De nombreux auteurs et autrices ont invité dans leurs livres les situations vécues par des migrant.e.s ces dernières années (amorce de liste éclectique : Pascal Manoukian, Emmanuelle Bayamack-Tam, Hugo Boris, Eva Melandri, Hakan Günday et tant d'autres).
Marie Darrieussecq le fait ici avec une honnêteté qui lui permet de venir nous chercher, nous lecteurs, au coeur de nos contradictions d'Européens et d'Européennes touché.e.s par les situations des exilé.e.s mais pas toujours prêt.e.s à sortir de leurs vies pour venir en aide ou pour interpeller face à l'indifférence. Cela fait de son livre un miroir à la fois empathique et subtilement dérangeant.
Rose vit à Paris, a un adolescent connecté, une petite fille allergique, un mari au bord du burn-out, elle travaille comme psychologue dans un centre de santé mentale. Tout ça, ça remplit une vie. La misère humaine à l'occidentale, elle connaît, et elle la côtoie de près dans son métier. Mais un métier, c'est défini, ça a des contours, on rentre chez soi le soir et on peut fermer la porte.
Au début du roman, Rose est en croisière sur la Méditerranée - un cadeau de sa mère, en cabine "juste un peu mieux que la cabine sans fenêtre". Le bateau croise une embarcation en détresse, certains passagers sont recueillis sur le paquebot, d'autres sont morts. Avant que le bateau de croisière débarque les migrants sur une vedette italienne de garde-côtes, elle rencontre le jeune Younès et lui donne le téléphone de son fils.
Le roman relate les mois qui suivent. Le téléphone a maintenu un fil possible entre Younès et Rose. Rose qui continue à vivre sa vie de française de la classe moyenne pas trop mal lotie, qui déménage, retrouve un travail, s'inquiète de l'eczéma de sa petite fille, et que, régulièrement, Younès appelle avec l'ancien téléphone de son fils.
La mer à l'envers est un excellent roman qui se lit d'une traite et dont nous ne vous révélerons pas l'issue.
Natacha
Paru en août 2019.