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Encore une pépite publiée par les géniales éditions Allia !
Herman Van Breda, prêtre franciscain et philosophe, est doctorant dans les années 1930 et s'intéresse à la phénoménologie d'Husserl, philosophe allemand d'origine juive qui décède en 1938. A ce moment-là, Van Breda prend conscience que les travaux d'Husserl (ses nombreuses notes et archives, et sa bibliothèque) sont en danger, vu la montée du nazisme et l'hostilité du régime vis-à-vis de tous les penseurs et scientifiques juifs. Herman Van Breda va alors se rendre chez l'épouse d'Husserl, à Fribourg, là où la majorité des ses archives sont conservées, et mettre sur pied le sauvetage de ses documents, et leur conservation jusqu'à la fin de la guerre.
C'est le récit de ce sauvetage que Van Breda rédige en 1958 et que les éditions Allia rééditent aujourd'hui dans leur très belle petite collection à 6,20€. Cela peut sembler anecdotique et peut-être pas très passionnant comme sujet... Détrompez-vous! Cela se lit d'une traite, comme un récit d'espionnage. C'est aussi un excellent portrait de l'année 1938 en Allemagne et de la montée en puissance du régime nazi. Et c'est un bel éclairage sur le danger que courent les philosophes et les penseurs dans un régime totalitaire.
Ce sauvetage a permis non seulement de créer à Louvain le Fond des Archives Husserl qui est encore aujourd'hui reconnu internationalement, mais aussi et surtout de rendre accessibles, dans l'après-guerre, les idées du philosophe Husserl, père de la phénoménologie.
Catherine
Paru en octobre 2018.
David Graeber, anthropologue et économiste anglais, s'intéresse depuis de longues années au monde du travail. Il avait publié il y a quelques années un grand ouvrage sur la dette qui était déjà passionnant, ainsi qu'un livre sur la bureaucratie. Ici, Graeber nous présente un travail de plusieurs années autour de la notion de "bullshit jobs", qu'on pourrait traduire en français par "jobs à la con", "jobs vides de sens". Il ne s'agit donc pas de métiers pénibles physiquement, mais bien des activités professionnelles dont on ne perçoit pas le sens, l'utilité.
Tout est parti d'un article que Graeber avait écrit sur cette question, article paru dans de nombreux journaux de par le monde et qui a suscité de multiples réactions. L'auteur a reçu suite à cette publication beaucoup de témoignages de personnes qui se retrouvaient tout à fait dans ce qui était présenté dans l'article (avocats d'affaire, agents en télémarketing, consultants, huissiers, managers, fonctionnaires,...).
Il s'est alors décidé à approfondir cette question et pendant plusieurs années, il a collecté les témoignages, a analysé les études réalisées dans plusieurs pays sur cette question, celle de l'utilité perçue de son emploi par le travailleur lui-même. Les chiffres proposés sont impressionnants, voire inquiétants, car il estime qu'en Grande-Bretagne, par exemple, 30 à 40 % des travailleurs souffrent de ce sentiment d'inutilité sociale. Dans le livre, plusieurs pistes sont proposées pour comprendre ce phénomène. En effet, comment se fait-il que nous ne travaillions pas moins qu'il y a 50 ans (l'économiste Keynes avait en effet prédit dans les années 1930 qu'à la fin du vingtième siècle, les avancées technologiques permettrait de réduire la journée de travail à 3 ou 4 heures) ? Notre monde est-il en train de produire des boulots inutiles pour nous occuper ?
Intéressant aussi de découvrir que ces boulots vides de sens ne se cantonnent pas à une certaine catégorie d'emplois, mais sont disséminés dans tous les secteurs d'activité, et à tous les niveaux de pouvoirs des entreprises et des administrations.
Voici donc un ouvrage bien actuel, tout à fait pertinent et percutant, et pour couronner le tout, écrit avec humour. Une lecture instructive et agréable.
Catherine
Paru en septembre 20187. Existe aussi en format numérique.
Mary Beard, brillante spécialiste britannique du monde gréco-romain et Professeure à Cambridge (elle est notamment l'auteure de SPQR), examine dans ce manifeste les racines antiques de la misogynie et de la violence à l'égard des femmes qui s'expriment fort, qui dénoncent; qui briguent ou occupent des positions de pouvoir.
Ses exemples sont tirés de l'Histoire, de la politique contemporaine et de son propre vécu, et le texte est émaillé de références visuelles, photos ou dessins.
Comme souvent à la lecture d'un essai féministe, on est consterné.e par ce que l'on apprend et encouragé.e à ouvrir grand les yeux. Un petit livre édifiant.
Hélène
Paru en septembre 2018. Traduit par Simon Duran. Existe aussi au format numérique.
Mona Chollet, journaliste au Monde Diplomatique et auteure de Beauté Fatale et Chez soi (que nous avions déjà beaucoup aimés), revient avec une analyse passionnante des conséquences des chasses aux sorcières européennes des 16ème et 17ème siècles sur la société contemporaine. Chollet revient sur la persécution quasiment systématique de ces femmes souvent indépendantes ou vieillissantes et sur la façon parfois déformée ou folklorique dont nous nous souvenons de ces événements. Elle souligne à quel point cette époque a marqué les représentations, dont nous sommes encore imprégné.e.s aujourd'hui, de "ce que sont les femmes".
Indépendance des femmes, institution de la maternité, peur du vieillissement des corps et mépris des formes de rationalité prenant l'intuition et l'émotivité en compte : en quatre chapitres nets, étayés, rédhibitoires, Mona Chollet "met ce monde cul par dessus tête", pour reprendre une expression qu'elle cite fort à propos et, comme lectrice, on peut avoir diablement l'impression qu'elle le remet à l'endroit ! Où du moins, qu'elle ouvre à chacun et chacune la possibilité d'y trouver sa juste place.
Cet essai se lit comme un roman et remalaxe les évidences avec maestria. Passionnant, revigorant, jubilatoire.
Hélène et Natacha
Ramïn Farhangi, après un début de carrière comme consultant dans un univers professionnel obnubilé par la croissance et la rentabilité, a changé complètement de direction et s'est mis en recherche de modèles d'instruction en phase avec sa vision du monde.
Quelques années plus tard, en 2015, il fait partie des fondateurs de l'École dynamique à Paris, qui prend pour modèle celle de Sudbury Valley aux États-Unis. Entre les deux, il a rencontré des dizaines de personnes engagées dans des écoles alternatives ou dans des mouvements qui tentent de réinventer l'école dans différents pays. Fort de ces échanges, il choisit un modèle d'école où le désir de jeu, de découvertes et d'apprentissages est au coeur et au départ de toutes les démarches, et où les enfants choisissent librement le programme de leur journée.
C'est ce qu'il nous raconte dans ce livre et c'est passionnant.
On peut certes s'interroger, au sens premier du terme c'est-à-dire sans scepticisme mais avec l'envie de comprendre, de questionner, de débattre, de chercher...s'interroger donc, sur le caractère radical des choix posés par les fondateurs de l'École dynamique comme de celle de Sudbury Valley, son modèle : une école où les enfants font ce qu'ils veulent, n'est-ce pas très libéral, n'est-on pas en mesure de se demander si les inégalités sociales déjà renforcées par l'école en Belgique comme en France, ne le sont pas encore plus dans un système de valeurs basé exclusivement sur les libres choix individuels, en toute liberté, de chaque élève ?
Néanmoins, pour tout qui veut questionner l'école et les relations éducatives en général, ce livre est un trésor et mérite d'être lu.
Tout d'abord, pour la qualité et la clarté de la synthèse faite en début de livre par Ramïn Farhangi de ce que l'on peut reprocher, non pas aux enseignants, mais à certains ingrédients majeurs encore en vigueur dans la très large majorité des écoles françaises et belges : évaluation chiffrée ou lettrée, déclencheurs de démotivation ou de dévalorisation en tous genres, travail obligatoire, transmission "verticale" des contenus, isolement de l'environnement extérieur, etc. De quoi se remettre les idées en place sans se casser la tête.
Ensuite, pour l'enthousiasme et la sincérité qui se dégagent de ces pages. Ramïn Farhangi pense à 300 à l'heure et doit écrire presque aussi vite, porté par une vision et une soif de projets qui donne envie de le suivre ou, à tout le moins, de le comprendre ! Faisant état de son parcours, il nous raconte aussi les changements de direction, les tâtonnements.
Enfin, pour l'invitation à réfléchir que suscite le caractère radical de sa position en faveur d'une liberté complète des élèves. Quand une personne défend un point de vue si opposé aux croyances les plus répandues, c'est comme un vent d'air frais dans le cerveau qui pousse à se questionner, et à regarder les choses sous un autre angle, sans perdre son esprit critique.
Septembre 2018
Natacha
Le récit, magnifique, que nous livre Philippe Lançon est d'une beauté à couper le souffle. A ceux qui y chercheraient du sensationnel, passez votre chemin. Ce texte, qui raconte la reconstruction d'un homme "mort" dans les attentats de Charlie Hebdo (janvier 2015), ne tombe jamais dans le pathos, ni dans la haine de l'autre, ni dans le narcissisme. Par contre, on y croise des femmes et des hommes exceptionnels, on y côtoie Proust, Kafka, Velasquez, Bach et les autres. Philippe Lançon nous offre une leçon d'humanité et un chef d'oeuvre de douceur, de solitude et d'(im)pudeur.
Catherine D.
Paru en avril 2018. Existe aussi au format numérique.
Le texte sera lu en grande lecture à l'Intime festival le dimanche 25 août 2019 à 18h30.
Baptiste Morizot, philosophe-pisteur, nous invite à sa suite sur la piste de grands prédateurs comme le loup, le grizzly ou encore la panthère des neiges. Et ce faisant, en "s'enforestant" (autrement dit, "en portant son attention sur le vivant simultanément autour de nous et en nous, et apprendre à cohabiter avec lui"), nous sommes conviés à repenser notre rapport au vivant, à nous replacer dans les écosystèmes, alors que nous avons habituellement tendance à nous placer à la pointe de la pyramide du vivant... A l'ère du véganisme et de l'anti-spécisme, cette lecture est fascinante et très enrichissante sur notre rapport au monde !
Catherine D.
Paru en avril 2018, collection Mondes Sauvages chez Actes Sud Nature. Existe au format numérique.
Bill Bryson revient avec un livre entièrement dédié aux événements qui se produisirent au cours de l'année 1927 aux États-Unis, et aux conséquences que ce fameux été eut sur le monde. L'historique première traversée transatlantique en avion de Charles Lindbergh, les home-runs incroyable de Babe Ruth, les bizarreries présidentielles de Calvin Coolidge, les idées de génie et la personnalité sinistre de Henry Ford et bien d'autres faits divers allant du troublant à l'absurde sont consignées dans ce livre, le tout sous la plume érudite et joyeuse de Bill Bryson. On rit et on s'étonne tout au long de cette folle histoire et, malgré quelques longueurs, c'est un régal et un admirable travail de documentation.
Hélène
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Hélène Hinfray, existe aussi en version numérique.