Lyonel Trouillot est un grand auteur haïtien qui entraîne régulièrement ses lecteurs aux confins de l'âme humaine, mais aussi, à la recherche de l'âme des lieux, des quartiers, des rues...
Dans son dernier roman, on découvre cinq "amis" (Popol, Joëlle, Sophonie, Wodné, et le narrateur) qui résident à la rue de l'Enterrement, rue qui mène au cimetière de la ville. Le lieu peut sembler misérable si l'on s'en tient aux revenus de ses habitants mais la rue abrite en réalité des gens emplis de conviction, de rêve, de soif de savoirs, des militants, des sages aussi (Man Jeanne, Le "petit professeur"). Bref des gens non moins valeureux (au contraire) que les hommes politiques ou les humanitaires qui envahissent le pays. Les cinq amis de la rue de l'Enterrement grandissent en empruntant des chemins différents qui les éloignent les uns des autres. L'une d'entre eux travaille au "Kannjawou", un mot qui signifie fête et partage dans la culture traditionnelle haïtienne mais qui est aujourd’hui le nom d'un bar branché où se retrouvent les expatriés et les nantis de l'île. Le "Kannjawou", c'est le symbole de la déroute du pays.
Dans ce pays qui souffre tant et où la frontière entre le monde des morts et celui des vivants semble toujours si ténue, quel avenir les jeunes de la rue de l'Enterrement peuvent-ils entrevoir? Trouillot nous monte qu'Haïti est pleine de ressources, que ses habitants sont prêts à prendre leur destin en main mais qu'ils sont pris en tenaille entre la corruption des hommes au pouvoir, l'aide humanitaire qui amène ses propres manières de fonctionner en empruntant à la culture locale ce qui l'arrange. Ces éléments détruisent la solidarité du peuple qui semble pourtant prêt à se battre pour son avenir.
Catherine M
Janvier 2016 - existe aussi en format numérique
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