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Nicéphore Niepce et Edouard-Léon Scott de Martinville sont les inventeurs respectivement de la photographie et du phonographe; mais qui se souvient encore d'eux? Christophe Donner excelle à leur redonner vie, dans le tourbillon d'une France et d'un 19e siècle plein de promesses et d'innovations technologiques, de liberté, de passion(s) et de savoirs. Touchant, drôle et instructif, à lire !
Catherine D.
Paru en août 2018. Existe aussi au format numérique.
Il s'agit de la biographie romancée et poétique de la première femme peintre grecque, Eléni Altamura-Boukoura (1821-1900). Nous partons sur les traces de cette artiste sauvage, libre et fascinante, qui n'hésitait pas à voler les restes de bougies du pensionnat pour enfreindre l'interdit et peindre durant la nuit, ou encore à se travestir en homme pour intégrer les académies des Beaux-Arts de Rome, Naples et Florence, alors réservées aux seuls hommes. Elle pourra ainsi y assouvir sa passion pour la peinture, tout apprendre de cet art qui la prend tout entière et tomber éperdument amoureuse de celui qui la convertira au catholicisme pour pouvoir l'épouser, qui lui donnera trois enfants et l'abandonnera dix ans plus tard... De retour dans sa maison natale, elle sombre dans la mélancolie, brûle ses tableaux, entreprend de se raconter et tombe dans l'oubli collectif. C'est aussi, à travers le destin méconnu de cette artiste brillante, tout un pan de la culture grecque et de ses mythes qui nous est dévoilé, tout le long de ce 19e siècle européen jalonné de bouleversements politiques majeurs. On remercie chaleureusement les éditions Cambourakis de traduire en français ce roman important de l'auteure grecque Rhéa Galinaki !
Catherine D.
Paru en août 2018, traduit du grec par René Bouchet.
Un voyage méconnu réalisé par Frida Khalo à Paris, en 1939. Frida Khalo n'a pas encore acquis la notoriété qu'on lui connaît aujourd'hui, mais elle est invitée à montrer quelques oeuvres dans le cadre d'une exposition initiée par les surréalistes français, dont André Breton évidemment, mais aussi Pablo Picasso, Dora Maar et quelques autres. Elle rencontre Michel Petitjean, le père du narrateur, avec lequel elle va vivre une brève mais intense et passionnée relation amoureuse, au point de lui offrir en guise de cadeau d'adieu "Le Coeur", tableau sublime, intime et énigmatique. Marc Petitjean cherche à comprendre la force de cette relation et évoque tout en doucuer le quotidien parisien de cette artiste engagée, à la veille d'une guerre dévastatrice. Lumineux!
Catherine D.
Paru en août 2018.
Encore une pépite publiée par les géniales éditions Allia !
Herman Van Breda, prêtre franciscain et philosophe, est doctorant dans les années 1930 et s'intéresse à la phénoménologie d'Husserl, philosophe allemand d'origine juive qui décède en 1938. A ce moment-là, Van Breda prend conscience que les travaux d'Husserl (ses nombreuses notes et archives, et sa bibliothèque) sont en danger, vu la montée du nazisme et l'hostilité du régime vis-à-vis de tous les penseurs et scientifiques juifs. Herman Van Breda va alors se rendre chez l'épouse d'Husserl, à Fribourg, là où la majorité des ses archives sont conservées, et mettre sur pied le sauvetage de ses documents, et leur conservation jusqu'à la fin de la guerre.
C'est le récit de ce sauvetage que Van Breda rédige en 1958 et que les éditions Allia rééditent aujourd'hui dans leur très belle petite collection à 6,20€. Cela peut sembler anecdotique et peut-être pas très passionnant comme sujet... Détrompez-vous! Cela se lit d'une traite, comme un récit d'espionnage. C'est aussi un excellent portrait de l'année 1938 en Allemagne et de la montée en puissance du régime nazi. Et c'est un bel éclairage sur le danger que courent les philosophes et les penseurs dans un régime totalitaire.
Ce sauvetage a permis non seulement de créer à Louvain le Fond des Archives Husserl qui est encore aujourd'hui reconnu internationalement, mais aussi et surtout de rendre accessibles, dans l'après-guerre, les idées du philosophe Husserl, père de la phénoménologie.
Catherine
Paru en octobre 2018.
1948, Atlanta. Huit policiers "de couleur" sont, pour la première fois dans l'histoire de la ville, engagés pour intégrer le corps de police de la ville d'Atlanta. Cependant, des lois ségrégationnistes sont toujours d'application, les policiers noirs ne peuvent en effet pas rentrer dans le commissariat de police, ni travailler dans les mêmes bureaux que leurs confrères, ni avoir accès aux mêmes dossiers et aux mêmes sources d'information.
Un soir, une patrouille de policiers noirs intercepte une voiture conduite par un blanc qui vient de percuter un réverbère. A son bord, une jeune fille noire l'accompagne et il semble être violent avec elle. Une autre patrouille (de policiers blancs cette fois) arrive rapidement sur les lieux et chasse les policiers noirs pour s'occuper elle-même de cette affaire. Quelques jours plus tard, le corps sans vie d'une jeune fille est retrouvée, celle-ci est noire et personne au commissariat ne semble vouloir s'intéresser à ce qui s'apparente pourtant à un homicide. Enfin, presque personne... Car dans l'ombre, plusieurs individus vont se pencher sur cette affaire.
Ce polar très bien écrit et très bien traduit nous entraîne donc aux Etats-Unis et dresse un portrait de cette époque pas si lointaine où le racisme était décomplexé, et où des lois absurdes restreignaient fortement la liberté de certains êtres humains. C'est donc à la fois un très bon roman historique mais également un excellent polar, car l'intrigue est intéressante et bien ficelée. Un livre qui se dévore en quelques jours.
Catherine
Paru en septembre 2018, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Anne-Marie Carrière. Existe aussi en format numérique.
David Graeber, anthropologue et économiste anglais, s'intéresse depuis de longues années au monde du travail. Il avait publié il y a quelques années un grand ouvrage sur la dette qui était déjà passionnant, ainsi qu'un livre sur la bureaucratie. Ici, Graeber nous présente un travail de plusieurs années autour de la notion de "bullshit jobs", qu'on pourrait traduire en français par "jobs à la con", "jobs vides de sens". Il ne s'agit donc pas de métiers pénibles physiquement, mais bien des activités professionnelles dont on ne perçoit pas le sens, l'utilité.
Tout est parti d'un article que Graeber avait écrit sur cette question, article paru dans de nombreux journaux de par le monde et qui a suscité de multiples réactions. L'auteur a reçu suite à cette publication beaucoup de témoignages de personnes qui se retrouvaient tout à fait dans ce qui était présenté dans l'article (avocats d'affaire, agents en télémarketing, consultants, huissiers, managers, fonctionnaires,...).
Il s'est alors décidé à approfondir cette question et pendant plusieurs années, il a collecté les témoignages, a analysé les études réalisées dans plusieurs pays sur cette question, celle de l'utilité perçue de son emploi par le travailleur lui-même. Les chiffres proposés sont impressionnants, voire inquiétants, car il estime qu'en Grande-Bretagne, par exemple, 30 à 40 % des travailleurs souffrent de ce sentiment d'inutilité sociale. Dans le livre, plusieurs pistes sont proposées pour comprendre ce phénomène. En effet, comment se fait-il que nous ne travaillions pas moins qu'il y a 50 ans (l'économiste Keynes avait en effet prédit dans les années 1930 qu'à la fin du vingtième siècle, les avancées technologiques permettrait de réduire la journée de travail à 3 ou 4 heures) ? Notre monde est-il en train de produire des boulots inutiles pour nous occuper ?
Intéressant aussi de découvrir que ces boulots vides de sens ne se cantonnent pas à une certaine catégorie d'emplois, mais sont disséminés dans tous les secteurs d'activité, et à tous les niveaux de pouvoirs des entreprises et des administrations.
Voici donc un ouvrage bien actuel, tout à fait pertinent et percutant, et pour couronner le tout, écrit avec humour. Une lecture instructive et agréable.
Catherine
Paru en septembre 20187. Existe aussi en format numérique.
De l'histoire d'amour et du mariage de Sylvia Plath et Ted Hughes, on ne connaît généralement que la version de la première, abondamment détaillée dans ses lettres et ses journaux. Son époux, quant à lui, refusait de s'exprimer à son sujet après son tragique suicide, souhaitant avant tout protéger leurs deux enfants. Ce n'est qu'en 1998, quelques mois avant son propre décès, qu'il publiera Birthday Letters, un recueil de poèmes dédié à Plath. Souvent accusé d'avoir causé la mort de celle-ci, dépeint comme un époux cruel et coureur de jupons, il a stoïquement encaissé les attaques et les ragots durant trente-cinq ans.
Connie Palmen lui donne une voix dans ce roman qui se lit comme un récit, basé sur les œuvres des deux poètes et sur les nombreuses biographies qui leur ont été consacrées, et apporte une nuance bienvenue au mythe de ce couple iconique. Sous sa plume, on découvre un Ted fou amoureux de "[sa] jeune épouse", plein de compassion pour elle, sa maladie mentale et ses démons intérieurs, l'encourageant à trouver sa voix poétique. Le texte évoque leur rencontre, leur vie commune, leur complicité et leur complémentarité, sans pour autant romantiser les drames vécus par l'un et l'autre.
Une très bonne lecture à propos de deux poètes ayant marqué le XXème siècle par leur œuvre et leur vie.
Hélène
Paru en octobre 2018, traduit du néerlandais par Arlette Ounanian. Disponible aussi en version numérique.
Mary Beard, brillante spécialiste britannique du monde gréco-romain et Professeure à Cambridge (elle est notamment l'auteure de SPQR), examine dans ce manifeste les racines antiques de la misogynie et de la violence à l'égard des femmes qui s'expriment fort, qui dénoncent; qui briguent ou occupent des positions de pouvoir.
Ses exemples sont tirés de l'Histoire, de la politique contemporaine et de son propre vécu, et le texte est émaillé de références visuelles, photos ou dessins.
Comme souvent à la lecture d'un essai féministe, on est consterné.e par ce que l'on apprend et encouragé.e à ouvrir grand les yeux. Un petit livre édifiant.
Hélène
Paru en septembre 2018. Traduit par Simon Duran. Existe aussi au format numérique.
La chroniqueuse judiciaire Elise Costa rassemble un un ouvrage une cinquantaine d'histoires intrigantes liées à la littérature et aux écrivains.
Découvrez qui se cache derrière Des Cornichons au chocolat; pourquoi la jeune Anne Perry a passé cinq ans derrière les barreaux en Nouvelle-Zélande; ou encore le drôle de rituel qui rassemble annuellement, au cimetière, les admirateurs d'Edgar Allan Poe...
Ça se picore par petits bouts ou ça se dévore au coin du feu. Une lecture automnale, mystérieuse, pour les amateurs de trivia et de livres.
Hélène
Paru en octobre 2018. Existe aussi au format numérique.
Quel style ! Quel texte ! Catherine Poulain nous éblouit tant son écriture est belle, à la fois aérienne, et terreuse ; travaillée, sans être ampoulée.
Dans ce deuxième roman, deux personnages féminins sont à l'avant de la scène : Rosalinde et Mounia. Deux personnalités hors du commun, deux destins tragiques, deux âmes solitaires, deux femmes libres. Nous sommes dans le sud de la France, dans des villages agricoles où les saisonniers débarquent en fonction des récoltes et selon la main d’œuvre recherchée par les propriétaires (vendange, récolte des abricots, des olives...). Ces deux femmes font toutes les deux parties de cette horde de saisonniers qui sillonnent la campagne à la recherche d'un boulot pour quelques jours, d'un toit, et d'un bar où passer quelques heures après les longues journées de travail.
De nombreux personnages secondaires émaillent aussi ce roman, des bras cassés en grande partie, des errants. On sent que tous ces individus portent des histoires dures en eux, des secrets. Ils plongent dans le travail et l'alcool pour fuir une autre vie, une famille, un passé... et malgré la dureté de leur vie, de leurs actions, on s'attache à certains d'entre eux, on palpite avec eux, on fuit dans leurs pas, on rêve avec eux d'une vie plus douce.
Catherine Poulain nous emmène avec brio dans cet univers des ouvriers agricoles, un sujet particulièrement intéressant, et plutôt méconnu par les habitants du Nord que nous sommes (enfin moi en tout cas). On ne sort pas tout à fait indemne de cette lecture car la violence et la dureté sont bien au rendez-vous, il n'en reste pas moins que c'est un rendez-vous littéraire incontournable de cette année 2018.
Catherine M.
Paru en octobre 2018. Existe également en format numérique.
Dans ce nouveau roman, Pascal Manoukian nous montre que la lutte des classes est loin d’être terminée.
Dans une petite ville de l'Oise, dans une petite banlieue pavillonnaire, on découvre Léa, fille de Aline et Christophe, tous deux ouvriers dans des usines de la région. La famille arrive à joindre les deux bouts, est propriétaire d'une petite maison et Léa est en train de passer son bac. Or, dans la même année, les deux usines vont se restructurer et délocaliser une partie de leurs activités. Une partie des travailleurs va donc être mise à la porte. Ce genre de situation est relayé chaque semaine dans nos journaux, et ce que réussit admirablement Pascal Manoukian, c’est de nous faire vivre cette réalité depuis l’intérieur d’une famille ; une famille qui voit ses revenus diminuer fortement tout en ayant une forte conscience de ce qu’elle vit. Les parents tentent alors tant bien que mal de masquer la réalité aux enfants ; et les enfants tentent tant bien que mal de briller dans leurs études pour donner l’illusion à leurs parents qu’ils changeront de classe sociale, qu’ils gagneront mieux leur vie qu’eux, qu’ils quitteront ce ghetto...
Voici un vrai roman social qui parle de déclassement, de fracture sociale. Un livre fort qui se lit d'une traite, un livre un peu dérangeant car il nous parle d'une réalité toute proche de nous, un livre essentiel et qu'il faudrait que tous les dirigeants d'entreprise et les dirigeants européens lisent...
Nous recevons l'auteur le mardi 6 novembre à 19h30 à la librairie.
Catherine M.
Paru en août 2018. Existe aussi en format numérique.
Mona Chollet, journaliste au Monde Diplomatique et auteure de Beauté Fatale et Chez soi (que nous avions déjà beaucoup aimés), revient avec une analyse passionnante des conséquences des chasses aux sorcières européennes des 16ème et 17ème siècles sur la société contemporaine. Chollet revient sur la persécution quasiment systématique de ces femmes souvent indépendantes ou vieillissantes et sur la façon parfois déformée ou folklorique dont nous nous souvenons de ces événements. Elle souligne à quel point cette époque a marqué les représentations, dont nous sommes encore imprégné.e.s aujourd'hui, de "ce que sont les femmes".
Indépendance des femmes, institution de la maternité, peur du vieillissement des corps et mépris des formes de rationalité prenant l'intuition et l'émotivité en compte : en quatre chapitres nets, étayés, rédhibitoires, Mona Chollet "met ce monde cul par dessus tête", pour reprendre une expression qu'elle cite fort à propos et, comme lectrice, on peut avoir diablement l'impression qu'elle le remet à l'endroit ! Où du moins, qu'elle ouvre à chacun et chacune la possibilité d'y trouver sa juste place.
Cet essai se lit comme un roman et remalaxe les évidences avec maestria. Passionnant, revigorant, jubilatoire.
Hélène et Natacha
Ramïn Farhangi, après un début de carrière comme consultant dans un univers professionnel obnubilé par la croissance et la rentabilité, a changé complètement de direction et s'est mis en recherche de modèles d'instruction en phase avec sa vision du monde.
Quelques années plus tard, en 2015, il fait partie des fondateurs de l'École dynamique à Paris, qui prend pour modèle celle de Sudbury Valley aux États-Unis. Entre les deux, il a rencontré des dizaines de personnes engagées dans des écoles alternatives ou dans des mouvements qui tentent de réinventer l'école dans différents pays. Fort de ces échanges, il choisit un modèle d'école où le désir de jeu, de découvertes et d'apprentissages est au coeur et au départ de toutes les démarches, et où les enfants choisissent librement le programme de leur journée.
C'est ce qu'il nous raconte dans ce livre et c'est passionnant.
On peut certes s'interroger, au sens premier du terme c'est-à-dire sans scepticisme mais avec l'envie de comprendre, de questionner, de débattre, de chercher...s'interroger donc, sur le caractère radical des choix posés par les fondateurs de l'École dynamique comme de celle de Sudbury Valley, son modèle : une école où les enfants font ce qu'ils veulent, n'est-ce pas très libéral, n'est-on pas en mesure de se demander si les inégalités sociales déjà renforcées par l'école en Belgique comme en France, ne le sont pas encore plus dans un système de valeurs basé exclusivement sur les libres choix individuels, en toute liberté, de chaque élève ?
Néanmoins, pour tout qui veut questionner l'école et les relations éducatives en général, ce livre est un trésor et mérite d'être lu.
Tout d'abord, pour la qualité et la clarté de la synthèse faite en début de livre par Ramïn Farhangi de ce que l'on peut reprocher, non pas aux enseignants, mais à certains ingrédients majeurs encore en vigueur dans la très large majorité des écoles françaises et belges : évaluation chiffrée ou lettrée, déclencheurs de démotivation ou de dévalorisation en tous genres, travail obligatoire, transmission "verticale" des contenus, isolement de l'environnement extérieur, etc. De quoi se remettre les idées en place sans se casser la tête.
Ensuite, pour l'enthousiasme et la sincérité qui se dégagent de ces pages. Ramïn Farhangi pense à 300 à l'heure et doit écrire presque aussi vite, porté par une vision et une soif de projets qui donne envie de le suivre ou, à tout le moins, de le comprendre ! Faisant état de son parcours, il nous raconte aussi les changements de direction, les tâtonnements.
Enfin, pour l'invitation à réfléchir que suscite le caractère radical de sa position en faveur d'une liberté complète des élèves. Quand une personne défend un point de vue si opposé aux croyances les plus répandues, c'est comme un vent d'air frais dans le cerveau qui pousse à se questionner, et à regarder les choses sous un autre angle, sans perdre son esprit critique.
Septembre 2018
Natacha
Un livre très personnel et très fort qui nous fait partager l'amour de cette jeune auteure québécoise pour le Nunavik, ce "grand territoire" au Nord du Québec, où elle travaille dans le domaine de l'éducation depuis plusieurs années.
Là-bas, la vie est rude et impitoyable et le plus mauvais de ce que peut apporter la civilisation semble s'abattre sur les Inuits. Et pourtant là-bas, Eva la narratrice du roman, ne peut s'empêcher de s'y rendre chaque été, le cœur rempli de rencontres et d'amour. Un roman brut et tranchant, qui préfère s'éloigner du misérabilisme, mais pas de la réalité, pour nous faire vivre la beauté âpre du Grand Nord.
Un roman, un essai, un coup de gueule saisissant et une très belle écriture!
Gregory
Paru en 2015 au Canada
Roman qui se dévore, au rythme soutenu et à la tension constante, La vraie vie brosse le portrait d'une famille dans laquelle la fille aînée refuse dès l'enfance d'être fataliste face à l'ambiance de terreur installée par un père malheureux.
Enfants, la narratrice et son petit frère assistent à un accident choquant qui les traumatise, surtout le petit Gilles, dont les yeux cessent alors de sourire. Mais cet accident n'est peut-être pas le pire pour ces deux-là. Le pire est peut-être à l'intérieur de leur propre maison. Est-ce dans les yeux de la hyène empaillée ramenée par leur père d'une de ses expéditions de chasse ?
Avec une détermination à couper le souffle, la jeune fille déploie une énergie propre à déplacer des montagnes pour rendre à son jeune frère le rire qu'il a perdu.
Adeline Dieudonné nous tient en haleine de bout en bout et déploie un très beau sens de la formule enfantine puis adolescente, nous tirant des larmes et des sourires et nous poussant à lire ce roman sans interruption, quitte à laisser brûler le steak !
A lire, incontestablement.
Nous recevons l'auteure le mardi 4 décembre à 19h30 à la librairie.
Peter Stamm a la plume fine et concise. Ce livre, dans lequel se mélangent les temps et dans lequel la mémoire crée des correspondances inédites, se lit avec beaucoup de plaisir et une certaine délectation vertigineuse, tant la fluidité de l'écriture nous conduit dans les curieux échos entre présent et passé.
Le narrateur raconte à une certaine Lena son histoire d'amour ancienne avec Magdalena. Les deux femmes se ressemblent comme deux gouttes d'eau.
Un livre court et très bon.
Natacha
Paru en août 2018. Traduit de l'allemand par Pierre Deshusses
Antonia, photojournaliste d'une trentaine d'années reconvertie en photographe de mariage, meurt au petit matin dans un accident de voiture, éblouie par le soleil levant sur une route sinueuse corse. Ce huitième roman de Jérôme Ferrari revient sur la vie de cette jeune femme à travers les souvenirs des différents protagonistes qui l'ont connue et qui lui rendent un dernier hommage à son enterrement. L'homélie est longue, chantée par un choeur inspiré, et le prêtre n'est autre que l'oncle et parrain d'Antonia, celui qui lui offrit pour son quatorzième anniversaire son premier appareil photo, celui qui l'encouragea, malgré lui, à poursuivre sa route et à se rendre sur les champs de bataille en ex-Yougoslavie ou ailleurs.
Jérôme Ferrari nous propose une réflexion sur le pouvoir de la photographie, intimement liée à la mort, tout comme la guerre et la représentation du réel. Il aborde également, comme il l'avait déjà fait avec le philosophe Oliver Rohe dans le troublant et questionnant "A fendre le coeur le plus dur" (éditions Inculte), le caractère obscène de la représentation de la violence par la photographie, des milieux autonomistes corses des années 1980-1990 à la guerre en Irak du début des années 2000, avec un plongeon dans le passé colonial de la conquête italo-turque des années 1900 et les premières photographies de cadavres ennemis... Où se situe la liberté de représenter le monde? Antonia, devenue lasse après avoir été photo-reporter de guerre, va se lancer dans les reportages photo de mariage... Quels sont les choix qu'il nous reste lorsque tout semble vain?
C'est avec beaucoup de talent que Ferrari nous emmène à la suite d'Antonia, dont on voudrait croire que cet accident n'est pas réel et qu'elle va revenir nous montrer ses trésors cachés, toutes ces photographies oubliées au fond d'une caisse en carton... Exigeant et très beau !
Catherine D.
Paru en août 2018. Existe aussi en format numérique.
Helen croise par hasard son meilleur ami, Frank, dans une rue de Londres. Elle ne l'a pas vu depuis dix-neuf ans, depuis qu'un tragique événement a mis fin à leurs relations. C'est l'occasion pour elle de lui raconter la véritable nature de ses sentiments à son égard, en retraçant leur vie commune depuis leur rencontre à l'âge de douze ans dans une ambassade à Rome, en passant par l'appartement qu'ils partagèrent à Amsterdam et jusqu'à leur maison dans la campagne française.
Julia Kerninon nous mène d'un bout à l'autre du récit, presque dans un souffle, de son écriture délicate et incisive. On n'a pas envie de lâcher le livre avant de savoir ce qu'il est advenu de ce duo auparavant inséparable. Un très beau roman, doux et amer à la fois, sur une amitié fusionnelle, une histoire d'amour et ses conséquences dévastatrices.
Hélène
Paru en août 2018, disponible en livre numérique.
Laura Kasischke s'inspire ici d'une communauté religieuse ayant réellement existé au début du XXème siècle, en plein cœur du Michigan. Ses adeptes, vêtus de blanc, aux longs cheveux et aux longues barbes, se rassemblaient autour du charismatique Benjamin Purnell, qui leur promettait la jeunesse éternelle de leur corps après la mort. Véritable destination touristique quelques années seulement après sa création, "Eden Springs" comprenait un petit zoo, un parc d'attraction, un verger luxuriant; et se présentait presque comme un paradis sur terre... jusqu'à ce que le corps d'une jeune fille de 17 ans soit enterré en secret.
Par la voix de plusieurs personnages clés, en un court roman, l'auteure imagine les dessous de cette affaire et décrit une communauté aux allures de secte moins paradisiaque qu'il n'y paraît. Un livre troublant qu'on lit d'une traite.
Hélène
Roman inédit, paru en août 2018 et traduit de l'américain par Céline Leroy. Existe aussi au format numérique.
Vous ne verrez plus jamais un aéroport de la même manière après avoir lu ce livre !
Une femme erre dans l'aéroport de Roissy, sa mémoire flanche, pourquoi est-elle là ? Qu'a-t-elle commis pour en arriver là ?
C'est la débrouille, de même que pour des sans-abris venus y chercher un refuge.
Elle s'invente des vies, des destinées, se trouve toujours en partance pour un futur inventé.
Puis, elle rencontre Luc, qui vient tous les jours à l'arrivée du Rio-Roissy, qui revit l'attente de sa femme, jamais arrivée à destination !
Âmes perdues en survie, en reconstruction.
Un très bon roman, une intrigue originale, une belle plume.
Véronique
Isidore, onze ans, est le dernier d’une fratrie de surdoués. Ses frères et sœurs aînés sont sur le point de décrocher qui un doctorat, qui deux maîtrises simultanées, ou de composer une symphonie. L’avant-dernière, quatorze ans, est en terminale et prévoit de devenir un grand écrivain. D’ailleurs, Isidore, avec qui elle partage sa chambre, est prié de se mettre à rassembler le matériau pour sa biographie.
Il n’a, quant à lui, jamais sauté de classe, et n’est au demeurant pas très intéressé par l’école. Terre à terre, il se consacre plutôt à essayer de lier des amitiés (avec la correspondante délaissée de sa sœur, ou avec la jeune fille dépressive et désabusée qui passe les récrés à nourrir les pigeons), de comprendre comment fonctionne le monde, ou de fuguer pour partir à l’aventure. Isidore remarque des choses que sa famille ne voit pas, il pose des questions sur ce qui l’entoure tandis que ses aînés préfèrent se taire que d’admettre leur ignorance.
Lorsqu’un drame survient inopinément, Izzie/Dory devient le lien invisible entre ses frères et sœurs et leur mère, les encourageant à exprimer ce qu’ils ressentent et à faire face au monde.
Isidore et les autres est une belle fresque familiale, touchante et souvent drôle. Une excellente surprise pour cette rentrée littéraire.
Hélène
Paru en août 2018. Aussi disponible au format numérique.
Je suis devenu écrivain parce que je ne savais pas qui j'étais.
Eric Fottorino, privé de son père naturel, imagine sa mère, Lina, 17 ans, jeune fille insouciante et amoureuse, déambulant dans la ville de Nice où elle allait mettre au monde son petit garçon.
Pourquoi ce mal-être dans sa relation avec sa mère ?
Je ne comprenais pas ces sautes d'humeur, ces sautes d'amour.
Quand Lina raconte à ses fils un secret, une blessure béante, impossible à cicatriser, une fenêtre s'ouvre, qui éclaire d'un jour nouveau un passé enfoui et qui conduit à une réconciliation.
Eric Fottorino livre ce récit très personnel dans une langue magnifique.
Véronique
Revoici la plume acide, caustique, drôle et tragique de In Koli Jean Bofane. Ce nouveau roman nous entraîne au Maroc dans les pas du jeune Sese et de la belle Ichrak qui attaquent tous les deux la vie à pleine dents. Sese est un jeune Congolais qui, en fuyant le Congo, fut berné par son passeur qui le débarqua à Casablanca au lieu de le mener jusqu’en Normandie comme prévu. Qu’à cela ne tienne, c’est là-bas, au Maroc, qu’il va rouler sa bosse et nouer de nouvelles relations. Ichrak est une jeune Marocaine d’une grande beauté qui est aussi mystérieuse que débrouillarde. Elle intrigue le lecteur et les personnages secondaires du roman, elle manipule son entourage avec force alors qu’au fond, elle souffre de profondes blessures.
Tissé comme un polar, ce nouveau livre de In Koli Jean Bofane se dévore et surprend. Il nous emmène à nouveau en Afrique et sur les routes de l’exil que ses personnages empruntent. Terriblement actuel, ce roman est pourtant également universel et atemporel tant il questionne de multiples thèmes qui ont toujours traversé notre monde (les liens familiaux, les rapports homme/femme, les inégalités sociales, les migrations et le déracinement).
Bofane a l’art de parler du tragique avec humour, de dépeindre ce qui est désespérant comme ce qui est palpitant. Si vous ne le connaissez pas, c’est un auteur à découvrir assurément. Si vous avez déjà eu la chance de le lire, vous retrouverez avec plaisir son style et son art de raconter des histoires.
Nous recevons l'auteur le mardi 25 septembre à 19h30 à la librairie.
Catherine M.
Août 2018. Existe aussi en format numérique.
Avec son nouveau roman, Jon Kalman Stefansson nous emporte dans son univers à la fois âpre et poétique, sauvage et beau, à l’image de son pays, l’Islande. Comme dans ses précédents romans, l’histoire d’une famille nous est racontée dans un récit construit comme un puzzle, voyageant entre plusieurs lieux et époques, depuis les années 1950 jusqu’au début du XXIe siècle.
Sigvaldi et Helga se rencontrent dans les années 1950 à Reykjavik, vivent une passion brûlante et de leur union, naîtront deux filles, dont Asta, la cadette. Mais Helga est instable, attirée par la nuit et l’alcool, et abandonne sa famille. Sigvaldi ne peut assumer seul la charge des jeunes enfants et les confie : Asta sera recueillie par Steïnvor, une nourrice, qui lui donnera tout son amour. Malgré la tendresse de sa vieille nourrice, Asta se perd à l’adolescence et sera envoyée le temps d’un été, dans une ferme isolée dans les landes islandaises, en compagnie d’un autre adolescent, Josef. Une rencontre qui marquera la suite de son existence.
Voici les grandes lignes de ce récit qui parle d’amour, de la recherche du bonheur, de la mort, de la vie. (Rien que ça...) Stefansson nous livre aussi une description de son pays, son évolution sociale et économique sur plus d’un demi-siècle, la rudesse de son climat, la beauté de ses paysages. Asta est une saga à l’islandaise narrée par la voix si singulière de Stefansson, dans une prose poétique à la grande puissance évocatrice. Un texte magnifique à découvrir.
Delphine
Paru en août 2018, traduit de l'islandais par Eric Boury.
Phénomène éditorial très attendu du neuvième art, puisque ce roman graphique fraîchement paru en français a été récompensé Outre-Atlantique par de nombreux prix et salué par les plus grands de la BD (le culte Art Spiegelman en tête), ce livre n’en est pas moins un OVNI littéraire. Pavé de 400 pages entièrement dessiné au stylo bille avec une virtuosité à couper le souffle, le livre se présente comme le journal intime d’une jeune fille, Karen Reyes, dans le Chicago des années 60.
Karen, fillette singulière intimement convaincue d'être un loup-garou, est passionnée de dessin et fascinée par les monstres dont elle dévore les histoires dans les fanzines d’horreur ou sur le petit écran dans des films dégoulinants d’hémoglobine. Marginale, Karen n’a pas beaucoup d’amis à l’école mais est entourée de la tendresse de sa maman et de son grand frère, artiste lui aussi. Sa vie bascule quand on retrouve morte sa voisine d’immeuble et son amie, Anka, atteinte d’une balle en plein cœur, suicidée ou assassinée. La jeune fille décide alors de mener sa propre enquête en faisant ressurgir le passé trouble de cette Anka rescapée de l’Allemagne nazie.
La narration de ce livre est complexe, dense, mais on s’y retrouve toujours, malgré les nombreuses digressions, ou les retours dans le passé d’Anka. Karen nous embarque dans son récit, son ton est à la fois touchant et enjoué, comme celui d’une enfant qui révélerait tous ses secrets à son journal. Le récit est passionnant de bout en bout, palpitant et nous fait découvrir peu à peu que les monstres ne sont pas toujours ceux qu'on croit…
Emil Ferris signe une oeuvre importante, vraiment surprenante, à la fois polar, drame familial et témoignage historique. Un roman graphique particulièrement original à l’ambiance singulière qui fera encore couler beaucoup d’encre. Et quand on sait qu’il a fallu six ans à l’auteure pour arriver au bout de son œuvre, et beaucoup de courage (elle est atteinte d’une maladie provoquant une forme de paralysie), on ne peut que saluer l’exploit artistique. Seul regret : il faudra attendre le second tome pour lire le dénouement de cette histoire passionnante… Enorme coup de coeur !
Delphine
Paru en août 2018.