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Croisant les histoires d'oppression de deux peuples et plus largement, des femmes, les mêlant intimement et ce faisant, les éclairant, Nancy Huston nous offre à nouveau des personnages écorchés, pris dans les filets de la famille et de la grande histoire des dominations, qui vont parfois jusqu'à une innommable violence.
Lili Rose, jeune fille malmenée au sein d'une famille catholique, Joël, désireux d'offrir une descendance à sa mère ravagée par la perte de sa famille à Terezin, Shayna, qui se sent héritière des esclaves brutalisés et exterminés mais coupée de ses racines. Nous les voyons se débattre et nous nous attachons à leur humanité trop humaine, portés par l'ironie et la sensibilité de Nancy Huston...
Un très bon roman.
Natacha
Mars 2021
Paul Solveig, le héros (ou anti-héros) de cet excellent roman, part à la recherche d'une inconnue rencontrée sur une vieille photo en noir et blanc oubliée par le plombier tchèque sous la table de sa cuisine. Et c'est tout un pan de la vie culturelle et de l'histoire de la Moravie que nous découvrons avec lui, pour notre plus grand plaisir! Tout y est : amour, humour, désillusion, communisme, cinéma, littérature, résistance... et même les poissons chers à Ota Pavel :-)
Catherine D.
Paru en janvier 2021. Existe aussi au format numérique.
Indice des feux est un recueil de sept textes magnifiques. Sept histoires qui tissent ensemble un portrait de notre monde et de ses dérèglements. Inondations spectaculaires, disparition mystérieuse de la faune, apologie de la vitesse, de la performance… sommes-nous vraiment dans le bon ? Ces fictions nous amènent à nous poser pas mal de questions, sans tomber dans un discours moralisateur stérile. Vous aimez les nouvelles, foncez vous allez adorer. Vous ne lisez jamais de nouvelles, foncez aussi, le héros d’une de ces histoires vous touchera assurément au cœur.
Catherine M
Paru en janvier 2021
Détroit, Michigan, 2013. Ira et Sarah, policiers, sont chargés de mener l'enquête suite au meurtre d'un jeune homme blanc dans un quartier en ruines de la ville, le Brewster Douglass Project. Des meurtres, il n'en manque pas dans cette ville à très forte criminalité. Et Ira connaît bien le quartier, puisqu'il y a grandi. Mais quelle est l'identité de la victime et pourquoi sa route l'a-t-elle mené là ?
Au fil de l'enquête, Judith Perrignon déroule le fil de l'histoire de ce quartier pas comme les autres et de cette ville qui symbolise la grandeur et la décadence du rêve américain, portée pendant des décennies par la montée en puissance du capitalisme et des industries automobiles... avant son déclin, la faillite, la déroute. A l'époque du capitalisme triomphant, la main d'oeuvre de ces usines, principalement afro-américaine, trimait à des cadences infernales, travaillait à bas prix. Et ces familles étaient logées dans le Brewster Project.
Entre enquête journalistique et oeuvre de fiction, mêlant les époques, les générations, les voix, Judith Perrignon fait revivre l'atmosphère de ce quartier. Elle décrit comment le projet a été initié en 1935 par Eleanor Roosevelt, espérant apporter un semblant de confort pour l'époque à ces familles. Comment les Noirs y ont été "parqués", créant néanmoins une communauté soudée et unie. Comment le quartier a décliné, faute de rénovation, la ville toute entière tombant au fil du temps dans un déclin économique inéluctable. Le lecteur découvre la vie de ses habitants : les joies, la solidarité, mais aussi les désillusions, le racisme, les révoltes des laissés-pour-compte, la drogue et la criminalité qui grignottent du terrain. Et aussi comment la musique, celle qui fait chalouper les corps et prend aux tripes, y a joué un rôle crucial, véritable ciment qui fait tenir ensemble cette société : le blues, la soul, le jazz, joués dans les bars interlopes, attirait les foules, Blancs et Noirs, et surtout, donnait de l'espoir. Combien de talents inoubliables la mythique "Motown records", créée fin des années 1950 à Détroit, a-t-elle révélés parmi la population qui vivait dans ces quartiers ? (Les Suprêmes, entre autres, ont passé leur enfance dans les tours du Browster Project et sont des figurantes incontournables de ce roman).
Détroit, c'est tout cela à la fois. Un mélange détonnant, unique.
Judith Perrignon pose un regard acéré mais bienveillant sur toutes les personnes qui ont façonné l'histoire de cette ville, depuis les années 1930 jusqu'à nos jours.
C'est fort et passionnant.
Delphine
Paru en janvier 2021. Existe aussi au format numérique.
Enquête passionnante sur la famille Rimbaud - celle d’Arthur bien sûr, mais aussi celle de Frédéric, son frère; une famille qui n’a cessé d’effacer toute trace de ce dernier de la mythologie du génial poète afin de ne pas en altérer son éclat. Le Livre alterne des chapitres où l’auteur nous explique son enquête et d’autres où il laisse libre cours à sa plume et à son interprétation de ce que fut, au sein de cette famille obsédée par la position sociale et la réussite matérielle, la vie de Frédéric -qui n’a sans doute pas tout raté. Un vrai plaisir de lecture !
Grégory
Paru en août 2020. Aussi disponible au format numérique.
Nous sommes au milieu des années 70 en France, les idées politiques, les progrès techniques, les habitudes de consommation, de travail et de loisirs, tout change à une vitesse considérable. C’est dans ce contexte qu’Alexandre Fabrier doit reprendre seul la ferme familiale dans une vallée isolée du Lot. Que va-t-il en faire, la développer et s’endetter ? Ou essayer de garder intact ce bout de nature auquel ne semble tenir que sa nouvelle et improbable copine est-allemande? Le livre se dévore. Serge Joncour est un brillant raconteur d’histoires, on s’attache rapidement à la famille Fabrier et à cette captivante chronique de la société française (de 1975 au début des années 2000).
Grégory
Paru en août 2020. Aussi disponible en version numérique.
Rose, jeune Française qui n'a jamais connu son père, est invitée par ce dernier à Kyoto. L'homme, collectionneur d'art japonais, vient de mourir et indique comme dernière volonté dans son testament qu'il souhaite que sa fille puisse découvrir sa maison, ses proches, sa ville et ses temples. L'itinéraire est soigneusement préparé : douze temples seront visités sur douze journées, racontées en autant de chapitres qui s'ouvrent chacun par une parabole ou un texte poétique mettant en scène une fleur. Le roman nous raconte le voyage initiatique de cette jeune femme, un pèlerinage posthume sur les traces de son père. Un voyage intérieur aussi, qui sera marquant et décisif.
Muriel Barbery signe un petit bijou littéraire tant par l'écriture ciselée que par la délicatesse du sujet. Un roman court à la construction maîtrisée, sur la quête d'identité et la recherche des origines. Pour les amateurs du Japon, des fleurs et de la beauté de la langue.
Delphine
Paru en août 2020. Existe aussi au format numérique.
Lisette Lombé est un autrice et artiste à découvrir sans attendre. Son dernier titre en date, Brûler, brûler, brûler, est un formidable recueil de textes poétiques et de collages qui viennent percuter notre quotidien tantôt avec douceur, tantôt avec rage. Ces textes suscitent l'émotion d'une part parce qu'ils peuvent faire écho en chacun en abordant des sujets qui nous concernent tous mais sur lesquels on met rarement des mots, d'autre part parce qu'ils nous donnent aussi accès à une réalité méconnue, à un ailleurs.
Cette autrice a également publié Black words et Vénus poética aux éditions de l'Arbre à paroles, Tenir aux éditions Maelström et La magie du burn-out aux éditions Image publique. Elle a participé au recueil collectif On ne s'excuse de rien publié aux éditions Maelström. Tous ses livres sont à lire et à relire.
Les textes de Lisette Lombé sont à la fois intimes et politiques. Pongez-y sans hésiter ! Et pour la petite histoire, Lisette Lombé vit aujourd'hui à Bruxelles mais est née et a grandi à Namur. Nous espérons bien l'accueillir à la librairie dès que cela sera possible.
Catherine M
Brûler Brûler, brûler, paru en octobre 2020, existe aussi en format numérique.
Des questions qui découlent de notions abstraites telles que destin, hasard, fatalité, chance, ou quel que soit le nom que l'on donne à cet instant sidérant où, sans crier gare, votre vie sort de ses rails et vous propulse ailleurs. Vous. Alors que tout autour de vous, des millions d'êtres humains continuent leur chemin. Pourquoi? Pourquoi est-ce vous que l'Existence choisit? Pourquoi se précipite-t-elle soudain pour vous sauver, vous détruire, vous transformer, vous punir, vous récompenser, ou juste vous frôler, vous rappelant votre petitesse au cas où vous auriez l'orgueil de l'oublier?
On lit Arène comme on regarde une série : après le premier chapitre de présentation, on est happé et on ne peut plus détourner la tête des mots qui défilent sous nos yeux.
Négar Djavadi frappe fort avec son deuxième roman dont l'action, terriblement actuelle, se déroule à Paris et met en scène des personnages de la vie quotidienne (un producteur de séries télé/web, des adolescents désoeuvrés, une jeune flic au parcours sans faute, des mères et des pères de famille sans histoire, un gourou, etc.) qui vont finir par se téléscoper à la faveur d'un événement de violence policière qui va se retrouver diffusé anonymement sur les réseaux sociaux et donner lieu à une flambée de violence... Plongez dans l'Arène, vous ne le regretterez pas !
Catherine D.
Paru en août 2020. Existe aussi au format numérique.
Ce roman est une toile, en cours de tissage, belle et subversive.
Nous sommes dans un grand-duché où le luxe, les cadres sous pression et les auteurs à succès cohabitent avec les migrants malmenés en attente de droit d'asile, les associations qui les soutiennent, et toute une classe moyenne sur le fil, qui réfléchit et agit.
On suit et on s'attache à plusieurs personnages, dont la trajectoire est éclairée par un texte en cours de construction, un pamphlet politique construit par un groupe de personnages qui se répartit le travail, fait oeuvre critique et reformule ce qui deviendra un manifeste anticapitaliste. C'est parce que ce texte, dont la beauté tient aussi à ce qu'on le voit se construire sous nos yeux, porte une lumière crue sur les destins des personnages du roman, qu'il a tout son intérêt et qu'il prend une dimension palpable, concrète. Les idées ne survolent pas le paysage de loin, elles se vivent et s'illustrent dans les vies qui s'entrecroisent, nous touchant au coeur.
C'est aussi grâce à cet entrecroisement de personnages que Diane Meur, bien loin d'enfoncer des portes ouvertes, s'attèle à crocheter avec soin des serrures diablement bien sécurisées.
Un roman soigné, qui fait bouger les lignes.
Natacha
Paru en août 2020.
Alice Zeniter prend ici une photo instantanée d'une grande netteté de la France de 2019, à travers le prisme de l'engagement politique, interpété de deux manières : la manière "classique" pour le personnage d'Antoine, assistant parlementaire, la manière "underground" pour le personnage de L., hackeuse militante et peut-être pourchassée dans la vraie vie.
La romancière du magnifique Art de perdre change de décor et fait oeuvre utile en documentant l'univers du web souterrain de façon passionnante et hyper accessible à ceux qui en ignorent tout, et en montrant au passage qu'une partie du monde politique le méconnaît, voire le sous-estime. Elle nous présente aussi deux personnages de sa génération, attachants, d'une belle épaisseur psychologique et formidablement "de leur temps".
Très bon roman, sur fond de gilets jaunes, de changement de société, de juste-avant-covid.
Natacha
Paru en août 2020, existe aussi au format numérique.
Aux quatre coins du globe, des jeunes aventureux aux profils variés sont sollicités et réunis autour d'un projet de grande envergure, destiné à repenser la crise climatique. Cette initiative ambitieuse sera détournée dans le but d'initier une véritable révolution climatique, quitte à parfois user de la violence.
Un roman total qui aborde des thématiques contemporaines de manière innovante, en variant les registres de langue avec brio et en parvenant à nous tenir en haleine jusqu'au bout.
Olivier
Paru en août 2020. Existe aussi en version numérique.
« Il ne reste presque plus rien à La Bassée : un bourg et quelques hameaux, dont celui qu’occupent Bergogne, sa femme Marion et leur fille Ida, ainsi qu’une voisine, Christine, une artiste installée ici depuis des années. On s’active, on se prépare pour l’anniversaire de Marion, dont on va fêter les quarante ans. Mais alors que la fête se profile, des inconnus rôdent autour du hameau. »
Roman noir, polar psychologique… aucun de ces deux adjectifs n’est galvaudé ! Plus de 600 pages pour nous relater une nuit fatale dans le hameau des Trois Femmes Seules, îlot de vie abîmé et planté au milieu de nulle part. Disons-le tout de suite, ce livre est une sorte de goutte-à-goutte, vicieux et cruel. Un drame va se jouer, on le sent assez vite, mais Laurent Mauvignier prend son temps. Car c’est dans la tête de chacun des protagonistes qu’il veut nous faire plonger, c’est là qu’il donne au récit toute son ampleur, le fait se dilater dans le temps et éclaire à l'aide d'une lampe torche les recoins que certains ont voulu les plus cachés. Le texte est certes long mais aucun mot ne semble pouvoir être retiré au risque de ne plus être capable de cerner au mieux les résolutions, les doutes et les peurs des personnages, de ne plus saisir pleinement comment leurs blessures et leurs secrets, mais aussi leur amour, ont pu engendrer un tel enchainement. Un excellent roman que vous ne lacherez pas malgré son poids!
Gregory
Paru en septembre 2020. Existe aussi au format numérique.
Never(s) ets un très beau roman sur la présence et l'absence, doublé d'une subtile réflexion sur le pouvoir de l'écriture.
Etiennette et Georges se rencontrent à Casablanca en 1942, elle est enceinte d'un soldat qui l'a abandonnée et est rentré au pays, il est amoureux d'elle et sera le père de son fils Jean, sourd de naissance. Engagé volontaire, Georges part aider à la libération de la France en 1943 juste après leur mariage et sera ensuite affecté en Indochine jusqu'en 1948. Etiennette quant à elle, doit quitter le Maroc pour une petite bourgade française près de Nevers où elle sera accueillie comme une étrangère avec ses deux enfants par la famille de son mari. Ce sera donc six longues années remplies de centaines de lettres, une relation épistolaire avec ses hauts et ses bas, pour apprendre à mieux se connaître, pour se dire des choses indicibles en vrai, pour écrire le roman de leur rencontre, de leurs premières années de mariage.
Etiennette est la grand-mère de Frédérique Berthet, elle lui a légué une petite valise remplie de ces lettres dont elle n'avait jamais (never) parlé à personne. Et l'une comme l'autre, ont fait "des écritures" pour raconter cette histoire d'amour.
Magnifique de délicatesse et de profondeur des sentiments !
Catherine D.
Paru en mai 2020. Existe aussi au format numérique.
Ce livre court et intense nous parle de famille, de transmission, de fratrie, de folie, de deuil... Parfois, c’est après leur mort qu’on comprend mieux la vie de nos proches. Ce premier roman très intimiste nous emmène aussi dans les grands espaces de la Gaspésie. Un livre tout en finesse qui se lit d’une traite et qui marque les esprits.
Catherine M.
Paru en février 2020.
Une vieille maison inconfortable, battue par les vents, sur le rivage atlantique. Cette demeure autant honnie qu’aimée, Hélène l’a acquise dix ans plus tôt. Qu’y trouve-t-elle sinon les traces d’une personne autrefois aimée et celles d’une légende qui résonne en elle, réveillant une blessure d’enfance jamais cicatrisée. Cet automne, Hélène s’y rend avec la ferme intention de vendre la vieille baraque. Mais c’est sans compter sur la présence de Joe qui y a élu domicile, photographe des traces d’histoire en voie de disparition qui fait le tour des blockhaus de la région, ni sur l’arrivée intempestive de Bambi, sa chère filleule. Tout ce petit monde va bousculer ses plans, de même que la rencontre avec un certain Mr Flint et une terrible tempête.
D’envolées poétiques en répliques humoristiques, la langue d’Anne-Marie Garat est superbe.
Véronique
Paru en février 2020. Existe aussi au format numérique.
Voilà un sacré grand roman d’anticipation qui se situe dans un monde hyper connecté où tous nos déplacements sont tracés, analysés afin de nous “protéger“ et de nous proposer des expériences toujours plus proches de nos “envies“. Bref, un monde idéal... Pas si sûr ! L’État a de moins en moins de pouvoir ; les entreprises privées se chargent de toute une série de services, à commencer par l’enseignement qui est complètement privatisé. Mais dans cette société où tout est contrôlé, il se raconte que des êtres vivants échappent aux radars. S’agit-il d’une légende urbaine ? S’ils existent, ces furtifs, sont-ils extra-terrestres ? Sont-ils des formes animales ? Végétales ? Humaines ?
Une lecture exigeante, interpellante et qui amplifie la compréhension de notre monde.
Catherine M.
Paru en avril 2019. Existe aussi en version numérique.
C'est l'histoire d'un silence, du silence lié à l'indicible et à la honte. Santiago H. Amigorena, dans une écriture douce et subtile, nous livre les pensées et la vie "rêvée" de son grand-père, juif polonais émigré en Argentine dans les années 1920, laissant derrière lui sa famille, sa mère et son frère... Comment continuer à vivre une vie insouciante et pleine de vie (il aura 3 enfants avec son épouse argentine Rosita) quand l'horreur menace sa famille à l'autre bout du monde ? Comment appréhender les nouvelles qui arrivent avec des mois de décalage et qui sont quelque peu édulcorées par la censure ? Comment arriver à comprendre et à accepter l'enfermement physique dans lequel se retrouve progressivement sa mère et qui la conduira à la mort dans les camps ? Vicente, ce grand-père qu'Amigorena n'a presque pas connu, s'est dès lors lui-même enfermé dans un silence dévastateur dont son petit-fils en porte encore le poids et les traces aujourd'hui... Magnifique texte rempli de pudeur et d'émotions.
Catherine D.
Paru en août 2019. existe aussi au format numérique.
Nous sommes dans les années 1960. Par une habile mosaïque de sources, Béatrice Kahn nous fait remonter le fil de l'histoire dans ce village, par les yeux et les oreilles d'Élisabeth, quatorze ans, dont l'amie de vingt ans vient d'être retrouvée morte près du barrage et qui se cache aujourd'hui sous la table du café de la place, à l'écoute des conversations des adultes.
Roman à la construction sans faille sans que cela le prive de poésie, Les dessous montre aussi comme la guerre et les destinées individuelles peuvent tragiquement s'entrecroiser, s'enmmêler dans la confusion.
Un coup de coeur à la fois doux et empoisonné.
Natacha
Voici une très belle biographie de Magellan qui nous replonge dans l’époque des épopées marines européennes du 16e siècle et qui nous apprend que les populations vivant à l’époque dans les îles du Pacifique étaient déjà bien plus développées que ce que l’histoire nous raconte habituellement.
On croit connaitre l'histoire mais en réalité, le prisme du lieu où ce récit a été construit, raconté, transmis aux générations doit être appliqué pour démêler ce qui relève de la vérité ou de la construction sociale, de la production d'un mythe qui arrange ceux qui racontent les faits.
Une lecture qui nous voyager et réfléchir, le tout servi par une plume belle et fluide.
Catherine M
Paru en février 2020.
Aux confins de l’Europe, la Bulgarie, la Grèce et la Turquie se partagent une frontière faite de montagnes, de forêts et surtout chargée d’histoire. Aujourd’hui, des migrants africains ou venant du Moyen-Orient tentent là-bas d’entrer en Europe, alors que durant la guerre froide, des allemands de l’Est la traversaient dans l’autre sens pour rejoindre la Turquie. Ces lieux sont aussi chargés de mystères et de légendes qui se racontent de génération en génération, qui se transforment au fil du temps.
L’autrice, bulgare, parcourt ce territoire et nous raconte la vie des gens qu’elle rencontre, de leurs familles et à travers elles, l’histoire de cette région, de l’Europe. On découvre des personnages incroyables issus de populations malmenées et déplacées au gré des remous politiques. Instructif, dépaysant, passionnant !
Catherine M
Paru en février 2020. Existe aussi en format numérique.
Avec ce premier tome d'une fresque familiale qui devrait en compter trois, Leïla Slimani nous emporte dans un recit doté d'un souffle impressionnant. Elle y raconte l'histoire d'une famille franco-marocaine, inspirée de sa propre histoire familiale. Ce premier roman est consacré à la décennie 1945-1955.
En 1944, Mathilde tombe amoureuse d'Amine, jeune et beau soldat marocain venu combattre sur le front français en Alsace. Ils se marient et elle le rejoint à Meknès après la Libération. La fougueuse Mathilde rêvait d'exotisme, elle va se heurter à l'aridité du quotidien qui l'attend au Maroc. Le couple s'installe sur des terres familiales situées dans la campagne aux alentours de Meknès, érige une ferme, décide de vivre du travail de ces terres. Le labeur est harassant, les revenus maigres, l'isolement pesant, surtout pour Mathilde qui est nostalgique de la France et de l'insouciance de sa jeunesse. Deux enfants naîtront rapidement : Aicha et Sélim.
Mais le climat au Maroc est tendu, les violences envers les colons français se multiplient, le peuple marocain réclamant l'indépendance. Mathilde et Amine incarnent la mixité : elle est Française chrétienne, lui Marocain musulman, leurs enfants métissés et à mi-chemin entre les deux cultures. Une mixité bien inconfortable en ces périodes de montée du nationalisme... La notion d' "étranger" est au coeur de ce roman, le "pays des autres" est sans cesse questionné : celui des indigènes marocains et leurs coutumes étranges aux yeux de Mathilde, celui des colonisateurs français et leur arrogance envers le peuple indigène, celui des hommes qui opposent leur autorité parfois brutale aux femmes, celui des pensées d'une femme européenne comme l'est Mathilde et qui restent un mystère pour Amine... La question de la féminité est aussi sans cesse interrogée : dans cette société marocaine, mais aussi en France, quel est le devoir d'une femme, d'une mère, d'une jeune fille (la jeune Selma, soeur d'Amine y tient aussi un rôle central), quelles sont leurs libertés ?
Leïla Slimani est douée d'une grande finesse pour décrire la psychologie de ses personnages, tout en nuances. Elle est très habile pour tisser un fil narratif dense et fluide à la fois. Elle excelle dans l'art de reconstituer les ambiances colorées de ces années 1950 au Maroc, un pays écartelé entre ses traditions ancestrales et son souhait de modernité. Son écriture est à la fois précise et souple, envoûtante, on se laisse emporter au fil des pages avec beaucoup de plaisir.
Un roman passionnant, d'une grande humanité, que l'on recommande vivement et dont on attend la suite avec impatience.
Delphine
Paru en mars 2020. Existe aussi au format numérique.
Gros coup de coeur pour ce roman qui se déroule dans une cité à Marseille et dans un bidonville tout proche, occupé par des gitans sédentarisés.
Au sein d’une famille située à l’autre extrémité de l’échelle sociale si on la compare à la famille mise en scène dans Les garçons de l’été, Rebecca Lighieri met en scène un père violent et maltraitant.
Ses trois enfants tracent leur chemin entre les coups et les cris, surtout le dernier-né qui est affecté de plusieurs problèmes de santé considérés comme d’impardonnables tares par le paternel. Quant aux deux aînés, dotés d’une beauté qui fascine, il n’hésite pas à tenter d’exploiter leur apparence en les traînant de casting publicitaire en audition.
Dans ce bouleversant roman, la beauté va se loger où on ne l’attend pas, comme souvent chez Rebecca Lighieri, qui fait fleurir des éclats de lumière dans les interstices de la glauquitude.
Natacha
Janvier 2020
Lire le premier chapitre de ce livre est une expérience frappante pour toute personne qui se sent « sensibilisée » à la cause climatique et aux causes sociales… Nous serons nombreux à nous y reconnaître dans les moindres détails et cela déjà suffit à rendre ce livre particulièrement digne d’intérêt.
La suite nous plonge dans un récit d’anticipation proche, inspiré des théories dites de l’effondrement. Il nous envoie à la rencontre de personnages qui doivent, de façon soudaine, en 2022, faire face à la disparition de ce qui fait aujourd’hui le tissu de notre quotidien, dans nos pays et dans les milieux les moins précaires : énergie électrique ou autre à profusion, institutions relativement fiables qui nous prennent par la main, paix sociale, confort matériel, alimentation au bout de la rue, antidouleurs à la salle de bain et service d’urgences à moins de 15 km…
Antoinette Rychner explore, avec une inventivité parfois glaçante, plusieurs dimensions d’un effondrement de société soudain et radical. Les récits d’anticipation sont nombreux, mais celui-ci a la particularité de se situer sciemment tout tout près de nous, au point que la prise de distance fictionnelle est à peine possible.
Inconfort matériel, violences, lutte pour la survie, tentatives tantôt bancales tantôt solides de refaire société dans ces conditions tout autres...mais aussi perpétuation de la création artistique, des relations amicales complexes, des tâtonnements éducatifs… Une exploration passionnante.
Natacha
Janvier 2020