se fait tuer pour avoir séduit la femme d'un membre d'un gang rival, laissant orpheline une petite fille de dix ans, que les femmes auront à cœur de prendre sous leurs ailes. S'organise alors une révolte teintée de revanche, de loyauté et de sang.
Une narration haletante menée par une écriture nerveuse et une atmosphère qui cogne.
Olivier
Traduit de l'anglais par Maxime Berrée, existe aussi au format numérique.
Voici un essai qui se dévore comme un roman ! L'auteur nous entraîne dans les parcs nationaux africains. Il nous raconte leurs créations et comment depuis plus d'un demi-siècle, ils organisent et régissent la vie des Africains. Ces parcs instituent une nouvelle sorte de colonialisme qui s'organise par le biais de grandes orgnisations internationales qui ont pignon sur rue et très bonne réputation.
Un document qui claque, qui provoque, qui nous fait réfléchir. C'est le genre de texte qui nous rappelle combien le monde est complexe et combien il est indispensable de comprendre avant de juger. Un texte important !
Catherine M
Paru en septembre 2020, existe aussi en format numérique.
Pedro Correa livre ici un témoignage trés émouvant et inspirant. Docteur en sciences appliqués, il est aujourd'hui photographe et auteur, après avoir travaillé plusieurs années comme cadre supérieur dans le secteur bancaire.
Dans une langue simple et qui va droit au coeur, Pedro Correa raconte son parcours et revient sur l'histoire de sa famille. Du côté de son père, son grand-père a combattu durant la guerre d'Espagne. Son père d'abord instituteur va tout faire pour éloigner ses enfants des quartiers pauvres de Madrid et va décrocher un poste de professeur à l'école européenne de Bruxelles. Du côté maternel, beaucoup de secret et de mystère entourent l'histoire des grands-parents. Sa mère devient artiste. L'héritage familial est donc chargé d'histoire et de rêve pour les générations à venir.
Pedro Correa nous raconte alors comment se libérer des "voix" intérieures, de la pression sociale et familiale, et comment écouter son coeur et suivre sa propre voie. Un texte inspirant à plus d'un titre, et trés agréable à lire !
Paru en octobre 2020, existe aussi en format numérique.
Lisette Lombé est un autrice et artiste à découvrir sans attendre. Son dernier titre en date, Brûler, brûler, brûler, est un formidable recueil de textes poétiques et de collages qui viennent percuter notre quotidien tantôt avec douceur, tantôt avec rage. Ces textes suscitent l'émotion d'une part parce qu'ils peuvent faire écho en chacun en abordant des sujets qui nous concernent tous mais sur lesquels on met rarement des mots, d'autre part parce qu'ils nous donnent aussi accès à une réalité méconnue, à un ailleurs.
Cette autrice a également publié Black words et Vénus poética aux éditions de l'Arbre à paroles, Tenir aux éditions Maelström et La magie du burn-out aux éditions Image publique. Elle a participé au recueil collectif On ne s'excuse de rien publié aux éditions Maelström. Tous ses livres sont à lire et à relire.
Les textes de Lisette Lombé sont à la fois intimes et politiques. Pongez-y sans hésiter ! Et pour la petite histoire, Lisette Lombé vit aujourd'hui à Bruxelles mais est née et a grandi à Namur. Nous espérons bien l'accueillir à la librairie dès que cela sera possible.
Catherine M
Brûler Brûler, brûler, paru en octobre 2020, existe aussi en format numérique.
Des questions qui découlent de notions abstraites telles que destin, hasard, fatalité, chance, ou quel que soit le nom que l'on donne à cet instant sidérant où, sans crier gare, votre vie sort de ses rails et vous propulse ailleurs. Vous. Alors que tout autour de vous, des millions d'êtres humains continuent leur chemin. Pourquoi? Pourquoi est-ce vous que l'Existence choisit? Pourquoi se précipite-t-elle soudain pour vous sauver, vous détruire, vous transformer, vous punir, vous récompenser, ou juste vous frôler, vous rappelant votre petitesse au cas où vous auriez l'orgueil de l'oublier?
On lit Arène comme on regarde une série : après le premier chapitre de présentation, on est happé et on ne peut plus détourner la tête des mots qui défilent sous nos yeux.
Négar Djavadi frappe fort avec son deuxième roman dont l'action, terriblement actuelle, se déroule à Paris et met en scène des personnages de la vie quotidienne (un producteur de séries télé/web, des adolescents désoeuvrés, une jeune flic au parcours sans faute, des mères et des pères de famille sans histoire, un gourou, etc.) qui vont finir par se téléscoper à la faveur d'un événement de violence policière qui va se retrouver diffusé anonymement sur les réseaux sociaux et donner lieu à une flambée de violence... Plongez dans l'Arène, vous ne le regretterez pas !
Catherine D.
Paru en août 2020. Existe aussi au format numérique.
Vous est-il déjà arrivé d’entendre une histoire au détour d’une conversation anodine, de ne plus pouvoir cesser de la ressasser les mois qui suivent et d’enfin tout lâcher pour vous y plonger à corps perdu ? C’est exactement ce qui arriva à Kirk W. Johnson lorsqu’il entendit parler lors d’une partie de pêche à la mouche d’Edwin Rist, un jeune américain, musicien virtuose, qui en 2009 s’introduisit dans un prestigieux musée d’Histoire naturelle près de Londres pour y voler plus d’une centaine d’oiseaux entreposés là depuis parfois plus d’un siècle.
Fasciné par cette affaire, il se lance dans une palpitante enquête sur ce vol, enquête qu’il nous livre dans ce récit et qu’il replace dans un contexte historique plus large. Il s’agit là aussi, malheureusement, d’un chapitre supplémentaire sur la frénésie destructrice des hommes à vouloir accaparer tout ce que la nature peut « offrir », dont sa beauté (pour le plaisir des yeux, regardez sur internet la photo d´une mouche à saumon victorienne).
Un beau livre, avec une mise en pages emplumée, et un thriller plus véridique que… nature dans le monde des collectionneurs d'oiseaux exotiques. Lecture addictive et instructive recommandée.
Gregory R.
Paru en octobre 2020, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Doug Headline. Existe aussi au format numérique.
Je ne voulais pas être considérée comme une femme s’intéressant à la science, une femme noire s’intéressant à la science, je voulais être considérée comme une scientifique, un point c’est tout.
Gifty est une jeune chercheuse en neurologie qui préfère la compagnie de ses souris de laboratoire à toute autre compagnie humaine. Lorsque que sa mère, dépressive, vient habiter chez elle alors qu'elle est sur le point de terminer sa thèse, c'est l'occasion pour Gifty, américaine d'origine ghanéenne, de revenir doucement sur son passé et de tenter de comprendre la résonnance que celui-ci a sur son présent. Elle se livre par petits bouts et au fil de la lecture, on comprend progressivement ce qui l'a menée à s'intéresser au processus de l'addiction et de la dépression, deux mécanismes qui ont détruit sa famille : son frère Nana d'abord, le héros de son enfance, adolescent promis à un bel avenir dans le basket que la drogue anéantira; sa mère ensuite, aux croyances religieuses immenses, qui ne se remettra jamais vraiment de la disparition du fils, tandis que le père a fui et est retourné refaire sa vie au pays...
Gifty se construit comme elle peut, jeune femme noire aux pays de l'Oncle Sam, partagée entre son désir de croire en un Dieu hypothétique et le besoin vital de se réfugier dans le raisonnement scientifique, ses difficultés à exprimer ses émotions que ce soit dans ses relations amicales ou amoureuses et à exister en tant que femme et scientifique.
Voici un très beau roman intimiste qui aborde subtilement la question raciale en Amérique et les difficultés rencontrées par une famille ordinaire issue de l'immigration, à travers la relation complexe qu'entretiennent la mère et la fille tout au long de leur vie.
Mais être en vie dans le monde, chaque jour, tandis que nous recevons chaque jour davantage, tandis que la nature de ce que « nous pouvons supporter » change et que nos façons de le supporter changent également, c’est une sorte de miracle.
Catherine D.
Paru en août 2020, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anne Damour. Existe aussi au format numérique.
Voilà un ouvrage singulier et passionnant ! De manière très détaillée, presque comme une chronique, Antonio Scurati nous relate dans de courts chapitres la fulgurante ascension du fascisme ainsi que les faits et gestes de son guide, le Duce, et d’autres personnes connues ou moins connues l'ayant côtoyé. Entre ces chapitres, l’auteur a intercalé des documents d'archives -correspondances, articles de journaux, tracts, circulaires, extraits de discours, qui répondent chaque fois à ces chapitres et inversément. L’auteur fait donc dialoguer dans un style incisif réalité et fiction, un procédé littéraire qui nous tient en haleine (le roman, qui couvre la période 1919-1925 fait tout de même 800 pages).
Il faut toutefois garder à l’esprit que ce livre n’est pas à proprement parler une étude historique sur cette période. Il s'agit bien d'un roman, avec des erreurs et des approximations, avec des inventions et des suppositions, mais un roman documenté qui à sa façon fait aussi œuvre d´Histoire. Et même si les situations ne sont jamais identiques et les comparaisons entre les époques souvent boiteuses, ce livre permettra à d’autres lecteurs que ceux habitués aux études historiques de s’intéresser à ces temps sombres de l’Italie, et aussi de faire les liens qu’ils jugeront pertinents avec la politique aujourd´hui, la montée des populismes, le pouvoir et la violence, la démocratie et les élections…
Deux ou trois autres tomes devraient compléter ce premier.
Gregory R.
Paru en août 2020, traduit de l'italien par Nathalie Bauer. Existe aussi au format numérique.
Le bois de Jeroen Brouwers est un terrible roman ! Terrible par l'histoire qu'il raconte, terrible dans le style proposé, un style qui rend bien le trouble dans lequel le narrateur est plongé et son cheminement.
Nous sommes dans les années 1950 dans un monastère franciscain qui abrite un pensionnat pour garçons adolescents au Pays-Bas. Un homme laïc, et au départ engagé comme enseignant, se retrouve dans la vie monastique et revêt l'habit de moine sans avoir mûri cette décision. Petit à petit, il se trouve démis de ses fonctions d'enseignement pour se consacrer au culte. Dans ce lieu, on éduque les enfants à la dure, les brimades et violences physiques sont quotidiennes. Et depuis l'arrivée au monastère du frère Mansuetus, cela va beaucoup trop loin... Un soir, un garçon manque à l'appel.
Une lecture qui laisse une empreinte indélébile dans le coeur du lecteur et qui nous rappelle que le silence peut être une arme et que la parole a un véritable pouvoir.
Catherine M
Paru en octobre 2020. Traduit du néerlandais par Bertrand Abraham. Existe aussi en format numérique.

Andreas Malm est un militant pour le climat qui, comme d'autres auteurs, établit un lien fort entre capitalisme et crise climatique. Dans ce livre, il se fait l'observateur et l'analyste de la première phase de la pandémie de Covid-19 et, dans une première partie, il compare les réactions des gouvernements face à deux urgences, l'urgence sanitaire et l'urgence climatique et environnementale, qui diffèrent par bien des aspects. L'essai explore ensuite les liens de cause à effet entre les déforestations massives et les épidémies ou pandémies ayant démarré d'une transmission de virus d'un animal vers l'espèce humaine. Comme l'indique le titre, Malm propose enfin une stratégie qui s'appuie sur les États pour diminuer drastiquement les émissions liés aux énergies fossiles.
Cet essaie se lit rapidement, est très accessible, cite de nombreuses sources et est porté par l'énergie électrique de son auteur.
Natacha
Paru en septembre 2020. Traduit de l'anglais par Étienne Dobenesque.
En 1666, un vieil astronome prédit une éclipse totale du soleil à venir, qui plongerait le continent dans l’obscurité la plus complète l’espace de quatre secondes. Une prédiction qui surprend, non seulement parce qu’il est le seul de ses collègues à l’annoncer mais surtout parce que ce scientifique est aveugle. Intrigué, le jeune Leibniz va partir à sa rencontre. Ce livre raconte leur entrevue inédite, le dialogue des deux hommes durant les trois heures qui précèdent ladite éclipse, retraçant l’histoire du savant et de sa prédiction, à coup d’anecdotes fantasques et de digressions tantôt loufoques, tantôt interminables, souvent les deux à la fois.
Un roman subtilement drôle, tout à fait étonnant, dans un style flamboyant et (très) digressif. On se demande en permanence ce qui tient de la réalité ou de l’invention pure et dure. Une lecture exigeante, qui pose aussi de vraies questions philosophiques, sur le mode de l’absurde ou de l’anecdote, mais qui en vaut le détour !
Olivier
Paru en août 2020, traduit de l'américain par Claro. Existe aussi en version numérique.
Quelle claque que ce premier roman de Stephan Markley, le genre qui vous laisse un peu assommé une fois la dernière page achevée. Originaire de l’Ohio, Markley appartient à cette génération – il a 35 ans, qui a vu son pays basculer après le 11 septembre, une génération qui a connu la guerre, la crise des subprime, le déclin économique, la montée du populisme, l’explosion de l’usage des opioïdes,… Ohio, c’est justement l’histoire de quatre trentenaires, anciens élèves du lycée de New Canaan, qui se retrouvent par hasard réunis dans cette petite ville où ils ont grandi. Par hasard, oui mais pas tout à fait, car de bonnes raisons de revenir à la « maison », ils en ont tous les quatre : tout ce qui s’y est vécu -les amours, les addictions, les traumatismes et les mauvais choix, marque encore aujourd’hui leur vie et éclaire leur présence ce soir-là.
Ohio réussit la prouesse d’être à la fois un roman à suspens, mais également un grand roman politique. En explorant successivement le passé de chacun des protagonistes, Stephan Markley nous fait découvrir une jeunesse paumée, une Amérique déboussolée, meurtrie, prête à se laisser gouverner par des leaders qui encouragent la violence et prônent des solutions simplistes. Une claque par le contenu donc, mais aussi une claque par la qualité littéraire. Par la construction de l’intrigue et par cette écriture qu’on pourrait qualifier de magnifiquement noire, agressive et crue, mais jamais loin de la poésie non plus, qui porte au mieux le lecteur dans ce climat réaliste et sombre qu’est celui de New Canaan, Ohio.
Un premier roman (up)percutant qui demande à être apprivoisé à la lecture des première pages mais qui ne peut plus être lâché lorsque les pièces de l’intrigue se mettent progressivement et terriblement en place!
Gregory R.
Publié en août 2020, traduit de l'anglais (américain) par Charles Recoursé. Existe aussi au format numérique.
Ce roman est une toile, en cours de tissage, belle et subversive.
Nous sommes dans un grand-duché où le luxe, les cadres sous pression et les auteurs à succès cohabitent avec les migrants malmenés en attente de droit d'asile, les associations qui les soutiennent, et toute une classe moyenne sur le fil, qui réfléchit et agit.
On suit et on s'attache à plusieurs personnages, dont la trajectoire est éclairée par un texte en cours de construction, un pamphlet politique construit par un groupe de personnages qui se répartit le travail, fait oeuvre critique et reformule ce qui deviendra un manifeste anticapitaliste. C'est parce que ce texte, dont la beauté tient aussi à ce qu'on le voit se construire sous nos yeux, porte une lumière crue sur les destins des personnages du roman, qu'il a tout son intérêt et qu'il prend une dimension palpable, concrète. Les idées ne survolent pas le paysage de loin, elles se vivent et s'illustrent dans les vies qui s'entrecroisent, nous touchant au coeur.
C'est aussi grâce à cet entrecroisement de personnages que Diane Meur, bien loin d'enfoncer des portes ouvertes, s'attèle à crocheter avec soin des serrures diablement bien sécurisées.
Un roman soigné, qui fait bouger les lignes.
Natacha
Paru en août 2020.
Alice Zeniter prend ici une photo instantanée d'une grande netteté de la France de 2019, à travers le prisme de l'engagement politique, interpété de deux manières : la manière "classique" pour le personnage d'Antoine, assistant parlementaire, la manière "underground" pour le personnage de L., hackeuse militante et peut-être pourchassée dans la vraie vie.
La romancière du magnifique Art de perdre change de décor et fait oeuvre utile en documentant l'univers du web souterrain de façon passionnante et hyper accessible à ceux qui en ignorent tout, et en montrant au passage qu'une partie du monde politique le méconnaît, voire le sous-estime. Elle nous présente aussi deux personnages de sa génération, attachants, d'une belle épaisseur psychologique et formidablement "de leur temps".
Très bon roman, sur fond de gilets jaunes, de changement de société, de juste-avant-covid.
Natacha
Paru en août 2020, existe aussi au format numérique.
Aux quatre coins du globe, des jeunes aventureux aux profils variés sont sollicités et réunis autour d'un projet de grande envergure, destiné à repenser la crise climatique. Cette initiative ambitieuse sera détournée dans le but d'initier une véritable révolution climatique, quitte à parfois user de la violence.
Un roman total qui aborde des thématiques contemporaines de manière innovante, en variant les registres de langue avec brio et en parvenant à nous tenir en haleine jusqu'au bout.
Olivier
Paru en août 2020. Existe aussi en version numérique.
Emmanuel Carrère n'est pas un écrivain comme les autres, c'est sûr, entre autres choses parce qu'il n'hésite pas à se livrer tout nu même, et surtout, lorsqu’il se sent perdu et écrasé par le poids d’un moi trop envahissant, trop changeant. Alors oui, depuis longtemps, pour calmer ses démons, il pratique le yoga, la méditation. Avec succès semblait-il. Devenus à la mode aujourd’hui mais souvent pratiqués sans en connaître plus loin, Emmanuel Carrère s’était résolu il y a quelques années de là à écrire un livre « subtil et joyeux » sur le sujet. Si ce n’est qu’entretemps beaucoup de choses se sont passées dans le monde et dans la vie de l’auteur -notamment un internement en hôpital psychiatrique où une bipolarité de type 2 lui a été diagnostiquée, et que le livre a dévié de sa tonalité et, partiellement, de son intention initiale.
Parsemé de citations, d’anecdotes et d’expériences pleines d’à-propos, d'humour aussi, ce roman nous révèle alors le chemin thérapeuthique d’un homme qui essaye d'écrire sur lui-même en trichant le moins possible et qui, à travers ces écrits, cherche ce qui peut être dit de la condition humaine. Terrassés que nous sommes par celle-ci -à des degrés divers tout de même, l’auteur nous laisse finalement entrevoir l’espoir d’une vie plus apaisée par la pratique, si ce n’est comme lui de l’écriture, de toute autre discipline pouvant mener à une meilleure connaissance de soi et à la réalisation de notre désir de salut… et par l’amour aussi. Un introspection bouleversante, avec cette qualité d’écriture incroyable qui caractérise les œuvres d’Emmanuel Carrère… on ne referme le livre qu’une fois achevé !
Gregory R.
Paru en août 2020. Existe aussi au format numérique.