Je réfléchis une seconde et levai mon verre.
- Je me suis permis d'oublier que tout ça était éphémère, dis-je.
- Nous commettons tous cette erreur.

Les Ephémères est une véritable ode à l'amitié, une histoire inspirée de la propre vie de l'auteur anglais.
Ecosse, été 1986, en pleine ère Thatcher, Tully et James (Noodle de son surnom), passionnés de musique et de cinéma, sont désoeuvrés et entourés d'une bande de potes tous aussi barrés et paumés les uns que les autres. Ils réussissent à dénicher des tickets pour aller à Manchester, ville mythique pour tout amateur de musique punk rock et new wave, le temps d'un week-end de folie et d'excès en tous genres, et surtout assister aux concerts de leurs idoles The Smiths, New Order, A Certain Ratio,... qui se produisent dans un grand festival. Trente ans plus tard, James reçoit un appel de Tully qui le bouleverse. Ce dernier est malade et lui demande un immense service. C'est le début d'une autre temporalité, un temps plus lent et profond, qui nous happe et nous surprend à questionner nos propres relations d'amitié.
C'est beau, rempli d'humanité et de tendresse, grave et léger à la fois, et saupoudré de cet humour anglais (écossais pour être plus juste) qui rafraîchit même les moments les plus sombres. Let's Rock !

Catherine D. 

C'est le propre de l'être humain : chacune et chacun compose son lieu rêvé, étendant en secret les limites du possible. 

Après Les femmes aussi sont du voyage et L'Usage du thé, Lucie Azema continue de raconter le monde sous le prisme de l'ailleurs dans ce troisième opus, toujours aussi enchanteur que les précédents. Cette fois, nous partons en quête d'une contrée imaginée, rêvée, rarement trouvée, toujours idéalisée et c'est un régal de divertissement et d'érudition que de parcourir ces pages, confortablement installé.e, une tasse de thé à proximité et une carte du monde en guise de décoration au mur de notre maison. Des cartes improbables peuplées de créatures fantastiques aux cités hippies utopiques, vestiges idéalisés d'une quête infinie, en passant par le Nil, Téhéran ou l'Amazonie, du Paradis à l'Eldorado, ce n'est jamais finalement qu'une certaine idée de la liberté que tout voyageur poursuit, inlassablement. Parcourant l'histoire du voyage et de la quête de la cité idéale, de l'Antiquité aux années 1960-1970, l'autrice s'attarde plus longuement sur cette dernière période, la route des hippies, qui va véritablement démocratiser l'idée même du voyage. Un ouvrage réjouissant pour tout.e amateurice de voyages, qu'ils soient lointains, au fond du jardin ou intérieurs !

Catherine D. 

200, l'indispensable magazine français de vélo existe depuis déjà dix ans et pour fêter cela, l'équipe éditoriale a choisi dix récits de voyages parmi les centaines de sujets publiés dans plus de quarante numéros et ces reportages ne nous donnent qu'une seule envie, celle d'enfourcher notre plus beau vélo, d'y accrocher nos sacoches et de partir sans nous retourner ! Vous aurez le choix entre sillonner les îles d'Auvergne, rouler aux sons des chansons de Jean-Louis Murat, rouler sous les ailes d'un oiseau migrateur dans les Pyrénées, suivre les traces du peintre Gustave Courbet lors de son exil en Suisse, enchaîner les sept cols du Défi des 7 Majeurs entre la France et l'Italie, emprunter des sentiers de gravel en Provence, affronter la neige en Corse ou encore terminer votre périple à Sad Hill en Espagne pour y rejouer la scène finale de tout bon western qui se respecte... Il ne vous reste plus qu'à (re)découvrir ces récits bourrés d'anecdotes et d'humour, à rêver et à vous préparer pendant ces longs mois d'hiver pour votre prochain voyage. On apprécie le petit plus : chaque itinéraire propose sa trace GPX en intégralité. 
Prêts ? 1,2,3... Partez !

Catherine D. 

La beauté de l'art, c'est de passer du plus personnel au plus collectif. 
Christian Boltanski

Si vous cherchez une reproduction d'oeuvre d'art dans ce livre, passez votre chemin ! Car ce très bel ouvrage n'en recense aucune mais met en perspective le monde de l'art de façon très originale et étonnante. C'est ainsi qu'à l'aide d'infographies inventives proposées par Guillemette Crozet, l'historienne de l'art Béatrice Joyeux-Prunel propose de revisiter cette historie en six grandes classifications et s'il faut un peu s'accrocher au début, on doit bien avouer que le résultat est bluffant et nous offre un autre regard bienvenu. Ainsi, on découvrira l'impact du pétrole et l'empreinte carbone de l'art contemporain, quels en sont les stars incontestées, quels sont ses scandales et si ceux-ci sont encore vendeurs, si la rivalité entre New York et Paris tient la route, etc. Voici un ouvrage qui ne ménage pas ses efforts esthétiques et visuels pour nous en apprendre davantage et de façon détournée dans un domaine qui est en constante (r)évolution. 

Catherine D. 

Qu'elles en aient conscience ou non, ces artisanes sont des militantes : elles luttent contre les lois du marché, elles sont libres de s'exprimer, d'expérimenter, de prendre leur temps, de faire, défaire et refaire. 

Voici un magnifique ouvrage qui donne à voir le travail de dix-neuf artisanes, dix-neuf femmes passionnées par leur métier, par la transmission d'un savoir-faire, par la beauté du geste. Les photographies de Vincent Guignet et les mots de Blaise Hofmann nous montrent la rudesse d'un matériau, le fouillis protecteur d'un atelier, la précision d'une main, la profondeur d'un oeil qui sait où regarder pour agir sans faillir. Les photos sont superbes, toutes de noir et de blanc, pour mieux rendre compte de la matière à saisir, à façonner, à réparer; ces gestes répétés, inlassablement. C'est beau et un peu hors du temps, et cette pause bienvenue nous invite à réfléchir au rythme effréné de nos vies pressées, à se souvenir du sens à donner à nos tâches quotidiennes, à notre travail. 

Pour les voyageuses et voyageurs, si vous passez par la Suisse, n'hésitez pas à vous rendre à Montricher où se tient l'exposition liée à ce livre, visible jusqu'au 5 janvier 2025.

Catherine D. 

Dépassant l'injonction au "hic et nunc" - ici et maintenant - du selfie, l'artiste peut désormais s'affranchir de l'aspiration à la ressemblance accordée par la photographie pour s'orienter vers d'autres défis plastiques, sociologiques voire métaphysiques, à la recherche de l'invisible. 

Si vous pensez que l'art urbain est fait de graffiti vite fait et sans réflexion, ce livre richement illustré va vous changer les idées ! En effet, nous découvrons comment les artistes urbains se sont réapproprié l'art du portrait à l'ère du selfie à tout va, comment ils en reformulent "les cadrages, formats et mises en scène, comment ils en revisitent les différentes typologies." L'auteur, iconophile aux goûts éclectiques, propose de mettre en relation des œuvres mythiques de l'histoire de l'art, qu'elles soient picturales ou photographiques, avec des artistes urbains internationaux et cette balade à travers les genres s'avère réjouissante, instructive et passionnante !

Catherine D. 

Car, au-delà de la nostalgie ou de l'archéologie, ces vinyles de légende ne sont pas seulement des objets de collection. A leur façon, ils peuplent, plus que jamais, notre imaginaire et notre présent. 

Vinyles de légendes réjouira les fans de musique, de vinyles bien sûr et de graphisme. Thierry Jousse nous propose un ouvrage richement illustré qui nous fera voyager à travers le temps et les styles musicaux, selon une nomenclature pertinente et forcément subjective, tout au long de ces cent albums emblématiques. La première étape de cette balade musicale sera les années 1950 et le Jazz avec Chet Baker, avant de s'envoler vers la pop, la soul, le funk, le reggae, la bossa-nova, la musique du monde, le rock, le hip hop des années 1980, pour n'en citer que quelques-uns. Nous ferons également quelques haltes pour (re)découvrir le travail des artistes visuels, photographes, dessinateurs, peintres, typographes, directeurs artistiques) qui ont participé à ancrer davantage encore ces disques dans l'histoire musicale mondiale. 

Catherine D. 

Outre la soixantaine de recettes d'exception proposées dans ce magnifique ouvrage, l'intérêt de ce livre repose également sur la personnalité de ce chef pâtissier qui a grandi à Caen mais qui passait toutes ses vacances dans la ferme de ses grands-parents, dans la Manche. Son enracinement est tel que derrière chaque pâtisserie, on retrouve une histoire humaine, l'amour des produits et des hommes qui les cultivent. C'est ainsi qu'en introduction de chaque grand chapitre (Les oeufs; Le lait; La rhubarbe; Les noisettes; Les farines; Le miel; Les fruits du verger; Les herbes; Le café; Le chocolat), c'est l'histoire du producteur qui nous est contée. Et cela démontre toute la richesse du lien que Maxime Frédéric s'attache à faire ressentir dans la diversité de ses créations emblématiques : Vacherin fraises des bois pollen - Douillon - Moulin chocolat - Tarte rhubarbe au lait de brebis - Paris-Brest - Granité géranium - Tiramisù, pour n'en citer que quelques-unes.

Catherine D. 

Pour toutes celles et tous ceux qui n'auraient pas les 53 livres déjà publiés à ce jour par Marie Chioca, voici un "best-off" de ses meilleurs recettes. Vous retrouverez dans ce très bel ouvrage 200 recettes classées par saison "Printemps/Eté", puis "Automne/Hiver" (apéro, entrées, soupes, salades, plats, accompagnements), avec une dernière partie consacrée aux "Desserts et gourmandises" (gâteaux, biscuits, sorbets et autres friandises). On y retrouve donc ses recettes saines et et gourmandes, comme sa Poêlée de pain au goût de pizza, son Gratin de petit épeautre à la viande et aux épinards, sa Tarte du potager ou sa Poêlée espagnole, ou encore ses Spaghettis au pesto de cavolo nero, sa Salade la croix-rousse... Et pour terminer, on dégustera les Beignets aux pommes, les Crémets d'Anjou aux myrtilles ou encore "Le" tiramisù sans lait. Un indispensable pour la cuisine du quotidien et de fêtes !

Catherine D. 

Champ libre, c'est un livre de recettes engagées ! Celles de chefs de talent qui prônent une cuisine éthique, responsable, zéro-déchet. Les deux autrices, l'une journaliste et l'autre photographe, ont parcouru la France pendant six ans à la "rencontre de chefs engagés pour faire de la gastronomie française une gastronomie de sens et de goût qui donne enfin toute sa place aux légumes, aux légumineuses et aux céréales." La cinquantaine de recettes est classée entre "Les entrées" (Velouté de courge par Romain Meder, Carpaccio de brocoli par Paul Guény, Gaspacho de tomate par Valentin Krawczyk, Focaccia de Chloé Charles, Houmous de Laurent Cherchi), "Les plats" (Petit épeautre de David Valentin, Artichaut cuit en broche par Camille Saint-M'leux, Panais rôti de Fanny Mijon, Mille-feuille de pomme de terre par Willy Berton), et enfin "Les desserts" (Agrumes glacés de Florent Pietravalle). Voici un très beau livre, richement illustré et dont l'impression a été réalisée avec des encres végétales sur un papier issu de forêts gérées durablement. La boucle est bouclée !

Catherine D. 

Après Les boulettes de nos rêves, Déborah Dupont-Daguet réitère l'exercice, cette fois avec les pâtes. Elle propose dans cet ouvrage près d'une centaine de recettes de pâtes sèches ou fraîches, d'inspiration italienne, asiatique ou autre, en sauce, avec de la viande, du poisson ou des fuits de mer, végétariennes, en bouillon ou gratinées, ou encore en "one pot pasta"; il y en a pour tous les goûts et pour toute la famille. Sans compter que l'autrice nous gratifie d'un SAV des pâtes ratées, si malgré ses conseils de cuisson et de prépapration, quelque chose nous avait échappé... Un excellent petit livre de cuisine abordable, dont les photos nous mettent immédiatement en appétit !

Catherine D. 

Ce très joli manga tout public (on peut le lire dès 8 ans) nous propose de suivre une amitié improbable mais extrêmement touchante. Un ours solitaire, peureux et cherchant à savoir si d’autres ours existent encore, va faire la rencontre d'une corneille perdue et altruiste qui va l'aider dans sa quête. Véritable voyage initiatique, ce récit invite à la réflexion sur le dépassement de soi et de ses peurs. Plein de douceur, il nous parle d’amitié entre deux êtres solitaires.  Il y a aussi beaucoup d'humour, notamment au travers des dialogues. Quelques pointes de mélancolie et un message écologique ponctueront également ce beau voyage qui se termine en un tome.

Olivier C.

Dans le Londres victorien de la bonne société, Eden est une personnalité à part. Elle travaille pour un organisme luttant contre la maltraitance animale. Très investie, elle a transformé sa maison en véritable arche de Noé. Ses interventions vont la conduire à enquêter sur un réseau de malfaiteurs, escortée par son mari, policier, et deux gamins des rues qui ont tout de personnages de Dickens. L’ambiance victorienne est très présente mais le ton reste léger car le récit est destiné à un jeune public. De petits moments de tension maintiennent le lecteur en haleine. Un premier tome auto-conclusif mais qui laisse la porte ouverte à d’autres histoires de notre héroïne de choc.

Le classique du mois

Calvin et Hobbes est une bande dessinée américaine écrite et illustrée par Bill Watterson et qui met en scène les aventures humoristiques de Calvin, un enfant solitaire très imaginatif de six ans, et de Hobbes, son tigre en peluche sarcastique. Créée en 1985, la série s'est terminée en 1995 sur décision de son auteur. Les albums constitués de strips  (une bande de 3 ou 4 cases) décrivent le quotidien de Calvin dans une banlieue américaine. Le comique nait de la différence de vision des protagonistes : aux yeux de Calvin, sa peluche, Hobbes est une sorte de tigre anthropomorphe doué de parole et d’une personnalité propre alors que tous les autres personnages le voient comme un simple jouet. La série joue sur cette ambiguïté de double nature qui n’est volontairement jamais levée.

Calvin et Hobbes est avant tout une série humoristique qui peut être lue par un large public. C’est aussi une critique sociale et politique, à l’instar d’illustres prédécesseurs comme les Peanuts de Schulz ou Mafalda de Quino. Watterson en profite pour dénoncer la société américaine et occidentale, en particulier la société de consommation, l’assujettissement aux médias de masse et soulève des questions sociales comme l’écologisme. Calvin illustre par son comportement tous ces travers tandis que Hobbes exprime son avis, plus cynique, sur les attitudes de son jeune compagnon, se contentant aussi parfois d’écouter et de lever les yeux au ciel en signe de désapprobation.

Editée pour la première fois en France en 1991, la série recevra dès 1992 l’Alph’Art du meilleur album étranger à Angoulême pour le second tome En avant tête de thon.

Calvin et Hobbes sont devenus une nouvelle référence de la culture populaire que nous vous invitons à (re)découvrir en coffret (le 1^er de sept) à 19.90€ ou dans la série classique (24 tomes) à 12€ le volume.

Olivier C.

Les éditions Terre vivante nous proposent de faire une pause afin de contempler ce carnet botanique d’une grande fraîcheur, fruit du travail de Jo Brown, illustratrice du sud de l’Angleterre. Cette dernière, entre 2018 et 2020, a reproduit dans un carnet les dessins des merveilles de la nature qu’elle pouvait observer à deux pas de chez elle, dans son jardin, dans les bois environnants, aux détours des chemins. Y sont répertoriés des champignons, des végétaux, des insectes, des petits animaux, autant d’espèces indigènes que nous pouvons retrouver en grande partie sur notre territoire. En marge de ces illustrations d’une précision et d’une élégance rares, des informations précieuses sont annotées.

Bref, une invitation à plonger dans ce carnet petit format à l’ancienne et à l’esthétique très british, et à s’émerveiller devant la beauté de la nature de chez nous. 

Delphine

Voici un panorama vivifiant de l’exploration au féminin des pôles nord et sud de notre planète entre le XVIII^e et le XX^e siècle. Les femmes n’étaient alors pas bienvenues ni jugées aptes à participer à des explorations au long cours, surtout dans ces régions où le climat est aussi extrême. Pourtant, certaines femmes à la personnalité déterminée et à la curiosité sans bornes sont parvenues à intégrer des expéditions dans les régions polaires voire à les diriger.

Benoît Heimermann, ancien grand reporter et éditeur, revient sur le parcours hors du commun de dix femmes dont l’histoire a souvent occulté les exploits mais qui ont pourtant semé leurs petits cailloux sur la route de l’aventure en Arctique et en Antarctique. Une lecture stimulante. 

Delphine

Quel est le féminin du terme “inventeur” ? Pourquoi ce mot est-il si peu utilisé ? Il y aurait-il un lien avec le fait que beaucoup de femmes qui sont à l’origine d’inventions majeures aient été éclipsées de l’histoire ? Les autrices partent de ce constat désolant et tentent de lutter contre l’oubli en dressant le portrait de seize femmes qui ont œuvré par leurs découvertes à faire évoluer la science, la société ou l’art.

Hélène Giannecchini se glisse dans la tête de chacune de ces femmes, et leur donne voix à la première personne, livrant à l’état brut leurs réflexions, leurs ambitions, leurs doutes et leur frustration aussi. Chloé Dugit-Gros accompagne ces textes d’illustrations à l’encre de Chine, expression de gestes créatifs libres.

Le résultat est ce livre petit format, objet noir et blanc de belle facture, qui se lit avec plaisir et curiosité. 

Delphine

Les profanes et les dévots, les laïcs et les prêtres, ceux pour qui la foi se présente comme un état de fait, et ceux pour qui elle est une évidente vérité : se joue lors de ces accrochages notre rapport à l'art, à l'ordre et au sacré. 

Ce petit livre intrigant renferme des photos d'accrochages d'expositions, des photos décalées et souvent malicieuses. Il fallait de l'audace et un certain sens de la discrétion pour parvenir à capter ces moments suspendus, suspendus aussi bien pour l'oeuvre en cours d'accrochage que ce moment où tout le monde retient son souffle. Mais aussi une certaine dose de complicité avec le personnel habituellement invisible des musées et dont le travail est remarquable et indispensable à la bonne tenue de toute exposition. Cela donne un résultat surprenant et joyeux, tout en mouvement alors qu'il s'agit d'instantanés captés par le photographe Nicolas Krief qui arpente depuis plus d'une dizaine d'années les salles d'expositions des grands musées français. Le cadeau idéal qui ravira autant l'amateur d'art que le photographe amateur de belles photos prises sur le vif, à la manière d'un photographe de rue !

Catherine D. 

Voici un roman graphique d’une grande originalité qui nous propose d’appréhender un siècle d’histoire par le prisme d’un tableau.

Otto Mueller peint en 1919 « Deux filles nues », tableau qui sera acheté par un collectionneur en 1925, puis confisqué par la Gestapo en 1935 afin de rejoindre la collection que le régime nazi qualifia « d’art dégénéré » et qui fit l’objet d’une exposition. Après pas mal de tribulations, le tableau sera restitué à la famille du collectionneur avant d’être racheté par un musée.

Ce qui rend ce livre génial, c’est que l’histoire nous est racontée par la perspective même du tableau : ce que le lecteur voit passe par le regard singulier de la toile, permettant ainsi des cadrages tout à fait inhabituels. Résultat d’une enquête historique fouillée, ce roman graphique est avant tout un appel à résister à toute forme de censure... Luz, rescapé des attentats de Charlie Hebdo, avait évidemment à cœur de défendre ce point de vue.

Un ouvrage nécessaire et passionnant !

Delphine

593.
C'est pourquoi la médecine castor est une pensée du vivant, humains compris. C'est une méthode concrète pour participer en vivant humain à l'autoguérison du monde vivant. 

722.
Nous ne sommes pas de la terre, nous sommes de l'eau hantée et structurée, protégée dans des peaux - labyrinthiser l'eau en nous et hors de nous est notre plan de survie pour explorer les déserts. 

Encore une lecture essentielle qui nous est offerte par Baptiste Morizot, philosophe du vivant, et Suzanne Husky, artiste dont la pratique créative de médias mixtes est  centrée sur les relations entre l’Homme, les plantes et la terre. Ils produisent à eux deux un magnifique ouvrage, proposant 880 aphorismes ponctués de superbes aquarelles nous rappelant (mais en avions-nous seulement connaissance?) à quoi ressemblaient les rivières, celles que nous avons bétonnées et réduites à de sombres "pistes de bowling", dans le temps d'avant l'éradication d'une espèce considérée comme nuisible, à savoir le castor. Plus on tourne ces pages, plus on se demande pourquoi nous avons tant oublié le rôle essentiel de ce génial rongeur, protecteur de nos rivières et donc de l'eau, elle-même productrice de vie, sans laquelle tout se meurt. Heureusement, des solutions existent, mais il faudra du courage et de l'entêtement pour les réaliser, des solutions qui se doivent d'être à l'écoute de ces cours d'eau oubliés, et qui ont déjà fait leurs preuves, aux Etats-Unis notamment. C'est tout le combat de ces deux auteurs, dont l'action ne se limite pas à l'écriture d'un livre mais qui trouve son origine et son prolongement sur le terrain, notamment français, les pieds littéralement dans l'eau, suivant l'exemple du travail des castors "pour amplifier la vie".

Voici un livre indispensable à glisser dans les mains de tout responsable politique, comme dans celles de tout amateur de forêt, d'animaux sauvages, de cours d'eau, du vivant, d'écologie au sens le plus large du terme. Un livre positif qui veut nous reconnecter à la terre, une Terre qui ne pourra continuer à nous nourrir que si l'eau coule en elle. Brillant et passionnant !

Catherine D. 

Jérémie Moreau est un artiste à part : son dessin est virtuose, ses couleurs subjuguent, son propos engagé résonne. Il propose un conte initiatique et écologique d’une grande puissance évocatrice.

Alyte, jeune crapaud orphelin, se rend compte qu’il devra se battre pour survivre. Les amis qui feront un bout de route avec lui (Iode le saumon, Plonk le chevreau, Axon le chêne, …) finiront tous par mourir mais pour nourrir les autres vivants, faisant partie intégrante du cycle de la vie. Par contre, leur ennemi à tous est la léthalyte, cette bande de goudron assassine qui tue tous les jours, dans un cycle de destruction vain. Alors, le jeune Alyte va rejoindre la résistance, celle des Vivants, pour contrer le massacre...

L’auteur explore le monde sauvage et met en perspective avec cynisme le rapport entre l’humain et la nature. Néanmoins, par ses illustrations somptueuses, par la poésie de son texte, et par la candeur de ses personnages, il parvient à donner un souffle et invite le lecteur à entrer en résistance. Un roman graphique unique !

Delphine

Nous savons que la vie a une fin. Pourquoi faudrait-il croire que la mort dure éternellement ? 

Difficile de raconter ou d'écrire sur un roman qui rend l'indicible et l'ellipse palpables, une fresque d'une rare beauté alors qu'on y passe de guerre en guerre, de disparition en disparition, de désir en désir, d'une génération à une autre; n'est pas Anne Michaels qui veut. Etreintes laisse une trace indélébile sur son/sa lecteur/lectrice, chaque page contient une phrase qui nous immobilise par sa justesse et son évidence, et si la chronologie d'apparence désordonnée nous donne le tournis, c'est pour mieux nous faire ressentir le poids des vivants et des morts, l'amour par-delà le monde sensible, le désir permanent au coeur du tourbillon des guerres incessantes, le charme d'un instant suspendu. Tout simplement m.a.g.n.i.f.i.q.u.e !

Ce qu'on donne ne peut pas nous être enlevé. 

Un grand merci à Dominique Fortier qui a superbement traduit ce texte impalpable.

Catherine D. 

Voici le deuxième livre de Quentin Jardon, et sa première oeuvre de fiction. L'auteur est journaliste, fondateur et rédacteur en chef adjoint du magazine Wilfried, il avait déjà publié chez Gallimard le livre Alexandria, une enquête aux origines du web. Avec ce deuxième livre, on part du côté du roman pour plonger dans la vie d’un jeune adulte, devenu père récemment, et qui tente de se faire un trou dans le milieu du stand-up. La vie ne se déroule pas vraiment comme il l’avait rêvé… et le héros de cette histoire semble doucement perdre pied.

Avec une plume bien acérée, Quentin Jardon déroule une histoire drôle et pathétique, et propose des réflexions grinçantes sur la vie et les injonctions sociales qui nous entourent. Voici une lecture à la fois légère et très intimiste teintée d’une sacrée dose cynisme et de belgitude. On adore.

Catherine M.

Depuis le triomphe de Normal People, chaque roman de Sally Rooney est un événement. L'irlandaise manie la langue comme personne et, tout en reprenant ses thèmes de prédilection (les relations interpersonnelles, l'amour et le sexe, les malaises de la société contemporaine, la santé mentale, la religion...), elle parvient à nous offrir à chaque sortie quelque chose de nouveau et d'éblouissant.

Intermezzo met en scène deux frères dans les mois qui suivent le décès de leur père. Peter, l'aîné, est un avocat trentenaire à qui tout réussit, du moins en apparence. Mais, dans le deuil, il semble perdre le fil de son existence, tout en oscillant entre deux femmes très différentes: son amour de jeunesse, Sylvia, et Naomi, une étudiante d'université. Son cadet, Ivan, a 22 ans. C'est un prodige des échecs qui a du mal à se lier aux autres. Lors d'un tournoi, il rencontre Margaret, une femme un peu plus âgée et récemment divorcée, avec laquelle il développera une connexion et un amour intenses.

Les dés sont lancés, le jeu a commencé: ces cinq personnages se déploient et évoluent tout au long d'un roman ambitieux, qu'il faut prendre le temps de savourer, qui demande de la concentration pour être apprécié à sa juste valeur et profondeur. Brillant.

Hélène

Après Petit Pays, Gaël Faye retourne sur les terres du Rwanda avec un nouveau roman d’une grande force. Il explore le thème de la mémoire en déroulant le destin d’une famille sur quatre générations et revient sur l’histoire de ce pays marqué au fer blanc par le génocide de 1994.

Son écriture fluide nous emporte, décrit avec douceur et empathie comment tout un peuple a traversé les ténèbres et se bat chaque jour pour éclairer le chemin par des éclats de lumière.

Un livre puissant et vibrant sur la force de vie et l’importance du pardon.

Sans conteste, un incontournable de cette rentrée littéraire... Coup de coeur !

Delphine